LES CRITERES DE DISCERNMENT VOCATIONNEL

AU COURS DE LA FORMATION INITIALE

LES CRITERES DE DISCERNMENT VOCATIONNEL

LES CRITERES DE DISCERNMENT VOCATIONNEL
AU COURS DE LA FORMATION INITIALE

(Source : P. Romuald UZABUMWANA, SAC / Pallottins, lors d’une formation donnée aux formateurs et formatrices des personnes consacrées / religieux et religieuses, au Rwanda).

I. PREMISSES FONDAMENTALES

Selon le Catéchisme de l’Eglise Catholique, l’homme est un être fondamentalement religieux qui ne peut trouver son bonheur qu’en Dieu, son Créateur : « Le désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l’homme, car l’homme est créé par Dieu et pour Dieu ; Dieu ne cesse d’attirer l’homme vers Lui, et ce n’est qu’en Dieu que l’homme trouvera la vérité et le bonheur qu’il ne cesse de chercher » .  C’est ce désir de Dieu que le psalmiste exprime en ces termes : « Comme une biche se tourne vers les cours d’eau, ainsi mon âme se tourne vers toi, mon Dieu. J’ai soif de Dieu, du Dieu vivant : quand pourrai-je entrer et paraître face à Dieu » [Ps 42 (41), 2] ; « Dieu, tu es mon Dieu ! Dès l’aube je te désire ; mon âme a soif de toi ; ma chair languit après toi, comme dans une terre desséchée, épuisée, sans eau » [Ps 63 (62), 2]. Dans la même ligne, Saint Augustin d’Hippone dira : « Tu nous as faits orientés vers toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi » . Cette soif de l’homme d’entrer en relation avec l’Etre Transcendant rend possible le dialogue entre Dieu qui appelle et l’homme qui répond librement. 

1. Éléments de base de la vocation de l’homme

Mais en parlant de la vocation fondamentale de l’homme, on peut distinguer trois approches ou visions qui ont marqué l’histoire de l’humanité. Dans cette session, nous allons nous limiter sur trois approches, les plus remarquables. 

(a) Approche spiritualiste : la vocation d’en haut (élection divine)
Dieu choisit librement la personne et lui confie une mission particulière. L’homme n’est que l’exécuteur du plan de Dieu. L’accent est mis plus sur l’élection divine et moins sur la liberté de l’homme. L’exemple typique est la vocation de Moïse, Samuel, Jonas et Jérémie : « Avant même de te modeler au ventre maternel, je t’ai connu ; avant même que tu sois sorti du sein maternel, je t’ai consacré ; j’ai fait de toi un prophète des nations » (Jérémie 1,5) . Cette vision risque de surestimer l’aspect transcendantal de la vocation, au détriment de l’aspect anthropologique, c’est-à-dire la liberté et les conditions concrètes de la personne. Le protagoniste principal du projet vocationnel, c’est LUI : Dieu appelle qui et quand Il veut et confie une mission particulière. 

(b) Approche psychologiste : vocation d’en bas (choix personnel)
Selon cette vision, c’est la personne qui choisit sa vocation, comme on choisit sa profession et sa carrière. Dans cette vision, la vocation dépend, non pas de l’élection divine, mais plutôt du choix personnel selon des conditions psychologiques ou socio-culturelles dans lesquelles se trouve la personne. Par exemple, selon la psychologie humaniste, la motivation fondamentale de l’homme est l’auto-réalisation. Il n’est pas rare de sentir dans nos communautés religieuses, les personnes dire : « Je voudrais me réaliser », alors que Jésus ne cesse de nous rappeler que l’homme ne peut se trouver qu’en acceptant de perdre sa propre vie. 
Dans cette vision, la vocation serait aussi motivée par la recherche de se réaliser. Cette vision risque d’oublier la gratuité de la vocation. L’Exhortation apostolique Pastores Dabo Vobis (sur la formation des prêtres) nous met en garde contre cette vision de la vocation, en soulignant le primat de la grâce (gratuité divine) dans la vocation :
« Mais ce qui est tout à fait prioritaire, et même primordial et décisif, c'est l'intervention libre et gratuite de Dieu qui appelle. Il a l'initiative d'appeler. Voici par exemple l'expérience du prophète Jérémie: « La parole du Seigneur me fut adressée : "Avant que tu ne sois formé dans le sein de ta mère, je te connaissais, avant que tu ne sortes à la lumière, je t'avais consacré; je t'ai établi prophète des nations"» (Jr 1, 4-5).[…] Le primat absolu de la grâce dans la vocation est affirmé avec la plus grande clarté dans la parole de Jésus: «Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure» (Jn 15, 16). 
Si la vocation sacerdotale témoigne indiscutablement du primat de la grâce, la libre et souveraine décision de Dieu d'appeler l'homme demande un respect absolu : elle ne peut nullement être forcée par une quelconque prétention humaine, elle ne peut être remplacée par aucune décision humaine. La vocation est un don de la grâce divine, et jamais un droit de l'homme. C'est pourquoi « on ne peut jamais considérer la vie sacerdotale comme une promotion simplement humaine, ni la mission du ministre comme un simple projet personnel » (102). Par-là est radicalement exclue toute prétention ou présomption de la part de ceux qui sont appelés (cf. He 5, 4) (PDV, 36). 

Cette vision risque d’oublier aussi l’aspect transcendantal de la vocation, et de la réduire dans son aspect horizontal : la vocation devient une affaire personnelle, comme on choisit la profession : médecin, professeur, selon ses goûts ou pour satisfaire ses propres intérêts. En Italien, les jeunes des groupes vocationnels aiment dire : « Vorrei farmi prete/suora ». Le protagoniste principal de la vocation c’est MOI et je suis libre de partir, quand la vocation ne correspond pas à mon goût ou à mes aspirations profondes ou ambitions personnelles. 

(c) Approche chrétienne : vocation comme dialogue entre Dieu et l’homme
Selon cette approche, la vocation est conçue en termes de dialogue d’amour entre Dieu qui appelle et l’homme qui répond librement. Ce dialogue vocationnel comporte deux éléments inséparables : l’initiative gratuite de Dieu et la réponse de l’homme. C’est ainsi que, en parlant de la vocation sacerdotale et religieuse, le  Pape Jean Paul II, d’heureuse mémoire, souligne ses deux aspects comme suit : “L’histoire de toute vocation sacerdotale, comme d’ailleurs de toute vocation chrétienne, est l’histoire d’un ineffable dialogue entre Dieu et l’homme, entre l’amour de Dieu qui appelle et la liberté de l’homme qui, dans l’amour, répond à Dieu” (Jean Paul II, Pastores Dabo Vobis, n. 36) ; “Tel est le sens de la vocation à la vie consacrée : une initiative qui vient tout entière du Père (cf. Jn 15,16) qui demande à ceux qu’il a choisis la réponse d’un don total et exclusif” (Jean Paul II, Vita Consecrata, n.17). Cette approche tient en considération non seulement l’aspect spirituel transcendantal de la vocation (élection divine), mais aussi son aspect anthropologique : sa liberté et les conditions dans lesquelles il vit. L’homme ne peut découvrir et répondre à sa vocation en dehors des conditions concrètes de son existence. Il peut dire non à l’invitation divine ; certaines conditions peuvent l’aider ou pas dans sa manière de percevoir et de répondre à sa vocation.