À PROPOS DE LA PAUVRETÉ ÉVANGÉLIGQUE

Don Bosco et notre vœu de pauvreté

À PROPOS DE LA PAUVRETÉ ÉVANGÉLIGQUE

À PROPOS DE LA PAUVRETÉ ÉVANGÉLIGQUE

En ce qui concerne la pauvreté évangélique, souvent il a été demandé à nos communautés de mener une vie sobre et à décider concrètement ce qu’il faut faire pour vivre dans un style de vie plus sobre. Dans nos provinces ou communautés, il a été demandé également de faire une évaluation communautaire régulière sur notre train de vie (scrutin de pauvreté). Parfois, on a exhorté à s’imposer aussi une discipline personnelle au niveau des dépenses. De plus, nous sommes invités à vivre la devise de Don Bosco : « travail et tempérance », en menant une vie proche des gens.

            Il est toujours nécessaire de retourner à nos Constitutions (n. 72-79) et Règlements (n. 51-65 et 193-202). A travers notre Règle de vie, nous recevons assez de matière pour notre réflexion et notre méditation.

            « Don Bosco a vécu la pauvreté comme un détachement du cœur et un service généreux de ses frères, dans un style de vie austère, ingénieux et riche d’initiatives. » (C.73) Ne sommes-nous pas parfois plus préoccupés de nous « installer » en nous enfermant dans un individualisme et en nous occupant de nos propres besoins de vie et de travail ? Don Bosco a donné le témoignage d’une vie pauvre et s’est engagé au service des jeunes pauvres. Et voici les traits caractéristiques de la pauvreté de Don Bosco : « une confiance inébranlable en la divine Providence, la simplicité austère, la sobriété exemplaire, un sens en quelque sorte sacré de l’épargne et de l’économie, qui lui faisait considérer l’argent comme un don et comme un instrument de bien » (cf. CGS, 596). Son style de vie était marqué par le travail et la tempérance. Il disait : « Aimez la pauvreté… Notre Congrégation a devant elle un heureux avenir préparé par la Divine Providence… Mais quand commenceront parmi nous les commodités et les aises, notre Congrégation aura fini son temps » (cf. MB).

            « Chacun de nous est le premier responsable de sa pauvreté. Il réalise pour cela chaque jour, par un mode de vie réellement pauvre, le détachement qu’il a promis… Il veille à ne pas céder peu à peu au désir de bien-être et aux commodités, qui constituent une menace directe pour sa fidélité et sa générosité apostolique. » (C.75) Quand il fait sa profession dans la Congrégation, le salésien entre dans une structure qui lui garantit une maison, le couvert, le vêtement, une certaine sécurité économique… D’où le risque de vivre la pauvreté d’une manière presque automatique et de s’en remettre sans problème à la sécurité de l’Institution. La pauvreté ne pourra être authentique si le confrère n’en fait pas son affaire à lui. Un certain « embourgeoisement » est toujours possible ! (cf. « Le projet de vie des Salésiens de Don Bosco », T.2, p. 359).

Professer de vivre dans la pauvreté selon l’Evangile, c’est accepter une vie rude, où ne manqueront ni les renoncements ni les sacrifices. Don Bosco en parle dans sa lettre aux confrères salésiens (cf. les « Ecrits de Don Bosco » dans le livre de nos « Constitutions et Règlements », p. 221-222). Ici aussi vaut la parole de Jésus : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6,21). Le salésien qui cherche son confort et s’attache aux choses, sera-t-il encore disponible pour les jeunes ?

            « Chaque communauté est attentive aux conditions du milieu où elle vit et témoigne de sa pauvreté par une vie simple et frugale dans un habitat modeste. A l’exemple et dans l’esprit de notre Fondateur, nous acceptons de posséder les biens nécessaires à notre travail et nous les gérons de telle manière que leur finalité de service apparaisse évidente à tous. » (C.77) La profession de pauvreté met également en cause la communauté, qui doit donner un témoignage crédible en tant que communauté. « Faites que le monde sache que vous êtes pauvres dans vos habits, votre nourriture, vos habitations ; et vous serez riches devant Dieu et vous conquerrez le cœur des hommes. » (« Souvenirs de Don Bosco aux premiers missionnaires » dans « Constitutions et Règlements », p. 254. Chaque communauté doit trouver son style de simplicité et d’austérité en fonction de sa mission précise dans un territoire déterminé. Quant aux moyens nécessaires au travail de la communauté, nos destinataires et les gens qui nous observent doivent voir clairement que nos biens communautaires sont effectivement destinés aux buts de la mission et que les salésiens, individuellement et collectivement, vivent comme de simples administrateurs de ces biens (cf. Le projet de vie des Salésiens de Don Bosco, T.2, p. 373-374).

            « Le travail assidu et mortifiant est l’une des caractéristiques que nous a laissés Don Bosco ; il est aussi une expression concrète de notre pauvreté. » (C.78) Don Bosco voulait ses salésiens joyeux, pauvres, sobres, mais surtout travailleurs. « Que chacun des religieux, dans sa tâche, se sente astreint à la loi commune du travail », nous dit l’Eglise (PC, 13). Notre travail, accompli avec amour et par amour, devient un témoignage pour les hommes que nous rencontrons : c’est le côté « éducatif » de notre vie de pauvreté.

Dans nos Provinces, les communautés salésiennes et les œuvres dans leur ensemble ont toujours besoin d’une gestion claire et transparente. Souvent, l’argent semble être partout un problème important et crée facilement des problèmes et des tensions entre les hommes. « De bons comptes font de bons amis » dit la sagesse populaire. Si nous voulons vivre fraternellement en communauté, nous devons aussi être corrects dans l’usage de l’argent.

A la base, cela suppose et cela exige une clarté, c’est-à-dire : chaque secteur de travail doit rendre compte de tout dans la transparence. C’est dire que toutes les entrées et toutes les sorties doivent être enregistrées dans un livre de caisse (même par secteur dans les œuvres complexes) pour permettre à l’économe de la communauté et de l’œuvre d’avoir une vue sur la situation financière de l’ensemble. Si cette clarté à la base n’existe pas, il y aura toujours des problèmes, des soupçons et des tensions entre confrères. Notre vœu de pauvreté exige une gestion bien faite.

L’état financier de nos maisons et de nos œuvres peut être une chose très préoccupante car il arrive que les dépenses dépassent largement les entrées. Alors, il y a un manque d’argent ; nous vivons quelques fois au-dessus de nos moyens ; ou nous vivons dans un état économique à perte. De là justement la nécessité d’avoir une vue claire sur l’état de santé financier de chaque maison et de chaque secteur de l’œuvre ; de là encore la nécessité de faire régulièrement le bilan et la prévision budgétaire des différents secteurs de travail ; de là en plus l’examen urgent de voir comment les maisons peuvent contribuer par un autofinancement à combler les dépenses énormes, voire même d’arriver à de petits bénéfices pour faire avancer les œuvres. Injecter tout le temps de l’argent dans nos maisons sans qu’il y ait des résultats positifs, c’est reculer et arriver à la faillite des œuvres. Dans ce sens, il est important de continuer à examiner les possibilités d’autofinancement, mais aussi de porter ensemble la responsabilité des œuvres. Il y a des secteurs qui nécessairement ont besoin d’aide par l’élaboration des projets, mais il faut aussi faire appel à la mise en commun des moyens financiers mis à la disposition de la communauté ou des œuvres. La charge des œuvres est portée par une communauté qui a une responsabilité commune du bon fonctionnement de l’ensemble. En plus, c’est aussi par un esprit de créativité et d’invention qu’il faut contribuer à la bonne marche des œuvres : c’est aussi par notre propre travail que l’œuvre doit survivre et se développer. Et puis, il y a tout le domaine de l’épargne : il faut aussi avoir le courage de faire un examen de conscience personnel et communautaire dans le sens de vouloir se poser des questions. Ne pouvons-nous pas épargner quelques fois quelque chose ? Est-ce qu’il n’y a pas des dépenses inutiles ? N’y a-t-il pas parfois un gaspillage ? Avons-nous toujours utilisé l’argent de la communauté ou du secteur de travail d’une manière responsable ?

Il faut étudier de près la bonne marche de l’économat et de la comptabilité en assurant un travail ordonné et bien organisé et en échangeant régulièrement sur la situation économique et financière dans le conseil de la maison et au niveau de l’assemblée communautaire, parce que nous portons « ensemble » la responsabilité de la gestion.

Il y a bien sûr quelques fois le poids d’un passé qui peut jouer ou qui joue effectivement encore : il s’agit d’une mentalité ou d’une habitude qui font penser à des attitudes paternalistes. Mais cela ne doit pas nous décourager : ce sont les douleurs d’un enfantement du changement nécessaire. Tout en étant attentifs à des situations parfois très difficiles, liées aux circonstances du pays ou du milieu, tout en étant humains et préoccupés de la dignité de la personne humaine, nous devons faire en sorte que les jeunes et les gens en général (nos professeurs, nos ouvriers, nos paroissiens, nos collaborateurs) puissent prendre en main leur propre vie. Et cela demande une formation et une éducation. Dans ce domaine, essayons d’agir en toute liberté, mais aussi dans un esprit de dialogue et pleins de respect pour ceux et celles qui collaborent avec nous.

Bientôt, nous publierons une nouvelle série de réflexions sur le vœu de pauvreté, en nous inspirant du livre de T.J. van Bavel, Le cœur de la vie religieuse.