Fioretti # 3 Un sorcier qui ne l'était pas
Fioretti de saint Jean Bosco
- Un sorcier qui ne l'était pas…
Avant de prendre la soutane Jean Bosco fut élève au Petit Séminaire de Chieri. Pour arriver à payer ses études, auxquelles Maman Marguerite subvenait tant bien que mal par des dons en nature, il dut exercer toutes sortes de métiers y compris celui de garçon de café. Notre futur saint ne s’en attristait pas pour autant. Il avait même fondé parmi ses camarades de séminaire « La Compagnie de la gaieté ». Et il n’était pas le dernier à donner le ton à cette équipe de gais lurons*, surtout dans les tours d’adresse ou d’acrobatie, car il était un spécialiste en la matière… En effet, lorsqu’il était encore aux Becchi, il aimait à accompagner sa mère dans les foires. Là il regardait avec attention les saltimbanques, s’efforçant de percer le mystère de leurs tours extraordinaires, afin de les imiter. Peu à peu il s’était constitué à la ferme tout un arsenal de prestidigitateur et il s’en servait le dimanche pour amuser les paysans d’alentour. Il devint si fort en ce genre de divertissement qu’il défia un jour un saltimbanque de profession et le battit successivement à la course, au saut en longueur et, finalement, en grimpant plus haut que lui à la cime d’un peuplier où il eut l’audace de faire l’arbre droit. Une fois entré au séminaire Jean continua de se servir de ces curieuses connaissances. Au cours d’une récréation il n’était pas rare de le voir tirer du nez d’un camarade une pièce de monnaie ou faire surgir de ses manches les objets les plus étranges. Et tous se réjouissaient de ses bons tours.
Un jour cependant les choses faillirent mal tourner… Le logeur chez lequel le jeune Bosco prenait pension avec quelques autres séminaristes, fut troublé par ces mystérieux tours de passe-passe. Récemment, afin de fêter dignement saint Thomas, qui était son patron, le brave homme avait préparé pour ses jeunes hôtes un poulet à la gelée. Stupeur ! Au moment où Tommaso Cumino, tout fier de son habileté culinaire, soulevait le couvercle de la marmite, un coq bien vivant bondit sur la table en poussant de retentissants cocoricos ! La mesure était comble. Il fallait dénoncer ce garçon qui, de toute évidence, était de connivence avec le démon ! Tommaso alla d’abord trouver un prêtre de ses amis. Ce dernier, inquiet, lui conseilla d’en parler à l’archiprêtre de la cathédrale qui, en plus de sa charge de curé, avait aussi celle des écoles du pays. Le chanoine Burzio fit aussitôt appeler Jean Bosco. « On me dit que tu devines les pensées les plus secrètes, que tu sais la somme d’argent que l’on a dans sa poche, enfin que tu connais une foule de choses qui te font soupçonner d’être de connivence avec le diable. Qu’as-tu à répondre à cela ? »
« Je vais vous l’expliquer, M. le chanoine, répondit Jean sans se troubler. Il faut toutefois que vous m’accordiez un délai de cinq minutes. Voulez-vous me donner l’heure exacte ? » Le bon chanoine mit la main au gousset pour consulter sa montre. Surprise… Elle n’est plus là ! « Cela ne fait rien, reprit Jean. Prêtez- moi une pièce de cinq sous. » Le prêtre fouille dans sa poche afin d’y prendre son porte-monnaie. Lui aussi a disparu ! — Ah, ça, s’écrie alors l’abbé, c’est donc vrai ce que l’on dit de toi ! Tu es un sorcier, un possédé du démon ! — « Calmez-vous, M. le chanoine, réplique Jean, le diable n’est pour rien dans tout cela. Les choses sont beaucoup plus simples… Quand je suis arrivé chez vous, vous veniez de faire l’aumône à un mendiant et aviez laissé votre porte-monnaie sur un prie-Dieu. Ensuite vous êtes passé dans la pièce voisine à celle-ci et j’ai vu votre montre sur votre bureau. J’ai pris ces deux objets et les ai mis sous cet abat-jour… Vous pouvez les y reprendre.» A son grand étonnement le chanoine Burzio trouva en effet sous l’abat-jour de sa lampe de travail sa montre et son porte-monnaie ! Le diable n’y était donc pour rien !
Tout heureux de ce bon tour le prêtre demanda à Jean Bosco de lui en exécuter d’autres, s’émerveillant de l’habileté dont faisait preuve le garçon.
A la fin de la séance il fit un cadeau au jeune prestidigitateur puis il lui dit, en manière de conclusion : « Va dire à ceux qui t’accusent d’être un sorcier que c’est l’ignorance qui est la seule cause de leur étonnement !»
Depuis lors la réputation de Jean Bosco ne fit que croître et les curés se le disputaient pour l’avoir chez eux les jours de fête.