Fioretti de saint Jean Bosco # 18

Une bonne sœur bien surprise

Fioretti de saint Jean Bosco # 18

Fioretti de saint Jean Bosco

  1. Une bonne sœur bien surprise

Pour faire face à ses nombreuses obligations Don Bosco était astreint à de fréquents déplacements. Et en cours de route il lui arrivait parfois de curieuses aventures. En voici une, choisie entre, beaucoup d’autres.

Notre saint se trouvait dans le train en compagnie d’un de ses prêtres lorsque deux religieuses entrèrent, la tête surmontée d’une vaste cornette. Salutations discrètes de part et d’autre et le train repart… On arrive bientôt en gare d’Asti, cette cité du Piémont dont le vin pétillant a porté au loin la réputation. L’abbé Bosco y était connu depuis son enfance car il était né tout près de là. Aussi nombre de gens s’étaient-ils massés sur le quai pour le saluer au passage. Don Bosco les aperçoit et se penche à la portière. Aussitôt son nom vole de bouche en bouche. L’abbé dit un mot aimable à chacun, serre des mains, jusqu’à ce que la locomotive siffle et que le train démarre.

« Tiens, pensent les religieuses qui se trouvaient dans le même compartiment que les deux prêtres, c’est le fameux Don Bosco de Turin, celui dont on parle tant et qui passe pour faire des miracles. » Et nos braves sœurs cachent mal leur désappointement.

Un saint, cela doit avoir une tête pas comme les autres ! Or ce n’est réellement pas le cas de celui-ci ! Pendant ce temps Don Bosco a repris sa place en face d’elles, ce qui leur permet de mieux l’étudier. L’une d’elles surtout est particulièrement déçue.

« Ça, pense-t-elle, un saint ? Je me figurais Don Bosco comme un homme imposant, au maintien digne, aux gestes pleins d’onction. Or il a l’air d’un prêtre ordinaire ; il a salué les gens d’Asti comme un simple curé de campagne. Il a même des oreilles terriblement longues ! » Décidément l’examen n’était pas en faveur du pauvre voyageur ! Mais il est dangereux de juger les gens sur leur mine… surtout quand ce sont des saints.

Don Bosco, en effet, a deviné les pensées qui hantent la malheureuse religieuse. Et elle ne va pas tarder à s’en apercevoir… Se tournant vers son compagnon il lui dit à la cantonade : « Me croiras-tu ? L’autre jour il m’a pris envie de me faire photographier. Quand j’ai eu en main les épreuves je me suis regardé ; j’ai été terriblement déçu. Pauvre malheureux, me suis-je dit, tu croyais être un homme imposant, digne, aux gestes pleins d’onction et voilà que tu as l’air d’un bonhomme tout ordinaire ! J’ai même remarqué que j’avais des oreilles affreusement longues ! »

On devine combien ces paroles troublèrent la pauvre religieuse ! Rouge de confusion, elle aurait voulu disparaître sous la banquette du compartiment… Son vis-à-vis, voyant son embarras mais feignant de ne s’apercevoir de rien, lui dit avec le sourire : « Alors, ma sœur, on s’en va en Sardaigne…

— Oui, mon Père, répondit la religieuse de plus en plus gênée et surprise. Je vais m’occuper de petites orphelines.

— Eh bien non, ma sœur ; c’est de garçons dont on vous chargera. Mais vous leur ferez beaucoup de bien ! — C’est impossible, mon Père ; notre Mère m’a affirmé le contraire.

— Oui, cela vous plait moins, je m’en doute, mais il en sera ainsi. Et la conversation tomba.

Quelques jours après son arrivée dans la grande île la religieuse put constater que Don Bosco avait été bon prophète… On la chargea d’une belle troupe de garçons qui d’ailleurs firent son bonheur.

Comme cette religieuse, on se fait souvent une idée étrange des saints. Pourquoi auraient-ils une tête différente de celle des autres ? Ne suffit-il pas d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces, et le prochain comme soi-même ?