Aspects de la vie en communauté - 6

LA COMMUNAUTÉ RELIGIEUSE EST UNE COMMUNAUTÉ DE FOI

Aspects de la vie en communauté - 6

LA COMMUNAUTÉ RELIGIEUSE EST UNE COMMUNAUTÉ DE FOI

(cf. T. J. van Bavel, Le cœur de la vie religieuse)

À partir d’une même vision de foi, d’une même option par rapport au message du Christ, des personnes partageant les mêmes idées, ont voulu vivre ensemble. Cela s'est produit en premier lieu pour partager la foi, pour la vivre ensemble, pour en trouver du soutien en étant ensemble et aussi pour grandir dans la foi grâce aux autres. On voit que dans l'ancien monachisme les moines entretenaient une communication très profonde et personnelle les uns avec les autres sur ce point. Beaucoup de leurs conversations ont même été conservées. Nous, les gens modernes, ne pouvons-nous pas apprendre beaucoup des premiers moines à cet égard ? Les communautés religieuses ne sont-elles pas souvent des communautés où les gens vivent côte à côte et se connaissent souvent à peine ? Vivre ensemble, c'est plus que cohabiter matériellement, plus que manger à la même table, plus que dormir sous le même toit. Vivre ensemble, c'est d'abord parler ensemble. Parler ensemble, cependant, suppose d'écouter ensemble. Ainsi, les couvents seront des communautés, où les personnes écouteront l'évangile ensemble, vivront ensemble leur implication suivant cet évangile, et à partir de là façonneront leur engagement commun pour le Royaume de Dieu. Ainsi, les communautés religieuses seront vraiment des communautés de foi, c'est-à-dire une communauté où chacun tire également profit pour sa foi personnelle. Une communauté où on stimule la foi de l'autre à travers le dialogue, à travers de vraies conversations (pas seulement « bavarder », mais à travers ce que j'appellerais « dialogue de vie »). Une communauté où les personnes peuvent également exprimer leurs doutes et leurs difficultés, et où les idées personnelles sont valorisées. Une communauté basée sur une authentique amitié humaine. Seule une telle communauté peut soutenir la foi et contribuer à une plus grande foi.

Une grande partie de ce qui aidait autrefois les religieux à être reliés structurellement, est disparu. En conséquence, l'attention pour l'inattendu et l'intériorité a augmenté dans de nombreux cas. L’on veut créer de l’espace et donner vraiment de l’attention à l’épanouissement religieux et humain de chacun. Ensemble, on veut trouver des réponses aux questions de la vie et de la foi. Il s'agit de chercher ensemble et de poser des questions ensemble (pas : savoir ensemble). En tant que communauté de foi, on veut garantir de continuer de porter ensemble la parole de l'Évangile, si nécessaire comme un questionnement, de cette manière à se servir les uns les autres. Il n'est guère utile de souligner que cela n'est pas possible sans la prière commune et les célébrations liturgiques.

Cependant, la communauté n'est pas la même chose que l'unité. Tous vouloir la même chose et ne pas vouloir la même chose n'est pas idéal. Pas même dans le domaine de la foi. Je pense que cette idée est importante, surtout de nos jours où nous sommes quotidiennement confrontés à de profonds désaccords et à un large éventail de pluralisme également dans le domaine de la foi. Là où les gens sont toujours d'accord, il y a un risque de ne pas chercher, expérimenter et rejeter simplement tout renouveau. C'est pourquoi le conflit joue un rôle important dans la construction d'une communauté. Le conflit empêche l'uniformité incolore. En période de transition comme la nôtre, il n'est pas recommandé de quitter une communauté à cause d'un conflit. Je pense qu'il serait préférable de continuer de se parler si possible. Les changements ont lieu si rapidement de nos jours que personne ne devrait penser qu'il a la sagesse en sa possession ou qu'il est trop rapidement convaincu qu'il a raison. Donne aux gens le droit de faire des erreurs parce que ce sont des humains. Ne dramatise pas les désaccords mineurs, mais apprends à rire parce que vous n'êtes pas de la même idée. Apprends à être en désaccord sans te mettre en colère. Et surtout après un incident, n'entre pas dans le rempart du silence.

Cela nous ramène au sens de la conversation. Un ancien dialogue de l'époque du monachisme dans le désert égyptien a été conservé. Un jeune moine, Eupropios, rend visite à un vieux père du désert et demande : « Père, donne-moi une parole : comment puis-je arriver au salut ? L'autre répond : "Si tu veux être guéri, ne commence pas à parler, quand tu cherches une autre personne avant que celui-ci ne te le demande." Eupropios dit alors : "Vraiment, j'ai lu beaucoup de livres, mais je n'ai jamais reçu un tel indice." Quel est le sens de cette histoire ? N'est-ce pas que nulle part plus que dans la parole l'homme n'est enclin à se mettre au premier plan ? Notre parole devient facilement un monologue, on ne se demande plus si l'autre personne nous écoute vraiment ou s’il tire profit de notre parole. L'intéressé restera alors un objet mort. Ou bien, notre parole devient une sorte de prise de pouvoir, un moyen de dominer un autre, d'imposer sa propre vision et sa volonté à un autre. Nous devons apprendre à quel point le pouvoir, la faiblesse et les faussetés menacent nos relations avec les autres. Il faut apprendre à parler et à écouter. Une conversation ne sert pas à avoir raison et encore moins à « casser » les autres. Une conversation vise à s'enrichir mutuellement. Chaque dialogue devrait viser à formuler son propre point de vue tout en invitant les autres à exprimer de manière créative leurs désirs et leurs idées. L'on ne peut pas « mettre la main » sur l’espace de la parole et de l'écoute. Plutôt, on les « reçoit ». En fin de compte, ce sont des dons.

Le vrai contact avec un autre n'est possible que si je le reconnais dans son altérité et quand j'ose être complètement moi-même. Même des formes imparfaites de communion ne sont possibles que si l'on accepte l'autre tel qu'il est. Faire l'éloge de quelqu'un, affirmer ses droits sur quelqu'un d'autre, vouloir se reconnaître dans l'autre : ce ne sont pas des formes de communication saines. Ils violent l'altérité de la personne à côté de moi. Après tout, la propre personnalité a toujours quelque chose d'inaliénable. C'est pourquoi une solitude demeure dans chaque relation, y compris dans la relation de foi. L'un trouve toujours sa propre solitude inaliénable dans l'autre. La solitude est donc simplement nécessaire pour l'homme. Il doit oser et pouvoir être seul. Il doit cultiver le silence et la solitude car ils sont indispensables à son existence. (Cela devra être pris en compte dans une petite communauté). Mais la solitude n'est pas la même chose que l'isolement ! Cependant, le danger d'isolement et d'individualisme n'est pas imaginaire de nos jours. Ceci est lié à une exagération d'être différent et à la spécificité de la personnalité. Parfois, les gens n'osent plus aller vers l'autre, car on entend partout proclamer que la liberté et l'indépendance de l'autre sont sacrées. Le slogan est : chacun sa liberté, chacun choisit son propre travail, chacun agit selon son propre point de vue. La conviction de foi personnelle en particulier est souvent enfoncée dans le coin individuel intouchable. Cependant, cela rend la communion impossible. Et c'est précisément pourquoi il n'est pas rare que l’on repousse d'autres sur eux-mêmes et les isole. De cette façon, des personnes périssent dans la solitude. Ceci ne peut jamais être l'intention de la communauté.   Il faut du courage pour briser l'individualisme et continuer à croire en la valeur de la rencontre avec les autres.

(Traduction : Camiel S.)