Fioretti de saint Jean Bosco # 11
Le gars au chocolat
Fioretti de saint Jean Bosco
- Le gars au chocolat
C’était au mois de juin 1858, à Turin. On célébrait en grande pompe chez Don Bosco la fête de saint Louis de Gonzague. A l’église on avait sorti les plus beaux tapis ; dans la cour étaient dressés des arcs de triomphe… Enfin tout le monde était en liesse.
Don Bosco avait prévu, pour la sortie de la messe de communion, un petit déjeuner destiné à une vingtaine de Messieurs et de Dames, tous bienfaiteurs de ses œuvres. Pour cela il avait commandé chez un pâtissier voisin une bonne provision de café, de lait, de chocolat, plus une corbeille de gâteaux. Le tout avait été soigneusement retiré sur une table à la sacristie.
Le garçon de café chargé du service, attiré par les chants des enfants, s’était faufilé dans l’église. Là il admirait de tous ses yeux l’évêque célébrant la messe, entouré, dans le chœur, d’une cinquantaine de clergeons. Ce n’était pas si souvent que pareille aubaine lui arrivait !
La cérémonie terminée, Don Bosco groupe ses invités et les fait passer dans une salle où le petit déjeuner doit être servi. Soudain il voit accourir vers lui le garçon de café, l’air catastrophé ! « Don Bosco lui crie le pauvre homme, il manque la moitié du lait et du chocolat ! Quant aux gâteaux la corbeille est presque vide ! »
- Allez vite chez le pâtissier, dit le saint, et rapportez un nouveau déjeuner !
Le garçon part à toutes jambes tandis que Don Bosco cherche l’explication de ce mystère... S’il faut un miracle pour multiplier les pains, il sait fort bien que pour faire disparaître des gâteaux c’est beaucoup plus facile. Mais qui a bien pu lui jouer ce vilain tour et en un pareil jour ? Notre pauvre saint en était là de ses réflexions quand un grand du patronage arrive tout essoufflé : « Don Bosco, lui crie-t-il, venez vite ! »
- Qu’y a-t-il ?
- Viglietti est au plus mal.
- Mais où çà ?
- Dans un pré, tout à côté. Il est couché par terre. On dirait un mort…
Don Bosco suit le garçon. Il trouve en effet le pauvre Viglietti étendu dans l’herbe et gémissant.
- Que fais-tu là ? lui demande le saint.
Le malheureux ne répond pas…
- Es-tu malade ?
- Don Bosco, je meurs, dit Viglietti dans un souffle. Confessez-moi vite !
- Tu as mangé quelque chose qui t’a fait mal ?
- Oui… ce que vous aviez fait porter à la sacristie !
- Ah, je comprends tout maintenant, dit Don Bosco.
Viglietti était en effet le sacristain du Valdocco et de surcroît l’homme de confiance de la maison… Comment avait-il pu en arriver là ?
Tu as mangé ça tout seul ? interroge le saint.
- Oui, Père. Quand je me suis vu à la sacristie devant tant de bonnes choses j’ai commencé par y goûter… puis j’y suis revenu. Comme j’avais peur que quelqu’un vienne et me surprenne, j’ai mangé trop vite… Et alors tout d’un coup j’ai senti que j’en avais trop pris. Il me semblait que j’allais éclater ! Je me suis sauvé et je suis venu me coucher dans ce pré ! Mais ça va de plus en plus mal… Vite confessez-moi. Je vais mourir !
- Mais non, mais non, tu ne vas pas mourir, grand nigaud. Tu as seulement une bonne indigestion. Allez, lève-toi et viens avec moi à l’Oratoire.
- Non, non, Don Bosco. Après ce que j’ai fait il faut me renvoyer.
- Te punir, Viglietti ? Mais tu l’es bien assez comme ça, je pense. Allez, prends-moi par le bras.
Mais le pauvre sacristain avait trop honte. Comme il était du quartier il demanda à rentrer directement chez lui où on le mit sérieusement à la diète.
Quelques jours après il passait timidement la porte du patro… En le voyant ses copains lui dirent, avec un petit sourire en coin : « Eh, Viglietti, tu ne veux pas un peu de chocolat ?… »
Décidément l’affaire avait fait du bruit et sa gourmandise lui coûtait cher. De fait on ne l’appela plus désormais au patronage que « le gars au chocolat ». Pauvre sacristain !