Fioretti de saint Jean Bosco # 8
La vengeance d’un saint
Fioretti de saint Jean Bosco
- La vengeance d’un saint
On sait toutes les difficultés qui accablèrent Don Bosco quand, nouveau prêtre, il essaya de trouver un bout de terrain pour faire jouer ses apprentis le dimanche. Évidemment une chapelle lui était également nécessaire tant pour faire prier son monde que pour lui enseigner un bout de catéchisme, la plupart de ses garçons sachant tout juste esquisser le signe de la croix !
Vers la fin de l’année 1845, les autorités religieuses permirent à sa « horde », comme on l’appelait, d’utiliser une modeste chapelle dédiée à saint Martin. Simple succursale d’une paroisse voisine on y célébrait une seule messe le dimanche puis le local se vidait pour le reste de la journée. C’était donc une aubaine pour Don Bosco et ses garçons. Nous allons voir que malgré les apparences il n’en fut rien…
La chapelle Saint-Martin se trouvait bâtie dans un quartier dénommé « Les Moulins de la Doire », rivière qui se jette dans le Pô en aval de Turin.
Sur ses bords étaient installés des moulins et il y avait là de nombreux meuniers avec leurs familles. Chaque dimanche ces gens virent arriver Don Bosco avec ses trois cents garçons ! Ce fut la fin de leur tranquillité ! Évidemment quand la troupe était dans la chapelle pour la prière ou le catéchisme cela pouvait aller. Mais quand ces centaines de garnements s’égaillaient dans les prés, courant et criant à perdre haleine, on ne s’entendait plus ! « Ce n’est pas tenable, disaient les commères. C’est un véritable enfer ! »
Excité par elles tout le quartier se mit bientôt à se plaindre de ces « voyous » comme on dénommait ces pauvres gosses vêtus souvent « à la diable ». Le plus farouche des opposants fut le secrétaire du groupement des meuniers. Furieux contre l’admirable travail que faisait ce jeune prêtre au milieu de ces sans-logis il prit sa plus belle plume et écrivit au Maire de Turin une vigoureuse réclamation. Il y expliquait que le dimanche la vie devenait impossible dans le quartier des Moulins depuis qu’un certain Don Bosco y venait, accompagné d’une bande de plusieurs centaines de vauriens. Ce prêtre allait en outre jusqu’à trousser sa soutane pour courir avec eux, ce qui était un scandale pour toutes les familles des meuniers et leurs enfants. La population comptait donc que des mesures énergiques seraient prises au plus tôt afin de mettre ordre à tout cela. M. le Maire, effrayé par cette levée de boucliers, abonda dans le sens de ses administrés et interdit l’accès de la chapelle Saint- Martin aux patronnés dès le dimanche suivant. « Patience », dit Don Bosco à ses garçons en leur apprenant la triste nouvelle ; « patience et aussi confiance ! La Sainte-Vierge nous trouvera bien quelque chose. Et peut-être, ajouta-t-il, prendra-t-elle notre défense… » C’est en effet ce qui arriva.
Le secrétaire des meuniers de la Doire n’écrivit jamais plus d’autres lettres à qui que ce fut. Atteint subitement d’une violente fièvre, il mourut quelques jours à peine après le départ de Don Bosco et de ses garçons.
En disparaissant aussi brusquement il laissait un fils dont personne, comme par hasard, ne voulut s’occuper sauf… Don Bosco. Le saint, oublieux des offenses comme le recommande le Christ, reçut le malheureux garçon chez lui, lui donna du pain, lui offrit un toit et enfin lui fit apprendre un métier.
Ainsi l’apôtre de Turin, pourchassé et calomnié, sut rendre une fois de plus le bien pour le mal, donnant au passage une belle leçon à ses détracteurs.
Et la Vierge Auxiliatrice ne tarda pas à l’en récompenser en lui faisant offrir le fameux hangar Pinardi devenu aujourd’hui le centre d’une œuvre dont le rayonnement s’étend sur le monde entier.