CELIBAT ET COMMUNAUTE RELIGIEUSE - 7
Voeu de chasteté, de virginité
CELIBAT ET COMMUNAUTE RELIGIEUSE
(cf. T. J. van Bavel, Le cœur de la vie religieuse)
En tant qu'expression d'une humanité mûre, le célibat devrait permettre à une personne de développer des relations profondes avec les autres, tant au sein de sa propre communauté qu'au-delà. Le célibat ne se substitue pas à la famille, mais doit pouvoir développer ses propres relations. La forme que devraient prendre ces propres relations dépendra de la nature de la communauté ainsi que des personnes avec lesquelles on vit. On n'a exactement la même relation avec personne ; cela diffère d'une personne à l'autre. Cependant, l'objectif est d'établir autant de relations personnelles réelles que possible. Vivre ensemble, c'est plus qu'attendre seulement des bénéfices des autres. Il ne suffit donc pas de présenter la vie communautaire comme un minimum de soutien affectif pour soutenir la vie dans le célibat, ou comme un moyen d'assurer le célibat des membres. Je ne dis pas que vivre ensemble ne signifie pas de l’affectivité ou de l’appui pour l'individu, mais vivre ensemble n'acquiert ce sens que lorsqu'on partage réellement sa vie avec les autres. Partager la vie avec les autres : c'est l'intention première. Quiconque « a simplement besoin » d'un autre, veut toujours lier un autre à lui-même, le dirige toujours vers lui-même comme centre, est incapable d’une communion de vie. Mais être incapable d'affectivité et d'amour, ou leur refoulement, conduit généralement à chercher une compensation dans une certaine forme d'affirmation : dans l'autoritarisme ou la dureté, dans l'insensibilité ou le besoin d'être toujours au centre de l'attention. Comme Augustin l'a déjà souligné : "J'ai souvent pu observer ce fait dans le comportement humain que lorsque les gens répriment leur sexualité, la cupidité semble prendre sa place." Si le célibat devait conduire à cela, il manquerait évidemment sa cible et deviendrait quelque chose de plus dangereux que l’épanouissement de l'être humain. Peut-être pourrait-on caractériser la communion mutuelle entre célibataires par les mots « fraternité » et « sororité », ce que les Français appellent « la vie en fraternité ». D'après Th. Matura, la 'fraternité' est plus qu'une bonne relation les uns avec les autres ; c'est la réconciliation, l'amour, l'égalité, la liberté, le partage et l'ouverture du cœur. C'est quelque chose de la nouvelle humanité que l'évangile nous offre.
Jusqu'à présent, nous avons parlé des relations de célibat entre personnes de même sexe. Aujourd'hui, cependant, l'amitié entre l'homme et la femme ou la possibilité d'une communauté mixte est de plus en plus discutée. Je ne peux pas entrer dans les détails de ces questions complexes, qui impliquent tant d'aspects psychologiques et sociologiques. Ces matières demandent une grande habileté. Je voudrais exposer brièvement mon propre point de vue, basé sur la réflexion et l'expérience de moi-même et des autres. A commencer par cette dernière : ce n'est pas un phénomène nouveau. La cohabitation et la coexistence des ascètes masculins et féminins est un phénomène assez répandu aux IIIe et IVe siècles. De telles vies communes étaient âprement contestées par les écrivains les plus éminents de l'époque. La littérature ancienne sur ce sujet donne l'impression qu'une telle vie commune est une impossibilité psychologique. Plus tard dans l'histoire, entre l'an 1050 et 1400, on rencontre le phénomène des doubles monastères et même des Ordres mixtes. Mais ce n'était pas du tout une coexistence mixte ; au contraire, les communautés féminines et masculines sont restées strictement séparées l'une de l'autre. Une autre chose était les monastères pour les personnes mariées, qui ont été principalement fondés par les Ordres Militaires aux XIe et XIIe siècles, mais se sont poursuivis jusqu’au XVIIIe siècle. Bien qu'il semble y avoir eu des difficultés à équilibrer les exigences de la vie familiale et de la vie communautaire religieuse, on ne peut prétendre que de telles communautés n'ont pas d'avenir. Dans les dernières années, je connais deux fondations de monastères pour couples mariés.
Personne ne peut simplement nier la possibilité d'une amitié entre une femme et un homme, qui vivent tous deux dans le célibat. Beaucoup dépend ici de ce que l'on entend par amitié. Si l'on prend l'amitié dans un sens très étendu et large, il n'y a aucune difficulté du tout. Si, toutefois, l'amitié est considérée comme une relation personnelle très intime, alors des exigences psychologiques très élevées sont imposées aux personnes concernées. Parce qu'il n'y a pas d'amitié intime dans laquelle la sexualité ne joue aucun rôle. L'amour entre l'homme et la femme aspire toujours à un échange complet. Refuser de l'accomplir a toujours quelque chose de douloureux. Une réponse générale à la question d'une amitié aussi intime n'est bien sûr pas possible. Cela dépend beaucoup de la personne concernée. Mais pour la plupart, cela me semble psychologiquement irréalisable. Je ne sais pas si cela changera un jour à l'avenir en raison d'une attitude évoluée envers la sexualité. Pour l'instant, cependant, je reste sceptique.
Une exigence générale en matière d'amitié hors de sa propre communauté demeure en tout cas le fait que le lien avec son propre groupe ne doit pas en souffrir. Parce que les gens s'éloignent souvent de leur propre groupe plus rapidement qu'ils ne le pensent. Et puis il devient difficile d'apporter quoi que ce soit à la communauté de vie au sein du groupe, aussi dans le domaine de la vie communautaire au niveau de la foi.