Fioretti de saint Jean Bosco # 21
Maman Marguerite, la lessive et le crucifix
Fioretti de saint Jean Bosco
- Maman Marguerite, la lessive et le crucifix
Il y a longtemps que nous n’avons parlé de cette bonne Maman Marguerite, la mère de Don Bosco. Vous savez qu’elle avait un jour quitté sa ferme du hameau des Becchi pour venir servir de maman à tous les enfants de son fils. Et il en avait déjà plus de deux cents à cette époque. Vous imaginez ce que cela faisait d’assiettes de soupe à remplir, de plats à préparer puis à laver… Sans compter les trous de culottes à boucher, les chaussettes à raccommoder et les corbeilles de linge à lessiver. Il fallait que cette brave femme fut une solide paysanne pour tenir, dans cette maison du Valdocco et faire face à tout. En plus de cela, se souvenant de l’heureux temps de sa jeunesse, Maman Marguerite cultivait encore un bout de jardin en face de sa cuisine !
Or, voilà que cette admirable chrétienne, pourtant si bonne et courageuse, perdit une certaine fois patience. Peu de jours auparavant un groupe de garçons, entraînés par un ancien sergent en retraite, avaient pris d’assaut une citadelle imaginaire formée par la barrière clôturant son minuscule potager. Non seulement les lattes de bois avaient été renversées, mais la troupe, fonçant sur l’obstacle, avait piétiné sans pitié les plates-bandes, réduisant à néant le résultat de plusieurs semaines de dur labeur.
Aujourd’hui ils venaient, au cours d’une récréation, d’envoyer dans la boue une lessive qui séchait péniblement sur la fragile barrière bordant le jardin et remise sur pied à grand-peine après la bataille.
La pauvre Margherita n’en pouvait plus. Elle vint donc trouver son fils et lui dit :
« Ecoute, Jean, cette fois j’en ai assez. Ma patience est à bout. Tous ces garçons ne comprendront jamais ce que je fais ici pour eux. Mieux vaut que je m’en aille. Laisse-moi retourner dans ma ferme des Becchi. Là je reprendrai ma place auprès de ton frère Joseph et je vivrai mes derniers jours en paix ! » Don Bosco, le cœur brisé, regardait sa mère. Il ne la comprenait que trop ! Mais si elle partait, qu’allait devenir sa grande famille ? Qui s’occuperait de ses garçons ? La plupart étaient de pauvres orphelins, étourdis mais pas méchants. Et au fond ils aimaient tous la mère de Don Bosco comme si c’était la leur. Ne lui avaient-ils pas donné eux-mêmes ce joli nom de « Maman Marguerite » ?
Alors, une intense prière jaillit du cœur du saint. En silence il suppliait le ciel de lui garder celle qui était l’âme de sa maison. Au bout d’un instant il tendit la main droite du côté du mur de la cuisine. Là pendait un modeste crucifix noirci par la fumée. Et le regard de Don Bosco avait l’air de dire : « Est-il descendu de sa croix, lui, quand les bourreaux l’y eurent cloué ? »
Du coup, la bonne Maman Marguerite s’apaisa. Elle avait compris.
« Tu as raison, Jean », dit-elle simplement.
Et elle remit son tablier.
Ce jour-là, la mère de Don Bosco avait montré qu’elle était une sainte. En reprenant son travail sous le crucifix pendu dans sa cuisine, elle a ressemblé comme jamais à cette autre maman qui pour nous resta debout près de la croix de Jésus : la Vierge Marie.
Que c’est donc beau une maman qui se sacrifie ainsi pour les siens, première levée, dernière couchée, et qui ne se plaint jamais !