Fioretti de saint Jean Bosco # 22
Dans un wagon de troisième classe
Fioretti de saint Jean Bosco
- Dans un wagon de troisième classe
C’était au temps où les chemins de fer avaient encore trois classes. Don Bosco, toujours pauvre, voyageait évidemment dans la dernière, c’est-à-dire la troisième. Or un jour qu’il était tranquillement assis dans un coin de compartiment, les gens se mirent à parler de lui ! Un beau monsieur, qui paraissait être un commis voyageur, pérorait haut et fort, prétendant connaître très bien ce Don Bosco dont il était question.
« Je le connais, moi, ce prêtre ! C’est un intrigant et un farceur ! »
Don Bosco, à ces mots, dressa l’oreille.
« Oui, il s’y entend pour accrocher l’argent celui- là ! Et vous vous figurez que c’est pour des enfants pauvres qu’il quête ! Allons donc ! Tout ce qu’il ramasse il le donne à sa mère et à son frère. Savez-vous qu’il a fait bâtir un château et qu’il y va dans un magnifique carrosse tiré par deux chevaux ! C’est un coquin de premier ordre, ce curé-là ! »
Notre pauvre saint, qui s’était tu jusqu’à ce moment, prit alors la parole. Très poliment il dit au beau parleur : « Etes-vous bien sûr, monsieur, de ce que vous avancez ? Connaissez-vous vraiment Don Bosco ? »
Si je le connais, riposte le commis voyageur avec aplomb, je le vois tous les jours ! Ah, je pourrais vous en raconter de belles sur son compte !
- Eh bien, monsieur, répliqua Don Bosco, moi je puis vous assurer que dans tout ce que vous venez de dire il n’y a pas un mot de vrai !
- Comment, dit le voyageur furieux, vous osez me donner un démenti ! Vous me feriez passer devant tout le monde pour un menteur ?
Et le bonhomme faisait mine de se lever comme pour en venir aux mains avec le prêtre.
Heureusement le train arriva dans une gare et s’arrêta. La portière s’ouvrit et un nouveau voyageur monta dans le compartiment. Dès qu’il eut aperçu le saint de Turin il se précipita vers lui et, selon la coutume du pays, lui baisa la main en disant : « Oh, Don Bosco, quelle joie de vous trouver là ! Je vais donc avoir le bonheur de voyager avec vous ! »
Le commis voyageur, rouge de confusion, ne savait plus où se mettre. Et les compagnons de voyage de Don Bosco, de se regarder en disant :
« C’était Don Bosco, ce prêtre ! Pas possible ! Et l’autre qui prétendait qu’il le voyait tous les jours ! Quel menteur ! »
Notre saint lut leur surprise dans leurs yeux… Et il ajouta, toujours calme :
« Eh ! oui, mes bons amis, je suis le pauvre Don Bosco dont on vient de dire tant de mal. Croyez-moi, tout ce que ce Monsieur a dit est faux. Je ne puis pas donner de l’argent à ma mère, elle est morte ! Et tant qu’elle a vécu elle a travaillé comme cuisinière au Valdocco pour que je puisse garder mes enfants. Quant à mon frère Joseph, il est resté à la ferme de mon père, paysan comme lui. Et moi, en fait de carrosse, j’ai ce wagon de troisième classe ! »
Les assistants indignés faillirent écharper le malheureux commis voyageur. Aussi se dépêcha-t-il de descendre à la plus prochaine station…