Aspects de la vie en communauté - 5

SI VOUS CHOISISSEZ LA VIE RELIGIEUSE EN COMMUNAUTÉ

Aspects de la vie en communauté - 5

SI VOUS CHOISISSEZ LA VIE RELIGIEUSE EN COMMUNAUTÉ

(T. J. van Bavel, Le cœur de la vie religieuse)

Du fait que la vie religieuse aujourd'hui est avant tout un mode de vie commun, basé sur une inspiration de foi, il s'ensuit que le choix de la vie religieuse doit en fin de compte se concentrer sur le mode de vie d'une communauté particulière ; pas au travail effectué par cette communauté. Il est compréhensible, cependant, que quelqu'un choisisse initialement ce mode de vie et rejoigne une communauté pour un travail particulier : apostolat dans les bidonvilles, aide aux réfugiés, éducation, mission, soins de santé, etc. Il n'y a pas d'objection à ces intentions ; elles sont parfaitement légitimes. Ce n'est pas non plus un problème si quelqu'un choisit initialement un travail et seulement plus tard pour la communauté. Ce sera souvent une évolution psychologique normale.

Mais si le choix est uniquement déterminé par le travail extérieur, on laisse une question qui est la plus fondamentale, à savoir : quelle est la communauté de vie à laquelle j'adhère ? Parce qu'en fait on ne devient pas religieux juste pour s’engager dans un travail extérieur. On s’engage également, avec toute sa personne, dans une communauté de vie avec d'autres personnes. Et cette coexistence détermine beaucoup plus sa propre personnalité que le travail extérieur. Voir seulement le travail et être aveugle pour la communion des personnes, qui soutient ce travail, serait irréel. Après tout, on peut aussi se consacrer à un travail, une profession ou un apostolat en dehors d'une communauté religieuse et sans mode de vie religieux en tant que personne indépendante et célibataire.   Mais si l’on choisit un mode de vie commun, on s’abstient consciemment d'une manière de travailler complètement indépendante, pour commencer à travailler à partir d'une communauté. Ce n'est donc pas le travail qui est décisif, mais le mode de vie particulier que l’on vit avec les autres. De plus, nous devons considérer les points suivants. De même que deux jeunes ne choisissent pas « le » mariage, mais se choisissent plutôt, ainsi l'on ne choisit pas « la » vie religieuse en général et abstraite, mais on opte pour une communauté concrète avec les personnes. Tout comme un garçon pense qu'il sera heureux dans la vie avec cette fille, de même les aspirants religieux pensent trouver le bonheur et l'épanouissement dans cette communauté de personnes.

Il ne serait pas non plus juste de réduire le travail en communauté avec d'autres à de simples considérations d'utilité. Par exemple, parce qu'il est beaucoup plus facile de travailler dans une communauté, parce que cela fait gagner du temps, vous n'avez pas à préparer votre propre nourriture, ou parce que c'est plus économique pour le logement. Cela revient à une inversion de valeurs. L'homme et la communion avec d'autres personnes sont alors subordonnés à des considérations matérielles. Ici, il est manifestement erroné d’associer des gens parce qu'on veut faire un certain travail.

Ceux qui choisissent une communauté de vie doivent accorder une priorité relative à la communauté. En elle, l'idéal commun doit tout d'abord se réaliser. Si l'on néglige la vie communautaire à cause du travail extérieur, les choses sont bouleversées. La première préoccupation doit être l'amour les uns des autres, pour la communauté des personnes. Une communauté de personnes suppose que chacun participe à la personnalité de l'autre, à la valeur des autres. Elle suppose que les gens avec qui nous vivons deviennent « chers » pour nous. Si l'on peut dire que la communauté conjugale crée progressivement un « climat de bienveillance », un « préjugé favorable » par rapport à ceux avec qui l'on vit, alors il en va de même pour une communauté religieuse. Là aussi, le « vivre ensemble » doit s'épanouir en amitié, qui se présente comme un cadeau et comme une joie de vivre (même si la plénitude de l'amitié ne sera nécessairement possible qu’avec quelques-uns). Lorsqu'une communauté n'est plus une source d'amour, elle ne peut plus inspirer personne et le travail extérieur est considérablement endommagé et privé de son contenu réel. L'homme exige plus qu'un simple travail extérieur : il demande une appréciation personnelle et un amour personnel.

De plus en plus on recherche désormais des relations personnelles dans une communauté religieuse. L’on veut travailler à partir de là. Cependant, l'intensité des relations varie d'une personne à l'autre. Il est important d'en tenir compte. Les amitiés intensives peuvent facilement être considérées comme la base sur laquelle une communauté de vie peut exister. Les religieux attendent de la vie communautaire, amitié, joie, soutien, aide et courage. L'amitié est l'un des accomplissements les plus élevés de la condition sociale humaine. L'amitié libère des forces qui autrement ne se développeraient jamais. Le bien-être du groupe n'est pas compromis par l'amitié. Au contraire, elle favorise le bien-être, à condition que l'amitié reste ouverte au groupe. Mais une amitié qui s’enferme, est-elle une véritable amitié ?

L'amitié peut donc être considérée comme une sorte d'idéal cible. Un idéal doit toujours être vu de manière dynamique. La communauté est donc aussi un « avenir » qui se construit de différentes manières. En plus de l'amitié, il existe d'innombrables formes de communication et d'innombrables variations d'amour intermédiaires. Chacun peut constater par lui-même qu'il a de nombreuses relations avec d'autres qu'il ne voudrait pas manquer, même s'il ne s'agit pas de relations d'amitié immédiates. C'est pourquoi il est impossible de dire à quel moment exactement la communauté de vie naîtra. Mais pour parler de communauté de vie, il doit en tout cas y avoir des contacts humains profonds et authentiques les uns avec les autres. Le type idéal de vivre ensemble suppose : la formation spontanée de groupe, l’entendement mutuel, la solidarité, l’attitude de sacrifice, une connaissance plus profonde les uns des autres, la confiance mutuelle (une condition absolue pour une communication réelle), la réflexion et la critique collectives, et une unité psychique d'appréciation, de réflexion et d'action. Une telle chose ne se réalise pas soudainement ou sans effort. Les points suivants me semblent de la plus haute importance pour la construction progressive d'une communauté :

1) Un minimum de présence physique. Parce que seule la présence physique rend possible une rencontre personnelle. Si on ne voit jamais ou rarement quelqu'un, on ne peut presque jamais arriver à une rencontre personnelle. Je dis "presque jamais", car il y a des exceptions à cette règle.     

2) Le dialogue. Vivre ensemble, c'est d'abord parler ensemble, car la langue est un moyen de communication principal (peut-être même notre moyen de communication le plus important). Dans le langage, l'homme devient homme. La communauté naît aussi grâce au langage.

3) Communication ouverte et réceptivité au quotidien. Toutes les formes de corporéité, de geste et de communication y jouent un rôle. Là où l'on n'a « plus rien à se dire », la vie en communauté (n'importe quelle communauté) est condamnée. C'est là que l'ennui s'installe et que toute communication de vie se termine. La réceptivité est tout aussi importante que la communication ou le partage. Il faut toujours rester disposé à recevoir de l'autre : à accepter quelque chose d'autrui et à apprendre les uns des autres.     

4) Communion de biens. Pour former une communauté, une communion de biens matériels est plus importante qu'on ne pourrait le penser à première vue. La raison en est la suivante : la propriété privée, par sa nature même, est un principe d’attribution et conduit facilement à travailler égoïstement pour soi-même.     

(Traduction par Camiel S.)