GC28-Documents
Actes du Conseil General - ACG433
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CHAPITRE GÉNÉRAL XXVIII - SALÉSIENS DE DON BOSCO
«Quels Salésiens pour les jeunes d’aujourd’hui?»
Réflexion postcapitulaire - CG28 - Rome, 16 août 2020
Actes du Conseil Général de la Société Salésienne de saint Jean Bosco
ORGANE OFFICIEL D’ANIMATION ET DE COMMUNICATION POUR LA CONGRÉGATION SALÉSIENNE
septembre 2020
RÉFLEXION POSTCAPITULAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
LIGNES DE PROGRAMMATION DU RECTEUR MAJEUR POUR LA CONGRÉGATION SALÉSIENNE APRÈS LE CHAPITRE GÉNÉRAL 28
- SALÉSIEN DE DON BOSCO POUR TOUJOURS. Un sexennat pour grandir dans l’identité salésienne
- Dans une Congrégation où nous sommes invités par le « DA MIHI ANIMAS, CŒTERA TOLLE »
- À vivre le « SACREMENT SALÉSIEN DE LA PRÉSENCE »
- La formation pour être SALÉSIENS PASTEURS AUJOURD’HUI
- PRIORITÉ ABSOLUE pour les jeunes les plus pauvres et les plus abandonnés et sans défense
- AVEC LES LAÏCS DANS LA MISSION ET DANS LA FORMATION. La force charismatique qui nous est offerte par les laïcs et par la Famille Salésienne
- C’EST L’HEURE D’UNE PLUS GRANDE GÉNÉROSITÉ DANS LA CONGRÉGATION. Une Congrégation universelle et missionnaire
- En accompagnant les jeunes vers un FUTUR DURABLE
MESSAGE DE SA SAINTETÉ LE PAPE FRANÇOIS AUX MEMBRES DU CG28
- Ravivez le don que vous avez reçu
- L’« option Valdocco » et le don des jeunes
- L’« option Valdocco » et le charisme de la présence
- L’« option Valdocco » dans la pluralité des langues
- L’« option Valdocco » et la capacité de rêver
« QUELS SALÉSIENS POUR LES JEUNES D’AUJOURD’HUI ? »
- Priorité de la mission salésienne parmi les jeunes d’aujourd’hui
- Reconnaître
- Interpréter
- Choisir
Profil du Salésien aujourd’hui
- Reconnaître
- Interpréter
- Choisir
Avec les laïcs dans la mission et la formation
- Reconnaître
- Interpréter
- Choisir
DÉLIBÉRATIONS DU CG28
- Modifications des Constitutions
- Élection du Recteur Majeur (C 128)
- Élection du Vicaire du Recteur Majeur et des Conseillers Généraux (C 142 §1)
- Modifications des Règlements Généraux
- Fonctions du Conseiller Régional (R 135)
- Utilisation du système informatique dans les votes électifs (R 131)
- Délibération
- Modalités du déroulement de la Visite Extraordinaire (R 104)
Mes chers Confrères,
Quatre mois se sont écoulés depuis la clôture du CG28 qui s'est terminé trois semaines plus tôt que prévu, en raison de la pandémie qui a rendu impossible notre séjour au Valdocco. Aujourd’hui, je m'adresse à vous avec un sentiment de joie profonde en vous présentant ce que nous avons vécu au Valdocco, et avec la satisfaction de ce qui a été, me semble-t-il, un travail fructueux, réalisé par nous tous, capitulaires, et conclu ensuite au sein du Conseil Général. L'Assemblée Capitulaire a, en effet, confié au Recteur Majeur et à son Conseil la tâche de terminer ce qui était resté inachevé au moment de la clôture anticipée du CG28.
Le document, qui parvient maintenant à tous les confrères par le biais de cette publication, a pour sous-titre « Réflexion postcapitulaire » et non pas « Documents capitulaires », comme c'était l'usage dans le passé. Et ce, parce que l'Assemblée Capitulaire n'est pas parvenue à l'approbation finale du texte par un vote. Seules quelques délibérations capitulaires, notamment celles de nature juridique, ont vu le jour au cours des quatre premières semaines de nos travaux.
Comme je l'ai dit en d'autres occasions, en raison des circonstances dans lesquelles nous avons dû vivre, le CG28 a été un Chapitre « spécial ». Cependant, cela n'a pas été un Chapitre sans lignes directrices ni lignes de programmation. En fait, le document que je vous présente contient une première partie que les confrères du Conseil Général et moi-même considérons très importante pour l'animation, le gouvernement et la vie de la Congrégation pour les six prochaines années.
Il s’agit des lignes de programmation que le Recteur Majeur propose à la Congrégation pour le sexennat 2020-2026. Dans cette ample proposition, vous trouverez, chers Confrères, la réflexion suivie par le Chapitre Général, fruit du Chapitre lui-même et de la synthèse du chemin parcouru dans notre Congrégation au cours des six années précédentes. Il s’agit d’une riche et ample réflexion qui recueille tout d'abord l'esprit de ce qui est contenu dans le Message que le Saint-Père François a envoyé au Chapitre Général ; elle rassemble également les éléments que le Pape a indiqués comme essentiels et qui étaient déjà présents dans la réflexion développée par l'Assemblée Capitulaire sur les deux premiers noyaux thématiques. Le troisième noyau – comme vous le savez – a été élaboré par le Conseil Général.
Ces lignes de programmation devront, bien sûr, être un objet d'étude, d'analyse et d'approfondissement tant pour les Provinces que pour chaque Confrère, en particulier pour les Directeurs dans leur service d'animation et de gouvernance des communautés locales. Je suppose qu’elle sera un objet d'étude pour le Provincial et son Conseil.
Je considère que, bien qu'à des rythmes différents liés à la particularité de chaque Province, toute la Congrégation devra suivre ce chemin, qui est identitaire, charismatique, et offre des lignes directrices et d'action pour notre situation actuelle.
À ces lignes de programmation du sexennat, suit le Message du Saint-Père qui touchera sans aucun doute le cœur de chaque Salésien et sera surtout un motif de méditation, d'étude, d'approfondissement et de réflexion personnelle.
Les trois noyaux thématiques proposés comme thèmes des travaux capitulaires ont connu un ample développement, même s'ils ne sont pas passés par toutes les phases d'étude et d'élaboration initialement prévues. Les textes offrent de riches réflexions, des propositions précises et appropriées pour la vie des Provinces et de toutes nos présences dans le monde.
Enfin, le document contient les délibérations capitulaires et, comme dans tous les Chapitres Généraux, quelques annexes avec des messages et des discours.
Je pense que le document que nous avons maintenant entre les mains nous permettra d'approfondir les motivations ecclésiales, charismatiques et identitaires qui nous aideront à poursuivre le chemin de fidélité qu’en tant que Congrégation et au plan personnel, nous souhaitons continuer. Aujourd'hui, notre monde, l'Église et les jeunes avec leurs familles ont besoin de nous, aujourd’hui comme hier, pour continuer à vivre un chemin de fidélité au Seigneur Jésus. Ils ont besoin de nous en tant que personnes significatives et courageusement prophétiques. Que le Seigneur nous accorde ce don ! Car avec la médiocrité et les peurs, nous ne pourrons offrir aux jeunes que peu de choses qui ne pourront pas transformer leur vie et lui donner un sens.
Je suis tout à fait convaincu que nous souhaitons tous appartenir à une Congrégation qui se sente très vivante et dans laquelle chaque confrère renouvelle chaque jour son don de lui-même : non pas d'une manière quelconque, mais en sentant que cela en vaut la peine.
Je souhaite vivement que ce CG28 « spécial » aide chaque confrère à raviver la passion apostolique qui a caractérisé notre Père Don Bosco, pour être d'autres Don Bosco aujourd'hui, dans toutes les parties du monde, dans toutes les cultures et dans toutes les situations.
J'ajoute une demande. En vous remettant ce document, avec un regard de foi et une grande confiance, je demande à chacun de vous, chers Confrères, d'en faire un motif de prière, un patient objet d'étude, de lecture attentive et méditée, afin qu'il puisse toucher votre cœur. Je vous demande d'intérioriser la spiritualité que vous trouverez dans ces réflexions capitulaires, d'entrer en dialogue avec les propositions qui se veulent significatives et prophétiques dans notre façon de les assumer et de les traduire dans notre vie. Je pense qu'un temps significatif d'étude, de prise de connaissance, d'intériorisation et de dialogue, cœur à cœur, devant le Seigneur, devrait être la tâche principale confiée à chaque confrère, à chaque Province et Vice-province, à chaque Région et à chaque Conférence Interprovinciale.
Mes bien chers Confrères, la promulgation de cette Réflexion postcapitulaire est datée du 16 août 2020, à deux cent cinq ans de la naissance de Don Bosco et à cent soixante-deux ans du début de notre Congrégation. Jusqu'à aujourd'hui, le parcours de notre Congrégation et de la Famille Salésienne a été magnifique. Si notre réponse continue à être fidèle au Seigneur, il ne fait aucun doute que bien plus beau sera ce qui sera écrit pour le bien des jeunes à travers le don quotidien de nous-mêmes, partout où il y aura un jeune qui aura besoin de Salésiens capables d'être des amis, des frères et des pères.
La Vierge Auxiliatrice, notre Mère, nous accompagne sur ce chemin et, comme pour Don Bosco, elle continuera à « tout faire ». Apprenons d'Elle ce que signifie écouter attentivement la voix de l’Esprit Saint et Lui être dociles ; apprenons à cultiver la profondeur de la vie en Dieu et le don de soi simple et convaincu chaque jour. Cela fera de nous des signes et des porteurs de plus en plus authentiques de l'Amour de Dieu pour les jeunes.
Nous nous confions à l’Auxiliatrice, notre Mère, « pour devenir, parmi les jeunes, témoins de l’amour inépuisable de son Fils. » (C 8)
Père Ángel Fernández Artime, sdb
Recteur Majeur
Rome, 16 août 2020
Anniversaire de la naissance de Don Bosco
LIGNES DE PROGRAMMATION DU RECTEUR MAJEUR
POUR LA CONGRÉGATION À LA SUITE DU CHAPITRE GÉNÉRAL 28
Mes bien chers Confrères Salésiens du monde entier,
C'est avec grand plaisir que je m'adresse à vous tous après le Chapitre Général et après la conclusion de la première session plénière du nouveau Conseil Général. Avec cette lettre, que j'ai partagée avec tout le Conseil Général, j'entends vous offrir à tous, chers Confrères, une véritable « feuille de route » pour le prochain sexennat, car l'interruption du Chapitre Général, en plein déroulement, ne nous a pas permis d'avoir les documents capitulaires qui auraient été la norme et le guide pour les six prochaines années.
Face à la douloureuse réalité de la pandémie causée par le virus COVID-19, qui a frappé et continue d'affliger le monde, nous avons vécu quelque chose d'unique : l'interruption d'un Chapitre Général. C'est la première fois qu'un événement similaire se produit dans l'histoire de notre Congrégation – si nous excluons l'événement tragique de la Première Guerre Mondiale qui a rendu impossible la tenue du XIIème Chapitre Général pendant le Rectorat du Père Paul Albera : la tenue de ce Chapitre a dû attendre presque douze ans.
Dans notre cas, cependant, l'interruption des travaux du Chapitre ne veut dire en aucun cas que le 28ème Chapitre Général ait été pauvre en signification et n'ait pas produit de contenus riches. En outre, tous les capitulaires sont retournés dans leur propre Province (certains après plusieurs mois d'attente au Valdocco) enrichis par l'expérience accumulée et par un sentiment salésien nourri et renforcé aux « sources du Valdocco », sources de notre naissance charismatique.
Malgré la menace de la pandémie et le risque de suspension de l'Assemblée, le Chapitre Général a pu, au cours de la dernière semaine, élire le Recteur Majeur et tous les membres du Conseil Général, et nous confier la tâche de poursuivre la réflexion sur les points qui n'avaient pas été abordés.
Cette lettre et tout ce qui est contenu dans le volume intitulé « Réflexion postcapitulaire » se veut une réponse fidèle au mandat reçu de l'Assemblée Capitulaire.
Il faut ajouter à cela un sentiment de profonde gratitude envers le Seigneur pour ce que nous avons vécu ; surtout pour l'avoir vécu au Valdocco. En effet, notre CG28 a été marqué de manière particulière par le fait qu'il s'est déroulé au Valdocco, berceau de notre charisme, lieu saint où notre Père Don Bosco « répondait à la vie des jeunes avec un visage et une histoire ».[1] Eh bien, nous avons vécu notre Chapitre Général au Valdocco avec la claire conscience que c'est la maison de tous.
C'est ce que nous a rappelé le Saint-Père François qui voulait faire à Don Bosco, en la personne de ses fils réunis en Assemblée Capitulaire, le très beau cadeau de sa visite.
Le Pape m'avait dit quelques mois auparavant son désir personnel de venir au Valdocco. Au début du Chapitre Général, les conversations que nous avons eues avec les responsables des visites du Pape ont confirmé la visite prévue pour les 6 et 7 mars. Tout était prêt. Nous l'attendions le vendredi 6 mars à midi. Il serait resté avec nous au Valdocco jusqu'au matin du 7, puis il serait allé rendre visite à sa famille. Malheureusement, la pandémie du coronavirus et les restrictions imposées partout par l'État italien ont rendu impossible cette visite qui aurait été un événement unique dans notre histoire, du moins pour la durée de la présence du Saint-Père et sa participation directe au Chapitre Général, comme il l'avait souhaité.
Au téléphone, le Pape nous a envoyé ses salutations que j'ai partagées avec toute l'Assemblée Capitulaire ; et le lendemain, nous avions entre les mains le Message qu'il adressait au CG28 et que vous trouverez dans cette publication.
Dès le début du CG28, nous avons vécu profondément conscients de faire en sorte que « l'Esprit ravive le don charismatique de [notre] Fondateur. » C'est ce que le Saint-Père souhaitait en nous invitant à ne pas fermer les fenêtres au bruit et aux cris qui montaient de la cour du Valdocco, en évoquant le premier oratoire. Ce « bruit de fond » doit nous accompagner, nous garder sans repos et intrépides [« inquieti e intrepidi »] dans notre discernement.
Tout cela nous occupera ces six prochaines années pour le bien des jeunes du monde entier. Des jeunes qui ont pris un visage concret et visible dans le splendide groupe qui a vécu le Chapitre Général avec nous pendant quelques jours, qui nous a interpellés, qui nous a parlé avec le cœur et l'esprit, et qui nous a émus.
Et parce qu'au Valdocco tout nous parle de Don Bosco et de ses jeunes, et parce que les jeunes d'aujourd'hui nous appellent, nous parlent et nous attendent, nous nous proposons comme Congrégation quelques objectifs qui nous mettront en mesure d’apporter une réponse à la réalité d'aujourd'hui et qui nous feront sortir de nos peurs et de nos « zones de confort », où qu'elles se trouvent et quelles qu'elles soient.
Ces lignes, chers Confrères, ont pour objectif de devenir un programme d'action pour le prochain sexennat, en continuité absolue avec le chemin précédemment parcouru par la Congrégation et qui, pour ce motif également, nous donne force et courage.
Les défis que nous devons affronter au cours des six prochaines années sont divers et variés. Je vous les présente comme fruit de la réflexion effectuée au cours du Chapitre Général et après celui-ci. Je les propose à toute la Congrégation, ayant connu en détail, au cours des six dernières années, la réalité que nous vivons et, dernièrement, le cheminement de l'Église. Je les propose à toutes les Provinces, après les avoir partagés avec les membres du Conseil Général, parce que ces défis doivent être le miroir devant lequel chaque Province du monde est appelée à se confronter, et doivent devenir les critères pour définir les buts, les objectifs, les processus et les actions concrètes pour le prochain sexennat, dans tous les lieux où le charisme des fils de Don Bosco a pris racine.
Les défis auxquels nous devons répondre et les objectifs à poursuivre sont les suivants :
- SALÉSIEN DE DON BOSCO POUR TOUJOURS. Un sexennat pour grandir dans l’identité salésienne
- Dans une Congrégation où nous sommes invités par le « DA MIHI ANIMAS, CŒTERA TOLLE »
- À vivre le « SACREMENT SALÉSIEN DE LA PRÉSENCE »
- La formation pour être SALÉSIENS PASTEURS AUJOURD’HUI
- PRIORITÉ ABSOLUE pour les jeunes, les plus pauvres, les plus abandonnés et sans défense
- AVEC LES LAÏCS DANS LA MISSION ET DANS LA FORMATION. La force charismatique que les laïcs et la Famille Salésienne nous offrent
- C’EST L’HEURE D’UNE PLUS GRANDE GÉNÉROSITÉ DANS LA CONGRÉGATION. Une Congrégation universelle et missionnaire
- En accompagnant les jeunes vers un FUTUR DURABLE
- SALÉSIEN DE DON BOSCO POUR TOUJOURS : « Frère ou pas frère, moi, je reste avec Don Bosco » (Cagliero). UN SEXENNAT POUR GRANDIR DANS L’IDENTITÉ SALÉSIENNE
« Le Seigneur nous a donné en Don Bosco un père et un maître.
Nous l’étudions et nous l’imitons. En lui nous admirons un splendide accord de la nature et de la grâce. Profondément humain, riche des vertus de sa race, il était ouvert aux réalités de ce monde. Profondément homme de Dieu, comblé des dons de l’Esprit Saint, il vivait "comme s’il voyait l’invisible" » (C. 21).
Dans ma dernière intervention dans la salle capitulaire, lors du discours de clôture du CG28, j'ai fait référence à un dialogue que j'avais eu, la veille, avec un confrère. Il a demandé à me parler et m'a dit : « Ne nous laissez pas seuls. Nous avons besoin d'aide pour être vraiment Salésiens, pour ne pas perdre notre identité. »
J'ai senti profondément qu'à ce moment-là, le Seigneur nous parlait aussi par l'intermédiaire de notre confrère. Et il nous faisait comprendre l'importance et l'urgence de grandir et de consolider l'identité charismatique dans notre Congrégation.
Le point de départ essentiel et fondamental est notre condition de personnes consacrées. L'avenir de la vie consacrée – et de la vie salésienne pour nous, personnes consacrées – a sa raison d'être dans son fondement qui est Jésus-Christ. Comme personnes consacrées, vivre à la suite du Christ – la sequela Christi – façonne notre identité en y intégrant notre formation pastorale. Comme personnes consacrées, comme Salésiens de Don Bosco, Dieu fait de nous « une mémoire vivante du mode d'existence et d'action de Jésus ».[2] Et le défi vocationnel, pour toute la vie consacrée, et pour nous de façon particulière en tant que Salésiens de Don Bosco, est de « revenir toujours à Jésus », en renonçant à tout ce qui n'est pas Lui ou qui nous éloigne de Lui.
Avec beaucoup d'humilité et une claire vision, nous devons reconnaître que la sortie des crises de la vie religieuse, de la vie salésienne, des difficultés de chaque Province, ne se trouvera pas dans de nouveaux projets, ni dans des plans stratégiques, ni dans une « programmation 3.0 ». La plupart du temps, face au désenchantement, à la fatigue existentielle, au manque de motivation..., il s'agit de revenir au Christ, à la vie religieuse, à la vie consacrée salésienne. Parce que nous pouvons vivre en croyant à tort qu'en faisant des choses, tout prend un sens. Non, chers Confrères : sans Jésus-Christ au centre de nos pensées, de nos sentiments, de notre vie, de nos rêves, de notre travail..., il n'y a pas d'avenir, et nous ne pouvons rien offrir de significatif. Selon les mots du Pape François : « Le Seigneur demande tout ; et ce qu’il offre est la vraie vie, le bonheur pour lequel nous avons été créés. Il veut que nous soyons saints et il n’attend pas de nous que nous nous contentions d’une existence médiocre, édulcorée, sans consistance. »[3]
N'oublions pas que la mission salésienne et la Congrégation elle-même sont nées de Dieu, suscitées par son Esprit : « Humblement et avec action de grâce, nous croyons que la Société de saint François de Sales est née, non d’un simple projet des hommes, mais par l’initiative de Dieu » (C 1) ; et que chacun de nous, Salésiens de Don Bosco, est envoyé aux jeunes par Dieu lui-même (cf. C 15).
Après ce Chapitre Général 28 « spécial », je pense que l'on attend de nous, Salésiens, 162 ans après le début de notre Congrégation, que nous soyons prêts et disponibles à écouter le souffle de l'Esprit de Dieu, l'Esprit Saint, pour continuer à avoir Jésus Christ Seigneur comme fondement et centre de notre vie, pour renouveler la prophétie qui doit caractériser notre vie, et pour continuer à grandir en humanité, jusqu'à devenir ces « experts en humanité » qui savent regarder et contempler, jusqu'à se laisser émouvoir par la douleur et les besoins de nos frères et sœurs (à commencer par ceux de nos communautés), des jeunes, garçons et filles, et de leurs familles. Nous devons prendre notre service prophétique au sérieux. Notre contribution spécifique est d'être une icône du style de vie de Jésus totalement consacré au Père et à son projet pour l'humanité : le Royaume. On attend donc de nous que nous soyons signes et témoins de la présence paternelle de Dieu – qui est une présence douce, capable d'un regard de tendresse et les bras ouverts, grands ouverts surtout aux plus pauvres, à nos jeunes – en faisant de notre fraternité une réalité, en la rendant attrayante, fascinante, et en vivant avec simplicité et sobriété.
Le Seigneur Ressuscité invitait ses disciples à retourner en Galilée pour le rencontrer et le revoir. Cette invitation est pour nous d'une grande actualité et, m'exprimant en clé salésienne, je voudrais dire que notre Galilée pour la rencontre avec le Seigneur aujourd'hui, comme Salésiens de Don Bosco, passe par le Valdocco, les débuts du Valdocco, même fragiles, mais avec la force et la passion contenues dans la fameuse phrase : « Frère ou pas frère, moi, je reste avec Don Bosco », que le jeune Jean Cagliero a exprimée avec toute l'ardeur et l'enthousiasme de sa jeunesse. Le Valdocco est, en fait, l'atmosphère spirituelle et apostolique où chacun de nous respire l'air de l'Esprit, où nous nourrissons et renforçons notre identité charismatique. C'est le lieu de la « transfiguration » pour chaque Salésien qui, s'appliquant à tous les éléments de notre spiritualité, peut contribuer à faire de chacune de nos maisons un authentique Valdocco, où il sera possible de rencontrer notre Seigneur Jésus Christ face à face dans la vie quotidienne.
Jésus passe, regarde avec amour et nous appelle à le suivre. Et dans le mystère de cet appel, dans le regard qui ne nous juge pas mais nous sonde et nous fixe, dans l'aventure qui nous entraîne à marcher sur ses traces, chacun peut découvrir le projet que Dieu a pensé pour chacun de nous de façon originale. Aujourd'hui, beaucoup de ceux qui décident de quitter la Congrégation souffrent de la même chose : ne pas avoir été en contact avec le Seigneur Jésus et ne pas avoir eu la même passion que le jeune Cagliero pour rester avec Don Bosco afin de suivre Jésus. Voilà pourquoi, parfois, toute autre offre pastorale qui a des lueurs d'autonomie, d'autogestion, d'indépendance, de gestion de sa propre vie et de ses ressources économiques, exerce chez certains frères une fascination suffisante pour les pousser à demander à aller ailleurs. Nous devons honnêtement reconnaître que c'est le cas. Parfois, même le don du ministère sacerdotal n'est pas pleinement compris, qui est exploité et vécu comme « pouvoir ». Ce fait obscurcit l'alliance que Dieu a établie avec nous dans le don de la consécration religieuse qui est au centre de notre vie personnelle et communautaire.
PROPOSITION
Ce sexennat devra se distinguer par un travail en profondeur dans la Congrégation pour croître en profondeur charismatique, en identité salésienne, dans toutes les phases de la vie, avec un engagement sérieux dans chaque Province et dans chaque communauté salésienne, pour en arriver à dire comme Don Bosco : « J’ai promis à Dieu que ma vie, jusqu’à son dernier souffle, serait pour mes pauvres garçons. »[4]
Pour cette raison :
- À chaque étape de la formation, avec la profondeur qui lui correspond, nous prendrons soin, comme une urgence et une nécessité inéluctables, des éléments qui donnent de l'identité charismatique à chaque Salésien et qui nous font être amoureux de Don Bosco et des jeunes avec le cœur de Jésus Bon Pasteur.
- Nous donnerons la priorité aux caractéristiques de notre identité charismatique de personnes consacrées qui font de nous des signes prophétiques : une vie heureuse enracinée dans l'Évangile, une foi forte ancrée en Dieu, une communion qui rend la vie communautaire attrayante, une attitude prophétique face à l'injustice et au mal, et un regard d'espoir accompagné d'un désir de conversion.
- Dans les Provinces, il faudra discerner avec soin les obédiences données aux confrères, afin de ne pas risquer de perdre le sens authentique et la passion du cœur salésien, et de ne pas tomber dans des formes de généricisme charismatique ou de se diriger vers des réalités pastorales diocésaines qui conduisent à se séparer de la Congrégation.
- Nous continuerons à être très attentifs à ce que, en tant que Congrégation, nous ne soyons pas pris par le « virus du cléricalisme et du carriérisme ».[5]
- Dans la réflexion et le partage au sein de chaque communauté, nous valoriserons la première partie du document « Animation et gouvernance de la communauté. Le service du Directeur Salésien », qui présente « l'identité consacrée salésienne ».
- Dans une Congrégation où est URGENT le « DA MIHI ANIMAS CŒTERA TOLLE »
« Humblement et avec action de grâce, nous croyons que la Société de saint François de Sales est née, non d’un simple projet des hommes, mais par l’initiative de Dieu. Pour contribuer au salut de la jeunesse, "cette part, la plus délicate et la plus précieuse de la société humaine", l’Esprit Saint suscita, avec l’intervention maternelle de Marie, saint Jean Bosco.
Il forma en lui un cœur de père et de maître, capable de se donner totalement : "J’ai promis à Dieu que ma vie, jusqu’à son dernier souffle, serait pour mes pauvres garçons ". » (C 1)
Les témoignages des débuts de notre histoire congrégationnelle et la réflexion qu'elle a développée au fil des ans mettent en évidence un fait très significatif : l'expression qui exprime le mieux le zèle et la charité pastorale des Salésiens de Don Bosco est « Da mihi animas, cœtera tolle ». Le jeune Dominique Savio qui, en présence de ce jeune prêtre de 34 ans qu'était Don Bosco, a vu cette inscription à l'entrée de son bureau, l'a parfaitement comprise : « J’ai compris. Ici, on ne fait pas commerce d’argent, mais commerce d’âmes, j’ai compris. »[6] En regardant Don Bosco, nous apprenons sa profonde spiritualité et ces qualités particulières d'éducateur qui ont marqué sa façon d'entrer en relation avec les adolescents et les jeunes. En Don Bosco et dans son histoire, nous rencontrons le fondement de notre action éducative et pastorale qui se caractérise par une proposition très concrète de vie chrétienne, par l'attention portée à chaque jeune, en s'engageant à lui proposer les réponses concrètes dont il a besoin, par la confiance en la présence de Dieu.
Notre tâche, surtout dans l'accompagnement des jeunes, doit se caractériser par la capacité pédagogique et spirituelle créative, typique de notre Père Don Bosco, à travers laquelle nous pouvons surmonter les distances par rapport à la sensibilité des nouvelles générations, en leur offrant une écoute aimante et une compréhension compatissante, en suscitant les grandes questions sur le mystère de la vie et en les aidant à chercher le Seigneur et à Le rencontrer.
Le Chapitre Général 26 a abordé précisément tout cela en réfléchissant sur la devise de Don Bosco : « Da mihi animas, cœtera tolle ». Avec la vision d'aujourd'hui et avec la connaissance de notre réalité, je pense pouvoir dire que pour nous, il est nécessaire et urgent que notre Congrégation vive, respire et marche en essayant de faire du « Da mihi animas, cœtera tolle » une réalité dans l'annonce de l'Évangile, en faveur de nos jeunes et pour notre propre bien.
Notre mission nous place très souvent à la frontière, là où nous entrons habituellement en contact avec des chrétiens d'autres confessions, avec des membres d'autres religions, avec des non-croyants ou des croyants éloignés : nous devons accomplir notre mission avec eux et pour eux aussi. Chaque temps et chaque lieu est propice à l'annonce de l'Évangile.
Mes chers Confrères, aujourd’hui, après le CG28 :
- Il est urgent de donner la priorité absolue à l'engagement pour l'évangélisation des jeunes avec des propositions conscientes, intentionnelles et explicites. Nous sommes invités à leur faire connaître Jésus et la Bonne Nouvelle de l'Évangile pour leur vie.
- Il est urgent d'aider les jeunes (et leurs familles) à découvrir la présence du Christ dans leur vie comme la clé du bonheur et du sens de l'existence.
- Il est urgent d'accompagner les enfants, les adolescents et les jeunes dans leur processus d'éducation à la foi, afin qu'ils puissent adhérer personnellement à la personne du Christ.
- Il est urgent d'être de « vrais éducateurs » qui, à partir de leur expérience personnelle, accompagnent le jeune dans le dialogue avec Dieu dans la prière et la célébration des sacrements.
Sans cela, chers Confrères, d'autres efforts titanesques de la Congrégation tendront à fournir une bonne promotion humaine et une assistance sociale – qui sont toujours fort nécessaires et font partie de notre identité charismatique – mais ne nous conduiront pas à la première raison pour laquelle l'Esprit Saint a suscité le charisme salésien en Don Bosco : « Fidèles aux tâches que Don Bosco nous a transmises, nous sommes évangélisateurs des jeunes » (C 6). Le premier objectif de notre pastorale auprès des jeunes est la conversion des personne à l'Évangile de Jésus-Christ.
Avec toutes les nuances de la sensibilité historique, dont nous devons tenir compte, et la compréhension linguistique de l'époque, que nous considérons nécessaire, nous ne pouvons pas négliger l'élément essentiel et constitutif qui a caractérisé l'action éducative et pastorale de Don Bosco, que le Recteur Majeur, Père Vecchi, exprimait comme suit : « La pédagogie de Don Bosco est une pédagogie de l'âme, de la grâce, du surnaturel. Lorsque nous réussissons à activer cette énergie, commence le travail d'éducation le plus fructueux. L'autre, valable en soi, est propre et concomitant à celui-ci qui le transcende.»[7]
Le « cœtera tolle » nous rend prêts à abandonner tout ce qui nous empêche d'aller vers ceux qui ont le plus besoin de nous. C'est l'ascèse qui émane de l'option précédente, renonçant à beaucoup de choses (goûts personnels, préférences, et même actions et services légitimes), à ce qui ne nous permet pas de consacrer toutes les énergies du cœur pastoral à ce à quoi nous avons donné la priorité.
PROPOSITION
- C’est pourquoi, je propose à notre Congrégation, pour le prochain sexennat, d’être exigeants avec nous-mêmes en répondant à l’« URGENCE DE PROPOSER À NOUVEAU AVEC UNE PLUS GRANDE CONVICTION LA PREMIÈRE ANNONCE parce que "Rien n’est plus 'solide', plus profond, plus sûr, plus dense et plus sage que cette annonce." (ChV, 214)».[8]
Pour cette raison :
- Le Recteur Majeur et son Conseil, et chaque Province, s'engageront, durant ce sexennat, à prendre les décisions appropriées pour qualifier la présence salésienne dans l'évangélisation et l'éducation à la foi. Il s'agit ici d'une authentique conversion pastorale, personnelle et communautaire à laquelle nous sommes appelés.
- Nous devrons promouvoir une pastorale des jeunes qui les accompagne en vue de leur maturation personnelle, de leur croissance dans la foi, et qui ait pour principe unificateur la dimension vocationnelle (DF 140, ChV 254).[9]
- Nous continuerons à travailler à tous les niveaux de notre Congrégation pour provoquer « un changement de mentalité face à la mission à accomplir » (Pape François au CG28).[10]
- Nous ferons connaître et estimer comme pilier fondamental de notre œuvre d'évangélisation et d'éducation ce qui a été essentiel pour Don Bosco et pour tant de générations de Salésiens : la merveilleuse présence de notre Mère, la Vierge Auxiliatrice, dans nos propositions éducatives et dans notre prière avec les jeunes.
- VIVRE LE « SACREMENT SALÉSIEN » DE LA PRÉSENCE
« Notre vocation est marquée par un don spécial de Dieu, la prédilection pour les jeunes : " Il suffit que vous soyez jeunes, pour que je vous aime beaucoup." Cet amour, expression de la charité pastorale, donne son sens à toute notre vie.
Pour leur bien, nous offrons avec générosité notre temps, nos talents et notre santé : " Pour vous j’étudie, pour vous je travaille, pour vous je vis, pour vous je suis disposé à donner jusqu’à ma vie". » (C 14)
Dans son Message au Chapitre, le Pape François nous a parlé de « l'option Valdocco » et du « charisme de la présence », ce charisme que je me permets de qualifier librement de « sacrement salésien » de la présence. Le Pape écrit ceci : « Avant même des choses à faire, le Salésien est un rappel vivant d'une présence où disponibilité, écoute, joie et dévouement sont les notes essentielles pour susciter des processus. La gratuité de la présence sauve la Congrégation de toute obsession militante et de tout réductionnisme technico-fonctionnel. Le premier appel est d'être une présence joyeuse et gratuite parmi les jeunes. » Notre être de disciples du Seigneur, notre manière authentique et profonde d'être apôtres de la jeunesse, passe avant tout par notre présence parmi les gens et, d'une manière spéciale, parmi les enfants et les jeunes.
Ce qui a été dit de manière familière ne peut pas être mieux exprimé. Il s'agit, chers Confrères, de retrouver le premier amour vocationnel, celui que nous avons tous éprouvé lorsque nous avons senti que le Seigneur nous appelait à être une présence joyeuse et gratuite parmi les jeunes. J'ose dire qu'il n'y a pas un seul Salésien qui, d'une manière ou d'une autre, n'ait ressenti cela dans son cœur.
Au cours du CG28, nous avons réfléchi sur cet aspect. Nous avons réalisé que de nombreux jeunes vivent dans une véritable situation d’« orphelins », même s'ils ont des parents. Les jeunes eux-mêmes nous ont dit dans leur message au CG28 : « Nous avons peur, nous sommes embarrassés, frustrés et avons besoin d'être aimés... Une des conséquences de notre peur est la difficulté que nous éprouvons à nous engager ... Nous pensons que notre société est individualiste et que nous aussi, nous sommes souvent individualistes... Nous voulons être capables de "retourner à l'essentiel du premier amour" (ChV 34) qui est le Christ, à sa façon d’être compagnon et ami des jeunes. Notre recherche d'épanouissement spirituel et personnel nous préoccupe. Nous voulons avancer vers la croissance spirituelle et personnelle, et nous voulons le faire avec vous, les Salésiens.»[11]
Nous ne doutons pas de cette vérité des jeunes eux-mêmes, que nous avons en même temps reconnue dans la salle capitulaire : « Ils nous demandent du temps et nous leur donnons de l'espace ; ils nous demandent des relations et nous leur fournissons des services ; ils nous demandent une vie fraternelle et nous leur offrons des structures ; ils nous demandent de l'amitié et nous leur organisons des activités. Tout cela nous engage à redécouvrir les richesses et le potentiel de "l'esprit de famille".»[12]
Ces mêmes jeunes qui nous ont accompagnés pendant le Chapitre Général nous ont lancé un appel fort à être une présence significative pour eux. Ils nous ont dit explicitement : « Notre recherche d'épanouissement spirituel et personnel nous préoccupe. Nous voulons avancer vers la croissance spirituelle et personnelle, et nous voulons le faire avec vous, les Salésiens (…) Nous aimerions que vous, précisément, nous guidiez avec amour dans les réalités que nous vivons (...) Salésiens, n'oubliez pas les jeunes car nous, nous ne vous avons pas oubliés, ni vous ni le charisme que vous nous avez appris ! Cela, nous voulons l'exprimer de tout notre cœur. En étant ici [au Chapitre], nous avons réalisé un rêve : nous trouver en cet endroit spécial du Valdocco, là où a commencé la mission salésienne, réunissant Salésiens et jeunes pour la mission salésienne, avec notre volonté d'être saints ensemble. Vous avez notre cœur entre vos mains. Vous devez prendre soin de votre précieux trésor. S'il vous plaît, ne nous oubliez pas et continuez à nous écouter.»[13]
Chers Confrères, c'est un grand privilège de sentir battre le cœur des jeunes ! Et je ne doute pas que dans toute la Congrégation, il n'y ait de nombreux confrères qui sont aujourd'hui pour les jeunes de vrais Don Bosco. Mais je ne m'en contente pas. Nous devons l'être tous. Nous devons continuer sur la voie de la conversion. Cet engagement exige de nous un changement de mentalité et de rythmes de vie, une mentalité et un cœur ouverts, un dépassement d'habitudes enracinées et cristallisées. Les jeunes nous disent qu'ils nous aiment bien, qu'ils ont besoin de nous, qu'ils nous attendent. L'expression de Don Bosco « applique-toi à te faire aimer » est aujourd'hui d'une grande actualité. La présence ne consiste pas uniquement à passer du temps avec les jeunes en groupe mais de les rencontrer individuellement, personnellement, pour instaurer une relation qui permette de connaître et d'entendre leurs désirs, leurs difficultés et leurs efforts et, parfois, leurs peurs et leurs craintes. C'est une relation qui veut aller au-delà d'une connaissance superficielle, qui offre une amitié caractérisée par la confiance mutuelle et par le partage réciproque. La bonté affectueuse (« amorevolezza ») est ainsi devenue la forme substantielle de la charité de Don Bosco. Il nous demande aujourd'hui, comme dans la Lettre de Rome de 1884, d’être capables de nous rencontrer, d’être disponibles à l'accueil et capables de familiarité. Comme Don Bosco, nous devons cultiver encore l'art de faire le premier pas, en éliminant distances et barrières, et en faisant naître la joie et le désir de se revoir, d'être amis. Cet art consiste aussi à créer, avec patience et dévouement, une atmosphère riche d'humanité, un climat familier où les enfants et les jeunes se sentent tout à fait libres et capables de s'exprimer et d'être eux-mêmes, en assimilant avec joie les valeurs qui leur sont proposées. Cette pédagogie de l'esprit de famille est aussi une école de la foi pour les jeunes. Nous leur offrons amour et accueil inconditionnel pour qu'ils puissent découvrir progressivement et à partir d'une option de liberté personnelle, la confiance et le dialogue, ainsi que la célébration et l'expérience communautaire de la foi.
Et n'oublions pas que la présence salésienne est une présence particulière, c’est-à-dire que le Salésien traite les jeunes avec un profond respect, les rencontre à leur niveau de liberté, et les traite comme des sujets actifs et responsables de la communauté éducative et pastorale. Pour cela, le Salésien apprend un style d'écoute, de dialogue et de discernement personnel et communautaire. Et cela vaut non seulement pour la pastorale parmi les jeunes mais aussi dans les maisons de formation où « l'on apprend à être Salésiens ».
Mais cette modalité de présence n'est pas possible si l'on se tient à distance des jeunes : loin d'eux physiquement et loin de leur psychologie et de leur monde culturel. Là est le danger. La juste alternative est de vivre comme Salésiens, comme fils de Don Bosco, la même expérience de paternité qu'il a lui-même vécue avec ses jeunes et qui se traduit en un véritable amour et, en même temps, en une réelle « autorité » envers les jeunes eux-mêmes. Et ce, à partir de la grande valeur qu'a pour nous la présence au milieu des jeunes. Dans le message du Pape au CG28, on peut lire : « Votre consécration est, avant tout, le signe d'un amour gratuit du Seigneur et pour le Seigneur chez ses jeunes, qui ne se définit pas principalement par un ministère, une fonction ou un service particulier, mais par une présence. Avant même des choses à faire, le Salésien est un rappel vivant d'une présence où disponibilité, écoute, joie et dévouement sont les notes essentielles pour susciter des processus. La gratuité de la présence sauve la Congrégation de toute obsession militante et de tout réductionnisme technico-fonctionnel. Le premier appel est d'être une présence joyeuse et gratuite parmi les jeunes. »
Je me permets de rappeler qu'aujourd'hui, la présence concerne aussi le monde numérique, un nouvel et véritable aréopage pour nous, un habitat des jeunes d'aujourd'hui. Ici aussi nous devons être présents avec une claire identité salésienne, avec le désir d'annoncer la Bonne Nouvelle, tout naturellement avec la joie et la simplicité des disciples du Seigneur.[14]
PROPOSITION
Pour ce sexennat, je propose, comme expression de notre CONVERSION, ce qui est déjà demandé par le CG26, à savoir :
« Que le Salésien trouve le temps de se tenir au milieu des jeunes en ami, en éducateur et en témoin de Dieu, quel que soit son rôle dans la communauté ».[15]
Bien qu'il semble étrange de devoir demander à un Salésien de trouver du temps pour être avec les jeunes, je pense que c'est extrêmement nécessaire.
Pour cette raison, on propose de
- Promouvoir une présence effective et affective parmi et avec les jeunes, en communion de vie et d'action. Et valoriser et relancer la belle expérience et la figure renouvelée de l'assistant, non seulement pour le stagiaire (« tirocinante ») mais pour toute la vie du Salésien de Don Bosco.
- Soigner le style « oratorien » (oratoire-centre de jeunes) dans chaque présence : l'atmosphère familiale, l'accueil, la spiritualité et la dimension de la joie profonde.
- Accompagner le dynamisme des jeunes en promouvant leur protagonisme et leur leadership dans chaque maison et dans la mission salésienne qui s'y déroule.
- Assurer la présence de formateurs dans les communautés de formation où l'esprit salésien est communiqué avant tout par l'exemple : être parmi les jeunes confrères, en les aidant fortement à être les premiers responsables de leur propre formation.
- Engager le Dicastère pour la Communication Sociale, à différents niveaux, à offrir des instruments et des stimulants pour un processus constant de vérification, d'actualisation, d'inculturation de la mission salésienne dans l'habitat numérique où vivent les jeunes, en impliquant nos universités, en réseau avec d'autres Centres et Agences qui suivent et étudient de plus près les transformations que le monde numérique apporte parmi les nouvelles générations.
- LA FORMATION POUR ÊTRE SALÉSIENS PASTEURS AUOURD’HUI
« Eclairé par la personne du Christ et par son Evangile vécu selon l’esprit de Don Bosco, le salésien s’engage dans un processus de formation qui dure toute la vie, et il en respecte les rythmes de maturation. Il fait l’expérience des valeurs de la vocation salésienne dans les divers moments de son existence et accepte l’ascèse qu’un tel cheminement comporte.
Avec l’aide de Marie, mère et maîtresse de vie, il s’efforce de devenir éducateur pasteur des jeunes, selon la forme de vie, laïque ou sacerdotale, qui lui est propre. » (C 98)
La formation est vraiment un cadeau précieux du Seigneur qui fait mûrir en nous, en tant que Salésiens de Don Bosco, le don inestimable de l'appel du Père à la vocation chrétienne et consacrée. Bien que la réalité numérique des vocations ne soit pas homogène partout dans le monde, la Congrégation est bénie chaque année avec l'entrée de quelque 450 novices. Remercions Dieu parce que, comme le disent nos Constitutions, chaque appel manifeste combien le Seigneur aime l'Église et notre Congrégation (cf. C 22).
Cependant, l'Assemblée capitulaire a également reconnu certaines de nos faiblesses et les a exprimées ainsi : « En effet, nous constatons que l'identité consacrée salésienne semble parfois faible et peu enracinée : le primat de Dieu dans la vie personnelle et communautaire n'apparaît pas toujours clairement ; des formes de cléricalisme et de sécularisme risquent d'introduire la « mondanité spirituelle » dans la Congrégation ; la promotion du Salésien laïc reste rare dans certaines régions ; le manque de personnel formé dans le domaine de la salésianité, malgré l'abondance du matériel disponible, est le signe d'une attention insuffisante à l'approfondissement du charisme.»[16] De fait, cette requête est apparue très fortement au cours des travaux de notre CG28.
J’oserais dire que si cela se produit dans toutes les Congrégations religieuses, et même dans la formation des séminaires diocésains, la distance abyssale que l'on perçoit entre la formation et la mission salésienne est sans aucun doute un grand défi pour nous. Peut-être cette distance est-elle due à la grande différence qui existe entre la réalité des maisons de formation initiale et la vie dans les communautés apostoliques (les communautés habituelles de toutes les Provinces) ; peut-être le phénomène dépend-il aussi du fait que la formation ne réussit pas toujours à toucher le cœur du jeune Salésien en formation ; peut-être dans le cursus de formation transmettons-nous des connaissances et des informations qui ne réussissent pas à toucher la vie et la mission salésienne. La croissance est un processus lent d'unification de la personne, qui met en relation expériences de la vie, besoins existentiels, connaissances, mission, rapports, vocation, projet de vie… Dans ce processus d’unification, nous nous formons pour être des éducateurs et des pasteurs dans un monde nouveau et dans une mission renouvelée. Quelle que soit la raison des limites de la formation que nous constatons, nous nous trouvons face à un grand défi que la Congrégation a mis en évidence et que nous devons affronter avec décision au cours du sexennat.
D'un autre côté, on ne peut nier qu'il existe cette conviction dangereuse selon laquelle la formation se terminerait après avoir accompli les étapes initiales ; et, dans le cas des candidats à la prêtrise, qu’elle coïnciderait avec leur accès au ministère. Cette idée fausse nous fait beaucoup de mal et nous conduit à payer des prix élevés dans le ministère pastoral. Il s'agit donc de comprendre la formation comme un processus de transformation personnelle qui dure toute une vie, même s'il se caractérise par une intensité particulière et avec une attention spécifique dans les premières étapes. En définitive, la formation est un cheminement nécessaire pour construire et sauvegarder notre vocation.
Souvent, nous ne savons pas transformer la vie pastorale quotidienne en une opportunité permanente pour notre formation et « c'est pourquoi la communauté – tant religieuse que pastorale et éducative – n'est pas en mesure de devenir le milieu naturel et ordinaire dans lequel on se forme. »[17] Nous sommes conscients de certaines faiblesses pastorales possibles : superficialité, improvisation, activisme. Le danger de l'individualisme n'est pas moins important. Tout cela demande de l'humilité, de la clarté, de l'authenticité et une nouvelle impulsion dans la compréhension communautaire de notre vie et de notre mission.
Comme cela a été dit au Chapitre Général, la formation initiale est une réalité multiforme, positive et prometteuse. Face à cette situation, la formation des formateurs, c'est-à-dire des confrères qui, avec une « vocation particulière dans leur propre vocation », accompagnent la formation des jeunes Salésiens ; et la constitution de bonnes équipes de personnes qui puissent accompagner les étapes de la formation est une réelle urgence et une réelle priorité, puisque la communauté est le premier lieu de formation.
Doit-on parler de la nécessité d'adopter un nouveau style de formation ? Dans son message au Chapitre Général, le Pape François nous en parle : « Penser à la figure du Salésien pour les jeunes d'aujourd'hui implique d'accepter que nous sommes plongés dans un temps de changements, avec toute l'incertitude qui en découle. »[18] « Il est donc nécessaire de renouveler notre style de formation, qui doit être pensé de plus en plus de manière personnalisée, holistique, relationnelle, contextuelle et interculturelle. »[19] Nous devrons continuer à avancer pour mettre en place et vivre réellement la formation dans l'horizon de la vocation, et donc bien loin d'être comprise, comme nous avons parfois tendance à le faire, uniquement comme un devoir qui dure quelques années et que l’on doit nécessairement accomplir pour arriver à la « vie réelle », à la vie concrète, à celle que l'on recherchait. Quel concept dangereux de la formation que celui qui oppose la vie réelle à la formation du Salésien éducateur et pasteur !
En somme, la formation est un véritable travail artisanal, tant de la part de ceux qui accompagnent les confrères que de la part de chacun dans son propre processus de formation. Dans ce domaine aujourd'hui, il n'y a pas de place pour la « production en série ». L'artisanat parle d'œuvres d'art uniques, faites à la main, une par une. En parlant de ce travail artisanal, nous ne pouvons aujourd'hui négliger la figure de la femme dans les milieux éducatifs salésiens. En effet, « la présence de la femme dans un grand nombre de nos œuvres est un donné de fait, tant parmi nos destinataires que parmi les responsables de l'éducation. »[20] En ce sens, le Pape François nous a lancé un appel fort dans son Message en disant : « Qu'en serait-il du Valdocco sans la présence de Maman Marguerite ? Vos maisons auraient-elles été possibles sans cette femme de foi ? […] Sans une présence réelle, effective et affective des femmes, vos œuvres n'auraient pas le courage et la capacité de décliner la présence comme hospitalité, comme maison. Face à la rigueur qui exclut, nous devons apprendre à générer la nouvelle vie de l'Évangile. Je vous invite à poursuivre une dynamique dans laquelle la voix de la femme, son regard et son action – appréciés dans leur singularité – trouvent un écho dans la prise de décision, en tant qu'acteur non auxiliaire mais constitutif de vos présences. »
Un style et un modèle de formation renouvelés, même avec le ton quasi solennel qu'y met le Pape François, ne seront pas possibles si l'on oublie le protagoniste le plus important qui n'est ni le formateur ni la personne en formation, mais l'Esprit Saint, l'Esprit de Dieu, envers qui chacun de nous doit être docile. Pour cette raison, nos Constitutions se souviennent que « chaque Salésien assume la responsabilité de sa formation. » (C 99) Permettez-moi d'ajouter que chaque confrère doit laisser l'Esprit Saint transformer son cœur tout au long de sa vie et à tout moment.
Un parcours formateur vécu de cette manière nous permettra de consolider dans la Congrégation ce que j'ai affirmé dans les pages précédentes : le « Da mihi animas » doit être le moteur de la passion éducative et évangélisatrice, et aussi « l'énergie » de tout le processus de formation.
En fait, la nature apostolique de notre charisme détermine notre formation de manière décisive. Comme nous le rappelle le Pape François dans son message, « il est important de faire valoir que nous ne sommes pas formés pour la mission, mais que nous sommes formés dans la mission, à partir de laquelle tourne toute notre vie, avec ses choix et ses priorités. La formation initiale et la formation permanente ne peuvent pas être une instance préalable, parallèle ou séparée de l'identité et de la sensibilité du disciple. »
Il est évident que nous avons devant nous l'un des noyaux thématiques essentiels du cheminement de la Congrégation pour les six prochaines années : prendre soin de la vocation de chaque confrère en particulier, et des jeunes confrères en formation, de telle manière que nous arrivions tous à être Salésiens de Don Bosco de qui nos enfants, nos jeunes et leurs familles ont besoin aujourd'hui.
PROPOSITION
Nous nous engageons à combler le fossé entre formation et mission en favorisant dans la Congrégation une culture renouvelée de la formation dans la mission pour aujourd'hui, à travers le monde salésien, par des mesures et des décisions très importantes.
Pour cette raison :
- Nous promouvons un engagement renouvelé dans l'accompagnement formatif des confrères, qui puisse toucher le cœur et nous rendre disponibles pour un don de soi vrai et radical. À cet effet, nous valorisons le document « Jeunes Salésiens et Accompagnement. Orientations et Directives », où l'on réaffirme que notre modèle de formation ne peut être que le Système Préventif.
- Les communautés de formation initiale conserveront un style de vie sobre et caractérisé par une profondeur spirituelle et une grande capacité de service et de travail, qui préserve de l'embourgeoisement et forme aux besoins de la mission. L'accompagnement pastoral sera garanti comme stratégie fondamentale pour une formation à la mission et dans la mission.
- Nous investissons nos énergies dans la recherche et la formation de formateurs et affrontons courageusement la remise en question des références institutionnelles et des structures de formation.
- Le Secteur de la Formation effectuera un travail sérieux et exigeant de mise à jour de la Ratio, en renforçant ce qui favorise l'intégration entre formation et mission, et empêche que se produise un écart entre les deux dimensions. Le Secteur garantira des processus de véritable maturation, de personnalisation et d'accompagnement.
- PRIORITÉ ABSOLUE POUR LES JEUNES, LES PAUVRES ET LES PLUS ABANDONNÉS ET SANS DÉFENSE
« Le Seigneur a indiqué à Don Bosco les jeunes, spécialement les plus pauvres, comme premiers et principaux destinataires de sa mission.
Appelés à cette même mission, nous en saisissons l’extrême importance : les jeunes vivent à l’âge des choix de vie fondamentaux qui préparent l’avenir de la société et de l’Eglise.
Avec Don Bosco nous réaffirmons notre préférence pour la "jeunesse pauvre, abandonnée, en péril", qui a le plus besoin d’être aimée et évangélisée, et nous travaillons spécialement dans les lieux de plus grande pauvreté. » (C 26)
J'aimerais commencer à développer cette priorité à partir des quelques phrases que j'ai pu consacrer à cette question dans ma dernière intervention dans la Salle Capitulaire, avant la conclusion anticipée de notre CG28. Je peux vous assurer, chers Confrères, que les mots étaient peu nombreux mais la conviction était forte et grande.
J’ai dit : « Je rêve que dire aujourd'hui "Salésiens de Don Bosco" signifie dire consacrés "fous", c'est-à-dire des Salésiens qui aiment avec un vrai cœur salésien, voire "un peu fou", orienté vers les plus pauvres.
« Chers Confrères, si nous nous éloignons des plus pauvres, ce sera la mort de la Congrégation. Don Bosco l'a dit en parlant de pauvreté et de richesse. Je me permets d'ajouter : si, un jour, nous abandonnons les jeunes, et parmi eux les plus pauvres, commencera alors le déclin de la Congrégation, une Congrégation qui, grâce à Dieu, jouit aujourd'hui d'une bonne santé, malgré nos fragilités !
« Restons donc attentifs à ce que je considère comme une authentique "résolution capitulaire", non pas au sens propre car son contenu se trouve déjà dans nos Constitutions : une option radicale, préférentielle, personnelle, institutionnelle et structurelle en faveur des jeunes les plus défavorisés, les plus pauvres et les exclus. C'est une option qui se manifeste tout particulièrement dans la défense des enfants et des jeunes exploités et victimes de toutes formes d’abus : depuis l’abus sexuel jusqu’à la violence, depuis l’injustice jusqu’à l’abus de pouvoir. Ce quatrième défi est un très bel engagement que chaque Salésien doit porter dans son cœur. Un sexennat guidé par cette lumière nous donnera beaucoup de vie. »
Je suis convaincu que le fait d'assumer cette perspective comme indispensable sera très significatif dans toute la Congrégation et dans tous les contextes, cultures et continents. Aujourd'hui, il existe de nombreuses pauvretés chez les jeunes, qui exigent une attention urgente de la part de toute la famille humaine, et sans aucun doute de notre part à nous, Salésiens, d'une manière particulière. En effet, l'histoire de notre Congrégation se caractérise par des appels à aller à la rencontre des jeunes les plus pauvres. « Comme fils de Don Bosco, [les Salésiens] ont contracté un engagement historique à servir les jeunes pauvres. »[21]
Notre Père Don Bosco lui-même nous a dit en son temps : « Tout le monde nous verra et nous accueillera avec sympathie, à condition que nos préoccupations et nos requêtes soient en faveur des enfants des pauvres, ceux qui sont le plus en péril dans la société. Ce doit être pour nous la plus grande satisfaction que personne ne puisse nous enlever. »[22]
Il y a de nombreuses années, le CG19 déclarait : « Aujourd'hui plus que jamais, Don Bosco et l'Église nous envoient travailler parmi les pauvres, les moins fortunés et le peuple. »[23] Le CG20 a parlé aussi de la priorité absolue des « jeunes » et parmi eux « les pauvres et les abandonnés » lorsqu'il a demandé qui étaient les destinataires concrets de notre mission.[24]
Nous avons nous-mêmes dit dans notre récent Chapitre que nous sommes consacrés à Dieu pour les jeunes les plus pauvres. Comme Don Bosco, nous avons nous aussi promis dans notre profession religieuse de nous offrir à Dieu en engageant nos forces au service des jeunes, surtout des plus pauvres, et que pour cela nous devons « écouter ensemble l'appel que Dieu nous adresse à travers les pauvretés des jeunes. Cet appel requiert également une profondeur spirituelle pour ne pas tomber dans l'activisme ou dans une mentalité d'entreprise, une préparation culturelle pour comprendre les phénomènes dans lesquels nous sommes plongés et les nouvelle pauvretés des jeunes, une disponibilité à travailler ensemble, en abandonnant tout individualisme pastoral, de la flexibilité pour repenser notre style de vie et nos œuvres, surtout lorsqu'elles n'expriment plus l'énergie missionnaire du charisme et répondent principalement à la logique du maintien des choses en l'état. »[25]
En somme, l'appel que je lance à tout le monde est de vraiment regarder les visages de nos enfants et de nos jeunes jusqu'à arriver à connaître leurs histoires de vie, souvent traversées par de véritables tragédies. Si cela se produit, c'est parce que nous aimons vraiment les jeunes et cela nous causera de la souffrance et de la douleur pour eux. Le Pape François, parlant de l'option Valdocco et du don de la jeunesse, nous dit quelque chose de précieux, qui ne m'a pas laissé indifférent : « L'Oratoire salésien et tout ce qui en a découlé, ainsi que le racontent les Mémoires de l'Oratoire, est né comme une réponse à la vie de jeunes avec un visage et une histoire, qui ont mis en mouvement ce jeune prêtre incapable de rester neutre ou inactif devant ce qui se produisait. Ce fut bien plus qu'un geste de bonne volonté ou de gentillesse (...). Je crois plutôt à un acte de conversion permanente et à une réponse au Seigneur qui, "fatigué de frapper" à nos portes, attend que nous allions le chercher et le rencontrer ... ou que nous le laissions sortir quand il frappe de l'intérieur. Une conversion qui a impliqué (et compliqué) toute la vie de Don Bosco et celle de son entourage. Don Bosco, non seulement ne choisit pas de se séparer du monde pour rechercher la sainteté, mais se laisse interpeller et choisit comment et dans quel monde vivre.»[26]
PROPOSITION
Au cours du sexennat, la Congrégation dans toutes ses Provinces fait l'option radicale, préférentielle, personnelle – c'est-à-dire de la part de chaque Salésien – et institutionnelle en faveur des jeunes les plus désavantagés, garçons et filles, pauvres et exclus, avec une attention particulière à la défense de ceux qui sont exploités et victimes de tout abus et de toute violence (« abus de pouvoir, abus économiques, abus de conscience, abus sexuels »[27]).
Pour cette raison :
- Dans chaque présence salésienne dans le monde et dans chaque Province, les décisions nécessaires doivent être prises pour que les enfants et les jeunes les plus pauvres, dans les lieux où nous sommes présents, ne soient jamais exclus d'une maison salésienne, quel que soit l'effort à fournir. Penser, décider, créer des moyens pour rendre ce choix possible (comme l'a toujours fait notre Père Don Bosco).
- Dans chaque Province et chaque maison salésienne, il y aura un code éthique pour le soin, la prévention et la défense des jeunes mineurs qui nous sont confiés, avec l'engagement de les protéger contre tout type d'abus, d'où qu'ils viennent. Pour nous, les jeunes garçons et filles sont sacrés au nom de Dieu.
- Au niveau mondial, au niveau provincial et au niveau local, nous nous engageons à promouvoir les différents réseaux, les actions et les bonnes pratiques qui concernent notre travail et notre présence parmi les garçons et les filles les plus pauvres, particulièrement aussi parmi les réfugiés et les immigrés. Les organisations salésiennes comme DBNetwork, DBGA et RASS doivent contribuer à assurer la protection des mineurs et à marcher en communion toujours plus grande avec le Dicastère (Secteur) de la Pastorale des Jeunes de la Congrégation.
- AVEC LES LAÏCS DANS LA MISSION ET DANS LA FORMATION
« Nous réalisons dans nos œuvres la communauté éducative et pastorale. Elle associe, dans un climat de famille, jeunes et adultes, parents et éducateurs, au point de devenir une expérience d’Église, révélatrice du dessein de Dieu.
Dans cette communauté, les laïcs, associés à notre travail, apportent la contribution originale de leur expérience et de leur style de vie.
Nous accueillons et suscitons leur collaboration et nous leur offrons la possibilité de connaître et d’approfondir l’esprit salésien et la pratique du Système Préventif. Nous favorisons la croissance spirituelle de chacun d’eux et proposons, à qui y serait appelé, de partager plus étroitement notre mission dans la Famille Salésienne. » (C 47)
Cet article de nos Constitutions contient les éléments les plus essentiels de notre mission partagée avec les laïcs. Avec cette vision, nous devons nous confronter et vérifier dans quelle mesure le cheminement de la Congrégation, de chaque Province et de chaque confrère va dans cette direction, qui exprime bien notre identité charismatique. Nous sommes engagés dans la formation des laïcs qui partagent la mission avec nous, en soutenant leur croissance personnelle, leur chemin de foi et leur identification vitale avec l'esprit salésien. En outre, nous devons leur offrir les moyens de mener à bien les tâches qui leur sont confiées. La (re)découverte de la vocation et de la mission des laïcs est l'une des grandes frontières du renouveau proposé par le Concile Vatican II et reflété dans le Magistère qui a suivi.[28] Notre CG24 a certainement été une réponse charismatique à l'ecclésiologie de communion de Vatican II. Nous savons très bien que Don Bosco, dès le début de sa mission au Valdocco, a impliqué de nombreux laïcs, amis et collaborateurs afin qu'ils puissent participer à sa mission parmi les jeunes. Dès le début, « il suscite le partage et la coresponsabilité chez des ecclésiastiques et des laïcs, hommes et femmes. »[29] Il s'agit donc, malgré nos résistances, d'un point de non-retour car, en plus de correspondre aux actions de Don Bosco, le modèle opérationnel de la mission partagée avec les laïcs proposé par le CG24 est en fait « le seul praticable dans les conditions actuelles ».[30]
Vingt-quatre ans après la célébration de ce Chapitre Général, nous devons reconnaître que la réception et la mise en œuvre de ce qui a été décidé ont été très différentes. Dans certaines Régions de la Congrégation, la présence des laïcs dans la mission salésienne est devenue plus évidente. Dans d'autres, le cheminement est beaucoup plus lent. Dans d'autres cas, l'expérience de communion en est encore à ses débuts – comme un chemin à peine entrepris – et parfois nous rencontrons aussi des phénomènes de véritable résistance.
Il est certain qu'au cours de ces années, même dans les réalités culturelles les plus diverses, des progrès ont été réalisés. Souvent, les relations entre Salésiens et laïcs sont caractérisées par la cordialité, l'appréciation mutuelle, le respect, la collaboration et, lorsqu'il y a une identité claire, la réalité des communautés éducatives et pastorales est très riche – même si la valeur de la vocation et de la mission des laïcs n'est pas toujours bien perçue. En fait, nous avons tendance à reconnaître plus facilement ce qu'ils font que leur identité de laïcs.
Il est vrai que parmi les laïcs des présences salésiennes dans les 134 pays où nous nous trouvons, il y a une grande variété : beaucoup travaillent avec un contrat et beaucoup d'autres, surtout les plus jeunes, travaillent comme volontaires. Il y a des laïcs qui ont une forte identité chrétienne et charismatique, et d'autres qui sont loin de cette réalité. Il y a des catholiques, il y a des chrétiens d'autres confessions ou des laïcs qui professent d'autres religions, et aussi des gens indifférents au fait religieux.
De même, les modalités de relation entre les communautés et les œuvres sont différentes selon la réalité existante, les contextes, etc. Dans la réflexion faite au Conseil Général, nous avons pris conscience de cette grande diversité, comme en témoigne notre contribution au noyau thématique 3 du Chapitre, qui n'a pas été développée en Assemblée capitulaire à cause du COVID-19.[31]
Comme je l'ai déjà dit, dès le début, notre Fondateur s'est soucié d'impliquer le plus grand nombre possible de collaborateurs dans son projet opérationnel : de Maman Marguerite aux employeurs, des bonnes gens du peuple aux théologiens, des nobles aux hommes politiques de l'époque. Nous sommes nés et avons grandi historiquement en communion avec les laïcs, et eux avec nous. Et même, il faut souligner l'importance que les jeunes ont eue dans le développement du charisme et de la mission salésienne : Don Bosco a trouvé chez les jeunes ses premiers collaborateurs, qui sont ainsi devenus co-fondateurs de la Congrégation.
Moi-même – comme sûrement d'autres Recteurs Majeurs – j'ai souvent exprimé avec une forte conviction que la participation des laïcs au charisme salésien et à la mission salésienne n'est pas une concession de notre part, une grâce que nous leur offrons, ni un moyen de survie – comme beaucoup de confrères l'ont souvent pensé. C'est un droit lié à leur vocation spécifique. Bien sûr, ici, la différence est évidente entre être de simples travailleurs dans une maison salésienne et faire partie, en même temps, d'un travail, d'une mission et d'une vocation. Il s'agit d'une relation radicalement différente. Cela exige de nous, dans de nombreux cas, un changement de perspective décisif. En tant que personnes consacrées, nous sommes une incarnation spécifique du charisme salésien, mais nous n'en sommes pas les seuls dépositaires.
D'où une priorité absolue : partager l'esprit salésien et croître en coresponsabilité, ce qui requiert le partage de certains parcours de formation et d'expériences orientées vers la mission, sans négliger évidemment des parcours de formation spécifiques aux Salésiens consacrés et aux laïcs. La formation conjointe dans la mission partagée est une priorité absolue et doit concerner surtout le noyau animateur.[32]
Les laïcs sont des compagnons de route, non des substituts ou des remplaçants des religieux : eux et nous avons des identités et des tâches spécifiques pour la mission. Nos collaborateurs laïcs ont donc besoin de connaître et d'expérimenter de très près Don Bosco et ce qui se vit dans les maisons salésiennes où ils se trouvent. Cette connaissance et cette formation ne sont pas seulement reçues par le biais de cours académiques mais, d'une manière très particulière, en réfléchissant, en vérifiant et en programmant ce qui est vécu ensemble dans une présence. Il est essentiel de franchir de nouvelles étapes dans la formation commune et conjointe, spécialement en ce qui concerne les aspects liés à la connaissance et au vécu de notre charisme partagé. Nous savons, en effet, que « le premier et le meilleur moyen de se former et de former au partage et à la coresponsabilité est le fonctionnement correct de la communauté éducative et pastorale (CEP). »[33]
Il me reste à souligner de manière très spéciale et ferme que la mission partagée avec les laïcs a son développement le plus complet et le plus authentique lorsqu'ils sont membres de l'un des 32 Groupes de la Famille Salésienne dont, comme on le sait, douze sont des groupes laïcs. Dans le cas des membres de la Famille Salésienne, le degré d'identité charismatique est souvent très élevé et, ensemble, nous vivons une véritable vocation dans le charisme. C'est une raison de plus pour donner la priorité aux membres de la Famille Salésienne dans nos présences, même en tant que travailleurs salariés, lorsque leur professionnalisme satisfait aux mêmes conditions que les autres.
Enfin, nous ne devons pas oublier que l'avenir de cet élément charismatique – la mission et la formation partagées avec les laïcs – passe par la formation des futurs Salésiens. Je ne vous cache pas, chers Confrères, que je suis préoccupé par la tendance de certains de nos jeunes confrères qui aspirent – et même avec véhémence, oserais-je dire – à terminer les étapes de leur formation pour se voir investis d'autorité, occupant des positions et des responsabilités avant les laïcs. C'est une tendance totalement contraire à la voie que nous voulons entreprendre en tant que Congrégation. Pour cette raison, « la formation dans et pour la mission partagée doit également toucher à la formation initiale des Salésiens, non seulement comme thème d'étude mais aussi à travers les expériences pastorales hebdomadaires et estivales. L'expérience de travail avec et sous la direction de laïcs pendant le stage (« tirocinio »), ainsi que la participation au Conseil de la communauté éducative et pastorale, sont des moments précieux de formation, surtout si elles sont bien accompagnées par les membres du noyau animateur, tant laïcs que Salésiens. »[34]
PROPOSITION
- Que toute la Congrégation et toutes les Provinces du monde fassent des « pas en avant » en témoignant de la mission partagée et de la formation commune, en améliorant la réalité et le fonctionnement des CEP dans toutes les présences de la Congrégation. On peut être plus avancé ou plus en retard dans la formation de la CEP ou en vivant la mission et la formation en son sein, mais on ne peut pas ne pas marcher dans cette direction. Ce que j'ai demandé lors du CG27 reste une priorité et une urgence : « La mission partagée entre SDB et laïcs n'est plus optionnelle – si par hasard certains le pensaient encore ».[35]
- On envisagera d’intégrer des laïcs dans les équipes de formation des communautés de formation initiale.
- Pour les six prochaines années, dans chaque Province et présence salésienne, un processus de discernement sera mené conjointement entre Salésiens et ceux qui partagent la mission et font partie du noyau animateur pour :
- Détecter de manière réaliste la situation de mission et de formation partagées (reconnaître).
- Pour être en phase avec le cheminement de l'Église et de la Congrégation (interpréter).
- Pour tracer et activer des processus de croissance et de transformation, en synergie avec les autres réalités provinciales, régionales et congrégationnelles (choisir).
Pour cette raison :
- Les laïcs ayant une forte identité charismatique seront progressivement inclus dans les équipes provinciales, en assumant même des tâches de responsabilité, de coordination et de direction.
- Dans les Provinces, sera mise en place une formation selon le modèle opérationnel d'animation et de gouvernance des maisons déjà décidé au CG24.
- Dans les Provinces et dans les présences salésiennes, nous rendrons significatif le témoignage évident et fort de la Famille Salésienne au sein de la CEP.
- Les Centres régionaux de formation permanente, avec le soutien des Dicastères de la Pastorale des Jeunes et de la Formation, prépareront des documents adaptés aux différents contextes régionaux et promouvront ce processus aux niveaux provincial et local. Ils deviendront ainsi des récepteurs et des diffuseurs de bonnes pratiques et de matériel qui serviront de modèle et de stimulant pour d'autres réalités salésiennes.
- Au niveau des CEP locales, on valorisera comme parcours de formation continue le troisième volet de « Animation et gouvernance de la communauté - Le service du Directeur Salésien », consacré à « La communauté éducative et pastorale ».
- Ce processus sera l'un des domaines auxquels une attention prioritaire sera accordée dans les Visites Provinciales, dans les Chapitres Provinciaux de mi-sexennat, dans les Visites Extraordinaires et dans les Visites d'Ensemble.
- C’EST L’HEURE D’UNE PLUS GRANDE GÉNÉROSITÉ DANS LA CONGRÉGATION. Une Congrégation toujours missionnaire.
« Chacun de nous est appelé par Dieu à faire partie de la Société salésienne. Pour cela, il reçoit de Lui des dons personnels et, s’il répond fidèlement à cet appel, il trouve le chemin de sa pleine réalisation dans le Christ.
La Société le reconnaît dans sa vocation propre et l’aide à la développer. Lui, de son côté, en membre responsable, se met lui-même avec ses dons au service de la vie et de l’action communes.
Chaque appel manifeste que le Seigneur aime la Congrégation, qu’il la veut vivante pour le bien de son Église et qu’il ne cesse de l’enrichir de nouvelles énergies apostoliques. » (C 22)
Lors de la séance de clôture du CG28, j'ai dit que, selon moi, aujourd’hui, « c'est le temps de la générosité dans la Congrégation ». Je ne doute pas que nous ayons une histoire de 162 ans caractérisée par une grande générosité, déjà commencée avec Don Bosco. Cependant, il me semble qu'aujourd'hui cette générosité est plus nécessaire que jamais. Je vais essayer de m'expliquer clairement.
Aujourd'hui, pas moins que par le passé, la réalité nous parle de la nécessité de l'évangélisation, des besoins pastoraux et de la promotion humaine que nous sommes amenés à connaître dans différents contextes. De fréquents appels et demandes nous sont adressés pour que nous assumions tel ou tel service dans de nombreuses régions du monde. Nous voyons des jeunes, garçons et filles, et leurs familles en difficulté sur tous les continents.
- Dieu continue à nous appeler partout dans le monde à être des « témoins-signes » de son Amour sauveur pour les jeunes les plus pauvres.
- Notre aide est nécessaire en tant qu'évangélisateurs et éducateurs pour les jeunes et les adultes des classes populaires dans les contextes culturels et religieux les plus divers.
- Il est également urgent pour nous d'éduquer et d'agir pour témoigner et promouvoir la justice dans le monde.
- La pauvreté et la misère continuent d'être pour nous un cri, la plupart du temps silencieux, sans voix : des jeunes avec leurs pauvretés matérielles et affectives – de vrais orphelins même s'ils ont des parents ou des familles – leurs pauvretés culturelles (sans accès à l'école, à l'instruction), leurs pauvretés spirituelles (sans aucune connaissance des valeurs transcendantes, ni de Dieu).
- L'espérance de trouver du travail (et parfois même de pouvoir étudier) plus facilement continue de provoquer des migrations massives vers les grandes villes (et aussi vers d'autres pays) avec les conséquences naturelles de l'inadaptation et de la marginalisation sociale. Ajoutez à cela la réalité effrayante des réfugiés et des camps où ils vivent ; dans beaucoup de ceux-ci, nos confrères partagent la vie des réfugiés eux-mêmes (Kakuma-Kenya, Juba-Soudan du Sud, Palabek-Ouganda).
Je pourrais allonger la liste de cet ensemble de situations.
Chers Confrères, nous appartenons tous à Dieu et à notre unique Congrégation dont nous sommes membres avec joie. Nous sommes tous Salésiens de Don Bosco dans le monde. Les confrères de notre Province d'origine, où nous sommes « nés vocationnellement », auront toujours droit à notre affection ; mais notre appartenance la plus vraie et la plus profonde est à la Congrégation, et elle commence par notre profession religieuse même.
Pour cette raison, dans les six prochaines années, l'ouverture d'horizons doit devenir encore plus effective et réelle grâce à la disponibilité des confrères et à la réponse généreuse des Provinces qui ont de plus grandes possibilités d'offrir de l'aide aux autres confrères : parfois avec des accords entre Provinciaux eux-mêmes, d'autres fois avec la médiation du Recteur Majeur et de son Conseil lorsqu'il s'agit de nouvelles fondations, de nouveaux défis missionnaires, de nouvelles présences dans d'autres pays ou dans de nouvelles frontières missionnaires.
Par bonheur, les Provinces économiquement les plus pauvres sont les plus riches en vocations, et la formation de tous ces confrères est rendue possible grâce à la générosité de toute la Congrégation. Une fois de plus, il est démontré que la générosité rend possibles tous les rêves.
Nous vivons à une époque où nous devons faire face à la réalité avec une mentalité renouvelée qui nous permet de « dépasser les frontières ». Dans un monde où les frontières sont de plus en plus « une défense contre les autres », la prophétie de notre vie de Salésiens de Don Bosco consiste également en ceci : montrer que pour nous il n'y a pas de frontières. La seule réalité à laquelle nous répondons est celle-ci : Dieu, l’Évangile et la mission qui nous a été confiée. C'est précisément pour cette raison que nos communautés internationales et interculturelles ont aujourd'hui une grande valeur prophétique, sans cacher le fait que construire la fraternité dans la diversité exige une vision de foi et un engagement personnel.
La réalité missionnaire de notre Congrégation continue à nous interpeller et à nous présenter de beaux défis ; les missions nous poussent en avant et nous font faire de beaux rêves qui deviennent réalité.
Lorsque dans les années 80 du siècle dernier, nous continuions, année après année, à perdre des confrères de manière significative, le Recteur Majeur Egidio Viganò lançait prophétiquement le « Projet Afrique » qui est aujourd'hui une fort belle réalité. Lorsqu'en 2000, aux portes du nouveau millénaire, l'on constatait la dure réalité pastorale et la nécessité d'une nouvelle évangélisation pour l'Europe, le Père Pascual Chávez lançait avec conviction le « Projet Europe ». Ces temps que nous vivons ne sont pas des moments où il faut se préoccuper de survivre, mais des occasions pour se montrer plus significatifs.
Dans son message au CG28, le Pape François nous a également invités à nous méfier des peurs « qui finissent par nous fixer dans une inertie paralysante qui prive votre mission de la parrhésie propre aux disciples du Seigneur. Cette inertie peut aussi se manifester dans un regard et une attitude pessimistes face à tout ce qui nous entoure et non seulement par rapport aux transformations qui s'opèrent dans la société mais aussi par rapport à sa propre Congrégation, aux frères et à la vie de l'Église. Cette attitude finit par "boycotter" et empêcher toute réponse ou tout processus alternatif ».[36]
PROPOSITION
Je propose à toute la Congrégation de concrétiser cette heure de générosité en assumant tout naturellement la disponibilité de confrères de toutes les Provinces (transferts, échanges, aide temporaire) pour des services internationaux, de nouvelles fondations, de nouvelles frontières que nous voulons atteindre.
Pour cette raison :
- Les Provinces seront attentives et disponibles aux appels du Recteur Majeur pour les besoins et les défis que nous allons relever.
- Le 150ème anniversaire de la première Expédition Missionnaire de Don Bosco en Argentine (qui adviendra en 2025) et le premier Centenaire de la présence missionnaire dans le Nord-Est de l'Inde (en 2022), seront l'occasion de poursuivre le projet missionnaire de notre Congrégation.
- Nous avons concrétisé l'appel missionnaire en invitant chaque Province à lancer un projet missionnaire en son sein (réfugiés, immigrés, passages de frontières, enfants exploités...) au cours du sexennat précédent, en donnant la priorité à la « significativité » et aux demandes réelles d'aide des jeunes d'aujourd'hui.
- Le Recteur Majeur et son Conseil indiqueront les mesures appropriées pour consolider dans le Dicastère (Secteur) de la Pastorale des Jeunes de la Congrégation la section qui s'occupe prioritairement de la réalité des réfugiés et des migrants (en particulier les mineurs non accompagnés et les jeunes).
- EN ACCOMPAGNANT LES JEUNES VERS UN FUTUR DURABLE
Nous reconnaissons que l'attention portée à un avenir durable est une conversion culturelle, et non une mode, et comme toute conversion, elle doit être appelée par son nouveau nom avec insistance.
L'Assemblée Capitulaire a été unanime lorsqu'il a été proposé qu'une petite Commission prenne en charge la sensibilité qui est en nous face à cette urgence. Le souci de la Création n'est pas une mode. C'est la vie de l'humanité qui est en jeu, même si de nombreux fonctionnaires publics, prisonniers d'intérêts économiques, détournent le regard ou nient ce qui est indéniable. Cette sensibilité s'est concrétisée dans une résolution du Chapitre approuvée par l'Assemblée. Le Pape François a réaffirmé que nous devons éviter une « urgence climatique » qui risque de « commettre une grave injustice à l’égard des pauvres et des générations futures.»[37]
Notre engagement en faveur d'une écologie humaine intégrale découle de la conviction de foi que tout est lié, et que le soin authentique de notre vie et de notre relation avec la nature est inséparable de la fraternité, de la justice et de la fidélité aux autres.[38] Dans la vie sociale des êtres humains, nous ne pouvons pas exclure la protection de l'environnement. L'écologie doit donc être intégrale, humaine. Et, par conséquent, nous sommes invités à une conversion écologique qui concerne non seulement l'économie et la politique, mais aussi la vie sociale, les relations, l'affectivité et la spiritualité.
Ces dernières années, nous avons été témoins des désaccords des hommes politiques de différents pays face à cette urgence. La dernière réunion des dirigeants des Pays à Santiago du Chili (mais qui s'est tenue à Madrid, en Espagne) a eu pour seul résultat l'accord de se réunir à nouveau dans un an. Aucun accord opérationnel significatif.
Dans le même temps, des millions et des millions de personnes, principalement des jeunes, ont lancé un cri mondial. Le Pape François, sensible à cette réalité, comme il l'a bien démontré, rappelle que les jeunes eux-mêmes appellent à un changement radical et qu’« ils se demandent comment il est possible de prétendre construire un avenir meilleur sans penser à la crise de l’environnement et aux souffrances des exclus.»[39]
La proposition de délibération capitulaire s'exprime comme suit : « Avec le Pape François, nous reconnaissons les preuves données par la science que l'accélération du changement climatique résultant de l'activité humaine est réelle. La pollution de l'air et de l'eau, l'élimination inadéquate des déchets, la perte de biodiversité et d'autres problèmes environnementaux qui ont un impact négatif sur la vie humaine sont en augmentation. Les modes de production et de consommation non durables poussent notre monde et ses écosystèmes au-delà de leurs limites, sapant leur capacité à fournir des ressources et des actions vitales pour la vie, le développement et leur régénération. »[40]
Au moment où j'écris ces lignes, la planète Terre et tous les pays du monde ont été touchés, dans une plus ou moins large mesure, par le virus COVID-19 qui, à ce jour, a causé la mort de 624 000 personnes et en a infecté 15 300 000 autres. Nous savons bien que la vie d'une seule personne est sacrée, et que l’on éprouve une immense douleur à cause de tant de morts. Mais il n'en est pas moins vrai que la planète Terre saigne depuis des décennies et que la pollution provoque chaque année beaucoup plus de victimes humaines que ne l'a fait le COVID-19. Ce fait n'est malheureusement pas pris très au sérieux.
Il n'en est pas moins vrai que les plus pauvres – toujours les plus pauvres ! – subissent les effets désastreux de la déforestation et des changements climatiques, de la ruine de leurs très mauvaises récoltes, leur seule ressource pour vivre. Même cela n'est pas dénoncé.
Je pourrais continuer la liste de ces situations. Ce n'est pas nécessaire. Il suffit de souligner qu'en tant qu'éducateurs et pasteurs, nous ne pouvons pas rester indifférents à cette réalité. Nous devons faire quelque chose.
PROPOSITION
En écoutant le cri de tant de jeunes d'aujourd'hui au niveau mondial, NOUS, SALÉSIENS, NOUS NOUS ENGAGEONS À ÊTRE DES TÉMOINS CRÉDIBLES – personnellement et communautairement – de la CONVERSION au soin de la Création et à une Spiritualité Écologique.[41]
Pour cette raison :
- Chaque Province du monde répondra, par l'intermédiaire du Délégué Provincial pour la Pastorale des Jeunes, à la demande de faire de nos écoles, de nos centres éducatifs, de nos campus universitaires, de nos oratoires-patronages, de nos paroisses, des modèles éducatifs pour le soin de l'environnement et de la nature. Dans l'éducation, nous devons inclure comme option salésienne l'action en faveur de la Création : le soin de la nature, du climat et du développement durable.
- Nous élargirons, dans la mesure du possible, le réseau des institutions salésiennes qui seront incluses dans la « Don Bosco Green Alliance » (Alliance Verte Don Bosco), en promouvant la participation des jeunes aux campagnes mondiales en faveur de la durabilité des causes environnementales et écologiques pour le soin de la Création et de la vie humaine.
- Nous accepterons la demande faite au CG28 par la Conférence salésienne sur les énergies renouvelables de novembre 2019, que la Congrégation prenne en charge 100% des énergies renouvelables pour toutes les Provinces du monde avant 2032. Bien que la réalité de la Congrégation soit très inégale selon les différents pays, nous acceptons ce défi en collaboration avec les PDO (sigle anglais pour : Bureaux de Planification et de Développement) des Provinces, les ONG salésiennes et DBN (DB Network).
CONCLUSION
Mes chers Confrères, je conclus ces lignes de programmation en vous invitant à les accueillir non pas comme une simple lettre, mais comme un message et un programme qui se veut l'expression du battement de cœur de toute la Congrégation aujourd'hui dans le monde entier.
Et je propose deux éléments importants comme attitude à adopter pour faire face à la belle opportunité des six prochaines années :
- La première concerne une vertu : l'espérance. Ce n'est qu'avec l'espérance que nous pouvons faire face à l'avenir, dans la confiance que le Seigneur achèvera, avec notre humble contribution, ce que nous proposons ici.
- La seconde concerne notre attitude devant Dieu lui-même. Je voudrais demander à notre Congrégation qu'en ce sexennat, nous nous laissions guider beaucoup plus par l'Esprit Saint ; que ce soit Lui à toucher vraiment nos cœurs et à réveiller nos capacités humaines pour animer et gouverner la Congrégation, les Provinces et les communautés, afin que chacun de nous en vienne à faire de toutes les maisons salésiennes du monde d'autres Valdocco, qui apportent une réponse aux enfants et aux jeunes d'aujourd'hui, comme l'a fait Don Bosco en son temps.
Au sujet de l'espérance, je voudrais souligner que c’est, comme nous le savons, une vertu qui a beaucoup à voir avec notre foi chrétienne ; c'est une façon différente de voir l'avenir. L'espérance chrétienne est une façon de vivre, une façon d’avancer, une façon de regarder.
L'espérance est le fruit de la rencontre avec le Seigneur Jésus et le fruit de l'accueil de son Esprit en nous. L'espérance n'est pas le résultat de calculs et de prévisions. « Ni pessimiste ni optimiste, le Salésien du XXIème siècle est un homme plein d'espérance car il sait que le centre [de sa vie] se trouve dans le Seigneur capable de faire toutes choses nouvelles (cf. Ap 21,5). Cela seul nous sauvera de vivre dans une attitude de résignation et de survie défensive. Cela seul rendra notre vie fructueuse ».[42]
Sur la nécessité de se laisser guider beaucoup plus par l'Esprit Saint de Dieu, Lui qui est le vrai Maître intérieur, je fais miennes les paroles du Patriarche de Constantinople, Athénagoras Ier, qui a rencontré le Pape Paul VI (aujourd'hui saint) à Jérusalem, en janvier 1964. Le fruit de cette rencontre dans l'Esprit de Dieu a été l'abrogation des excommunications mutuelles qui existaient jusqu'alors et qui avaient profondément blessé le cœur du Christ dans son Église.
En voici la substance :
« Sans l’Esprit Saint,
Dieu est loin,
le Christ reste dans le passé,
l’Évangile est une lettre morte,
l’Église une simple organisation,
l’autorité une domination,
la mission une propagande,
le culte une évocation,
et l’agir chrétien une morale d’esclave.
Mais en l’Esprit Saint,
le cosmos est soulevé pour l’enfantement du Royaume,
le Christ ressuscité est présent,
l’Évangile devient puissance de vie,
l’Église réalise la communion trinitaire,
l’autorité se transforme en service,
la liturgie est mémorial et anticipation,
l’agir humain est déifié.»[43]
Accueillons ce message dans notre prière.
Mes chers Confrères Salésiens, voilà ce que j'ai senti devoir vous communiquer et vous demander à tous. Je vous invite à accueillir ces défis, cette feuille de route pour le cheminement du sexennat de tout votre cœur et avec un désir profond de la concrétiser dans vos communautés et vos Provinces. Ce seront certainement, avec la grâce de Dieu et la présence maternelle de l'Auxiliatrice, notre Mère, des années de fidélité de la part de la Congrégation et une réponse courageuse – et même prophétique – aux signes des temps actuels. Que Notre Dame Auxiliatrice continue à prendre soin de notre Congrégation et à « tout faire », comme pour Don Bosco.
Que Sa médiation et celle de toute la Sainteté salésienne de notre Famille soient pour nous une bénédiction dans la seule chose importante de la mission que Dieu nous confie : « Être dans l’Église signes et porteurs de l’amour de Dieu pour les jeunes, spécialement les plus pauvres. » (C 2)
Mon souvenir et ma prière vous accompagnent tous et chacun.
Ángel Fernández Artime, sdb - Recteur Majeur -Rome, 16 août 2020
205ème Anniversaire de la naissance de Don Bosco
MESSAGE DE SA SAINTETÉ LE PAPE FRANÇOIS AUX MEMBRES DU CG28
Chers frères,
Je vous salue avec affection et remercie Dieu de pouvoir, bien qu’à distance, partager avec vous un moment du chemin que vous êtes en train de parcourir.
Il est significatif qu'après plusieurs décennies, la Providence vous ait amenés à célébrer le Chapitre Général au Valdocco – le lieu de la mémoire – où le rêve fondateur s'est concrétisé et a fait les premiers pas. Je suis sûr que le bruit et le vacarme des oratoires seront la meilleure musique, la plus efficace pour que l'Esprit ravive le don charismatique de votre Fondateur. Ne fermez pas les fenêtres à ce bruit de fond ... Qu’il vous accompagne et vous garde soucieux et audacieux dans le discernement ! Et permettez à ces voix et à ces chants d'évoquer, à leur tour, en vous, le visage de nombreux autres jeunes qui, pour diverses raisons, se trouvent comme des brebis sans berger (cf. Mc 6, 34). Le son de ces voix et cette inquiétude qui est la vôtre vous garderont attentifs et éveillés face à tout type d'anesthésie auto-imposée et vous aideront à rester dans une fidélité créative à votre identité salésienne.
Ravivez le don que vous avez reçu
Penser à la figure du Salésien pour les jeunes d'aujourd'hui implique d'accepter que nous soyons plongés dans un temps de changements, avec toute l'incertitude qui en découle. Personne ne peut dire avec certitude et précision (si tant est que cela ait été jamais possible) ce qui se passera dans un avenir proche sur le plan social, économique, éducatif et culturel. L'inconsistance et la « fluidité » des événements, mais surtout la rapidité avec laquelle les choses se suivent et se communiquent, font de chaque type de prévision une lecture condamnée à être reformulée au plus vite.[44] Cette perspective est encore plus accentuée par le fait que vos œuvres sont orientées d'une manière particulière vers le monde de la jeunesse qui est en soi un monde en mouvement et en transformation continue. Cela requiert une double docilité : docilité aux jeunes et à leurs besoins, et docilité à l'Esprit et à tout ce qu'Il veut transformer.
Assumer de manière responsable cette situation – à la fois au niveau personnel et au niveau communautaire – implique de sortir d'une rhétorique qui nous fait dire sans cesse que « tout change » et qui, à force de le dire et de le répéter, finit par nous fixer dans une inertie paralysante qui prive votre mission de la parrhésie propre aux disciples du Seigneur. Cette inertie peut aussi se manifester dans un regard et une attitude pessimistes face à tout ce qui nous entoure et non seulement par rapport aux transformations qui s'opèrent dans la société mais aussi par rapport à sa propre Congrégation, à ses frères et à la vie de l'Église. Cette attitude finit par « boycotter » et empêcher toute réponse ou tout processus alternatif, ou par faire ressortir la position opposée : un optimisme aveugle, capable de dissoudre la force et la nouveauté de l'Évangile, en nous empêchant d'accepter concrètement la complexité que les situations exigent et la prophétie que le Seigneur nous invite à poursuivre. Ni le pessimisme ni l'optimisme ne sont des dons de l'Esprit, car tous deux proviennent d'une vision autoréférentielle capable seulement de se mesurer avec ses propres forces, capacités ou aptitudes, nous empêchant de regarder ce que le Seigneur met en œuvre et veut accomplir parmi nous.[45] Ni s'adapter à la culture à la mode, ni se réfugier dans un passé héroïque mais déjà désincarné [ne sont des dons de l’Esprit]. En période de changements, il est bon de s'en tenir aux paroles de saint Paul à Timothée : « Voilà pourquoi, je te le rappelle, ravive le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains. Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération. » (2Tm 1,6-7)
Ces paroles nous invitent à cultiver une attitude contemplative, capable d'identifier et de discerner les points névralgiques. Cela aidera à s'engager sur le chemin avec l'esprit et la contribution propres aux fils de Don Bosco et, comme lui, à développer « une révolution culturelle courageuse ».[46] Cette attitude contemplative vous permettra de dépasser et d’aller au-delà de vos propres attentes et programmes. Nous sommes des hommes et des femmes de foi, ce qui suppose être passionnés par Jésus-Christ ; et nous savons que notre présent et notre avenir sont imprégnés de cette force apostolique et charismatique appelée à continuer à imprégner la vie de nombreux jeunes abandonnés et en danger, pauvres et désavantagés, exclus et rejetés, privés de droits, de logement ... Ces jeunes attendent un regard d'espérance capable de contredire toute forme de fatalisme ou de déterminisme. Ils attendent de croiser le regard de Jésus qui leur dit « qu’il y a une issue à toutes les situations difficiles ou douloureuses ».[47] C'est là qu'habite notre joie.
Ni pessimiste ni optimiste, le Salésien du XXIème siècle est un homme plein d'espérance car il sait que le centre [de sa vie] se trouve dans le Seigneur capable de faire toutes choses nouvelles (cf. Ap 21,5). Cela seul nous sauvera de vivre dans une attitude de résignation et de survie défensive. Cela seul rendra notre vie fructueuse,[48] permettant au don reçu de continuer à être vécu et exprimé comme une bonne nouvelle pour et avec les jeunes d'aujourd'hui. Cette attitude d'espérance est capable d'établir et d'inaugurer des processus éducatifs alternatifs à la culture dominante qui, dans de nombreuses situations – à la fois en raison de l'extrême pauvreté ou de l'abondance aussi extrême dans certains cas – finissent par asphyxier et tuer les rêves de nos jeunes en les condamnant à un conformisme assourdissant, insidieux et souvent anesthésié. Ni triomphalistes ni alarmistes, hommes et femmes joyeux et pleins d'espérance, non des automates mais des artisans actifs, [ils seront] capables d’« afficher d’autres rêves que ce monde n’offre pas, témoigner de la beauté de la générosité, du service, de la pureté, du courage, du pardon, de la fidélité à sa vocation, de la prière, de la lutte pour la justice et le bien commun, de l’amour des pauvres, de l’amitié sociale.»[49]
L’« option Valdocco » pour votre CG28 est une bonne occasion pour vous confronter avec vos sources et demander au Seigneur : « Da mihi animas, cœtera tolle ».[50] « Tolle » surtout ce qui a été peu à peu incorporé et perpétué en cours de route, qui aurait pu être une réponse adéquate en d’autres temps mais qui vous empêche aujourd'hui de configurer et de façonner la présence salésienne de manière évangéliquement significative dans les différentes situations de la mission. Cela nécessite, de notre part, de surmonter les peurs et les appréhensions qui peuvent découler du fait d'avoir cru que le charisme se réduisait ou s'identifiait avec certaines œuvres ou structures bien déterminées. Vivre fidèlement le charisme est quelque chose de plus riche et de plus stimulant que le simple abandon, repli ou réajustement des maisons ou des activités ; cela implique un changement de mentalité face à la mission à accomplir.[51]
L’« option Valdocco » et le don des jeunes
L'Oratoire salésien et tout ce qui en a découlé, ainsi que le racontent les Mémoires de l'Oratoire, est né comme une réponse à la vie de jeunes ayant un visage et une histoire, qui ont fait agir ce jeune prêtre incapable de rester neutre ou inactif devant ce qui se produisait. Ce fut bien plus qu'un geste de bonne volonté ou de bonté, et même beaucoup plus que le résultat d'un projet d'étude sur la « faisabilité numérico-charismatique ». Je crois plutôt à un acte de conversion permanente et à une réponse au Seigneur qui, « fatigué de frapper » à nos portes, attend que nous allions le chercher et le rencontrer ... ou que nous le laissions sortir quand il frappe de l'intérieur. Une conversion qui a impliqué (et compliqué) toute la vie de Don Bosco et celle de son entourage. Don Bosco, non seulement ne choisit pas de se séparer du monde pour rechercher la sainteté, mais se laisse interpeller et choisit comment et dans quel monde vivre.
En choisissant et en accueillant le monde des enfants et des jeunes abandonnés, sans travail ni formation, il leur a permis d'expérimenter de manière tangible la paternité de Dieu et leur a fourni des outils pour raconter leur vie et leur histoire à la lumière d'un amour inconditionné. Et eux, à leur tour, ont aidé l'Église à renouer avec sa mission : « La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle » (Ps 117/118,22). Loin d'être des agents passifs ou des spectateurs de l'œuvre missionnaire, ils sont devenus, à partir de leur condition même – dans bien des cas « illettrés religieux » et «analphabètes sociaux » – les principaux protagonistes de tout le processus de fondation.[52] La salésianité naît précisément de cette rencontre capable de susciter des prophéties et des visions : accueillir, intégrer et faire grandir les meilleures qualités comme don pour les autres, surtout pour les marginalisés et les abandonnés de qui on n’attend rien. C’est Paul VI qui l'a dit : « Évangélisatrice, l’Église commence par s’évangéliser elle-même.… Cela veut dire, en un mot, qu’elle a toujours besoin d’être évangélisée, si elle veut garder fraîcheur, élan et force pour annoncer l’Évangile. »[53] Tout charisme doit être renouvelé et évangélisé, et, dans votre cas, surtout par les jeunes les plus pauvres.
Les interlocuteurs de Don Bosco hier et du Salésien aujourd'hui ne sont pas de simples destinataires d'une stratégie planifiée à l'avance, mais des protagonistes vivants de l'Oratoire à réaliser.[54] Par eux et avec eux, le Seigneur nous montre sa volonté et ses rêves.[55] Nous pourrions les appeler co-fondateurs de vos maisons, où le Salésien sera un expert pour convoquer et engendrer ce type de dynamiques sans s'en croire le maître. Cette union nous rappelle que nous sommes « Église en sortie » et nous mobilise pour cela : une Église capable d'abandonner des positions confortables, sûres et parfois privilégiées, afin de trouver chez les derniers la fécondité typique du Royaume de Dieu. Il ne s'agit pas d'un choix stratégique mais charismatique, d’une fécondité durable basée sur la croix du Christ, qui est toujours une scandaleuse injustice pour ceux qui ont bloqué leur sensibilité devant la souffrance ou qui ont accepté des compromis avec l'injustice envers l'innocent. « Ne soyons pas une Église insensible à ces drames de ses enfants jeunes. Ne nous y habituons jamais, car qui ne sait pas pleurer n’est pas mère. Nous voulons pleurer pour que la société aussi soit davantage mère ».[56]
L’« option Valdocco » et le charisme de la présence
Il est important de faire valoir que nous ne sommes pas formés pour la mission, mais que nous sommes formés dans la mission, autour de laquelle tourne toute notre vie, avec ses choix et ses priorités. La formation initiale et la formation permanente ne peuvent pas être une instance préalable, parallèle ou séparée de l'identité et de la sensibilité du disciple. La mission inter gentes est notre meilleure école : à partir d'elle, nous prions, nous réfléchissons, nous étudions, nous nous reposons. Lorsque nous nous isolons ou nous nous éloignons des gens que nous sommes appelés à servir, notre identité de personnes consacrées commence à se défigurer et à devenir une caricature.
En ce sens, l'un des obstacles que nous pouvons identifier n'a pas grand-chose à voir avec une situation extérieure à nos communautés, mais c'est plutôt celui qui nous affecte directement à travers une expérience déformée du ministère ..., et qui nous fait tant de mal : le cléricalisme. C'est la recherche personnelle de vouloir occuper, concentrer et déterminer les espaces en minimisant et en annulant l'onction du Peuple de Dieu. Le cléricalisme, en vivant l'appel de manière élitiste, confond élection et privilège, service et servilité, unité et uniformité, divergence et opposition, formation et endoctrinement. Le cléricalisme est une perversion qui favorise les liens fonctionnels, paternalistes, possessifs et même manipulateurs avec le reste des vocations dans l'Église.
Un autre obstacle que nous rencontrons – répandu, et même justifié, surtout en cette période de précarité et de fragilité – est la tendance au rigorisme. En confondant l'autorité avec l'autoritarisme, celui-ci prétend gouverner et contrôler les processus humains avec une attitude scrupuleuse, sévère et même mesquine, face à ses propres limites et ses propres faiblesses ou celles des autres (surtout celles des autres). Le rigoriste oublie que le grain et l'ivraie poussent ensemble (cf. Mt 13,24-30) et « que tous ne peuvent pas tout, et qu’en cette vie les fragilités humaines ne sont pas complètement et définitivement guéries par la grâce. De toute manière, comme l’enseignait saint Augustin, Dieu t’invite à faire ce que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas. »[57] Saint Thomas d'Aquin, avec une grande finesse et une grande subtilité spirituelle, nous rappelle que « le diable en trompe beaucoup. Certains, en les poussant à commettre des péchés ; d'autres, en revanche, vers une rigidité excessive envers celui qui pèche, de sorte que s'il ne peut pas les avoir avec un comportement vicieux, il conduit à la perdition ceux qu'il possède déjà, en utilisant la rigueur des prélats, qui, en ne les corrigeant pas avec miséricorde, les poussent au désespoir, et c'est ainsi qu'ils se perdent et tombent dans les filets du diable. Et c'est ce qui nous arrive si nous ne pardonnons pas aux pécheurs. »[58]
Ceux qui accompagnent les autres dans leur croissance doivent être des gens à larges vues, capables de réunir limites et espérance, en aidant ainsi à toujours regarder en perspective, dans une perspective salvifique. Un éducateur « qui n'a pas peur de fixer des limites et, en même temps, s'abandonne à la dynamique de l'espérance exprimée dans sa confiance en l'action du Seigneur, est l'image d'un homme fort, qui guide ce qui ne lui appartient pas, mais qui appartient à son Seigneur. »[59] Nous n'avons pas le droit d'étouffer et d'empêcher la force et la grâce du possible, dont la réalisation cache toujours une graine de Vie nouvelle et bonne. Apprenons à travailler et à faire confiance aux temps de Dieu, qui sont toujours plus grands et plus sages que nos mesures à courte vue. Il ne veut détruire personne, mais sauver tout le monde.
Il est donc urgent de trouver un style de formation capable d'assumer de manière structurelle le fait que l'évangélisation implique la pleine participation, et avec une pleine citoyenneté, de chaque baptisé – avec toutes ses potentialités et ses limites – et pas seulement des soi-disant « acteurs qualifiés » ;[60] une participation où le service, et le service des plus pauvres, est la pierre angulaire qui aide à manifester et à mieux témoigner de notre Seigneur qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude» (Mt 20,28). Je vous encourage à poursuivre vos efforts pour faire de vos maisons un « laboratoire d'Église » capable de reconnaître, d'apprécier, de stimuler et d'encourager les différents appels et missions dans l'Église.[61]
En ce sens, je pense concrètement à deux présences de votre communauté salésienne, qui peuvent aider, comme éléments de comparaison, à comprendre la place occupée par les différentes vocations chez vous ; deux présences qui constituent un « antidote » contre toute tendance cléricaliste et rigoriste : le Frère Coadjuteur et les femmes.
Les Frères Coadjuteurs sont une expression vivante de la gratuité que le charisme nous invite à sauvegarder. Votre consécration est, avant tout, le signe d'un amour gratuit du Seigneur et pour le Seigneur parmi ses jeunes, qui ne se définit pas principalement comme un ministère, une fonction ou un service particulier, mais à travers une présence. Avant même des choses à faire, le Salésien est le rappel vivant d'une présence où disponibilité, écoute, joie et dévouement sont les éléments essentiels pour susciter des processus. La gratuité de la présence sauve la Congrégation de toute obsession activiste et de tout réductionnisme technico-fonctionnel. Le premier appel est celui d'être une présence joyeuse et gratuite parmi les jeunes.
Qu'en serait-il du Valdocco sans la présence de Maman Marguerite ? Vos maisons auraient-elles été possibles sans cette femme de foi ? Dans certaines régions et certains endroits « il y a des communautés qui se sont longtemps maintenues et ont transmis la foi sans qu’un prêtre ne passe les voir ; durant même des décennies. Cela s’est fait grâce à la présence de femmes fortes et généreuses. Les femmes baptisent, sont catéchistes, prient, elles sont missionnaires, certainement appelées et animées par l’Esprit Saint. Pendant des siècles, elles ont maintenu l’Église debout dans ces régions avec un dévouement admirable et une foi ardente. »[62] Sans une présence réelle, effective et affective des femmes, vos œuvres n'auraient pas le courage et la capacité de décliner la présence comme hospitalité, comme maison. Face à la rigueur qui exclut, nous devons apprendre à engendrer la vie nouvelle de l'Évangile. Je vous invite à poursuivre une dynamique dans laquelle la voix de la femme, son regard et son action – appréciés dans leur singularité – trouvent un écho dans la prise de décisions, en tant qu'acteur non auxiliaire mais constitutif de vos présences.
L’« option Valdocco » dans la pluralité des langues
Comme autrefois, le mythe de Babel tente de s'imposer au nom de la mondialisation. Des systèmes entiers créent un réseau de communication mondial et numérique capable d'interconnecter les différents coins de la planète, avec le grave danger d'uniformisation monolithique des cultures, en les privant de leurs caractéristiques et de leurs ressources essentielles. La présence universelle de votre Famille Salésienne est un stimulant et une invitation à conserver et à préserver la richesse de nombreuses cultures dans lesquelles vous êtes plongés sans chercher à les « homologuer ». D'un autre côté, vous vous efforcez de faire en sorte que le christianisme puisse assumer la langue et la culture des populations locales. Il est triste de voir que, dans de nombreuses régions, la présence chrétienne est toujours vécue comme une présence étrangère (en particulier européenne) ; une situation que l'on retrouve également dans les itinéraires de formation et les modes de vie (cf. ibid., 90).[63] Au contraire, nous agirons comme nous l'inspire cette anecdote de Don Bosco qui, interrogé sur la langue qu'il aimerait parler, a répondu : « Celle que ma mère m'a apprise : c'est celle avec laquelle je peux communiquer plus facilement. » Selon cette certitude, le Salésien est appelé à parler dans la langue maternelle de chacune des cultures dans lesquelles il se trouve. L'unité et la communion de votre Famille sont capables d'assumer et d'accueillir toutes ces différences qui peuvent enrichir tout le corps en une synergie de communication et d'interaction où chacun puisse offrir le meilleur de lui-même pour le bien du corps entier. De cette façon, la salésianité, loin de se perdre dans l'uniformité des tonalités, acquerra une expression plus belle et plus attrayante ... et pourra s'exprimer « en dialecte » (cf. 2M 7,26-27).
Dans le même temps, l'irruption de la réalité virtuelle comme langage dominant dans de nombreux pays où vous accomplissez votre mission nécessite, en premier lieu, de reconnaître toutes les possibilités et les choses bonnes qu'elle produit, sans sous-estimer ou ignorer l'impact qu'elle possède dans la création de liens, en particulier sur le plan affectif. Même nous, adultes consacrés, ne sommes pas à l'abri de cela. La « pastorale de l’écran », si répandue (et nécessaire), nous demande d'habiter le réseau de manière intelligente, en le reconnaissant comme un espace de mission,[64] ce qui nécessite, à son tour, d’installer toutes les médiations nécessaires afin de ne pas rester prisonniers de sa circularité et de sa logique particulière (et dichotomique). Ce piège – même au nom de la mission – peut nous renfermer sur nous-mêmes et nous isoler dans une virtualité confortable, superflue et peu ou pas du tout engagée dans la vie des jeunes, des frères de la communauté ou dans les tâches apostoliques. Le réseau n'est pas neutre et le pouvoir qu'il a de créer une culture est très élevé. Sous l'avatar de la proximité virtuelle, nous pouvons nous retrouver aveugles ou éloignés de la vie concrète des gens, en nivelant et en appauvrissant la vigueur missionnaire. Le repli individualiste, si répandu et socialement proposé dans cette culture largement numérisée, requiert une attention particulière non seulement en ce qui concerne nos modèles pédagogiques mais aussi en ce qui concerne l'utilisation personnelle et communautaire du temps, de nos activités et de nos biens.
L’ « option Valdocco » et la capacité de rêver
L'un des « genres littéraires » de Don Bosco étaient les rêves. À travers eux, le Seigneur a tracé sa route dans la vie de Don Bosco et dans la vie de toute votre Congrégation, en élargissant l'imagination du possible. Les rêves, loin de le garder endormi, l'ont aidé, comme cela est arrivé à saint Joseph, à prendre une autre profondeur et une autre mesure de la vie, celles qui naissent des entrailles de la compassion de Dieu. Il était possible de vivre l'Évangile concrètement ... Don Bosco l'a rêvé et lui a donné forme dans l'Oratoire.
Je souhaite vous offrir ces paroles comme les « mots du soir » dans toute bonne maison salésienne au terme de la journée, en vous invitant à rêver et à rêver grand. Sachez que le reste vous sera donné par surcroît. Rêvez de maisons ouvertes, fécondes et évangélisatrices, capables de permettre au Seigneur de montrer à de nombreux jeunes son amour inconditionné et de vous permettre, à vous, de profiter de la beauté à laquelle vous avez été appelés. Rêvez… Et non seulement pour vous et pour le bien de votre Congrégation mais encore pour tous les jeunes privés de la force, de la lumière et du réconfort de l’amitié avec Jésus-Christ, privés d’une communauté de foi qui les accueille, d’un horizon de sens et de vie (cf. Evangelii Gaudium, 49). Rêvez … Et faites rêver !
Rome, Saint Jean de Latran, 4 mars 2020
François
PRIORITÉ DE LA MISSION SALÉSIENNE PARMI LES JEUNES D’AUJOURD’HUI
RECONNAÎTRE
- Avec un regard de foi
En tant que membres du Chapitre Général 28, nous sommes convaincus que Dieu, par son Esprit, est présent dans la vie de tous les jeunes de notre temps. Dans notre discernement, nous avons d’abord essayé de reconnaître son action en essayant d’entrer dans le rythme d’une « double docilité : docilité aux jeunes et à leurs besoins, et docilité à l'Esprit et à tout ce qu'Il veut transformer. » (Du Message du Pape François au CG28)
Dès le début, cela nous a incités à avoir un regard positif empreint d'humilité, de sympathie, de courage, d'intelligence, de foi et d'espérance, dans la certitude que « le regard de Dieu le Père est capable de valoriser et d’alimenter les semences de bien semées dans les cœurs des jeunes » qui doivent donc être considérés par nous comme « une terre sacrée » (cf. Christus Vivit, n. 67).
Appelés à être amis, pères, pasteurs et guides des jeunes, nous désirons faire nôtre ce regard divin, ayant bien conscience de suivre ainsi les traces de notre bien-aimé Père Don Bosco qui, au Valdocco précisément, guidé par la main de l’Auxiliatrice, a réalisé son œuvre.
- À l’écoute du cri des jeunes
Qui sont les jeunes d’aujourd’hui ? Quelle est leur condition ? Que cherchent-ils ? Que nous demandent-ils ? Pour répondre à ces questions, nous nous sommes tout d’abord mis à l’écoute.
Nous avons eu la chance d’avoir parmi nous quelques jeunes provenant du monde entier, qui représentaient les très nombreux jeunes qui ont été présents dans nos Chapitres Provinciaux préparatoires au CG28. Nous avons écouté leurs voix avec attention et émotion. Ils nous ont communiqué leur inquiétude spirituelle et leur faim de Dieu, leur désir d’être protagonistes et artisans d’un monde meilleur, leur peine à croire et à aller à contre- courant des logiques de notre temps. Et ils nous ont demandé d’être moins « gestionnaires » et davantage « pasteurs », d’être au milieu d’eux et de prendre le temps de les accompagner.
Durant de nombreux temps de travail ensemble, nous avons aussi pris conscience des nombreuses pauvretés des jeunes, qui nous laissent horrifiés comme l’a été Don Bosco lors de sa première visite dans les prisons de Turin. Le cri de nombreux jeunes touche notre cœur encore aujourd’hui : pauvreté économique, sociale et culturelle, pauvreté affective, relationnelle et familiale, pauvreté morale et spirituelle. Dans de nombreux contextes, le chômage et l’impossibilité de faire des études pénalisent de larges groupes de jeunes.
De différentes manières, les jeunes se sont manifestés à nous comme des prophètes : à travers leur présence, le Seigneur nous fait continuellement connaître ses attentes et ses appels pour le renouveau de notre mission. De même que Don Bosco « n'a pas découvert sa mission devant un miroir, mais dans la douleur de voir des jeunes sans avenir, le Salésien du XXIème siècle ne découvrira pas son identité s'il n'est pas capable de souffrir avec "la foule de jeunes gens (…) sains et robustes, à l’esprit éveillé, mais réduits au désœuvrement, (…) privés du pain spirituel et temporel (…). [Et qui] semblaient personnifier l’opprobre de la nation, le déshonneur des familles”. Et nous pourrions ajouter : de notre Église même. » (Du Message du Pape François au CG 28)
- Dans un changement d’époque
Nous vivons un changement d’époque : aujourd’hui plus que jamais « personne ne peut dire avec certitude et précision (si tant est que cela ait été jamais possible) ce qui se passera dans un avenir proche sur le plan social, économique, éducatif et culturel. » (Du Message du Pape François au CG 28) Et il devient donc évident qu’il n’est plus possible de penser notre mission avec la mentalité du « on a toujours fait ainsi ». Si d’une part cette situation désoriente, de l’autre, elle nous demande de jouer le jeu avec humilité et courage, et nous presse de faire nôtres les dynamismes juvéniles qui étaient si vifs chez Don Bosco. Nous sommes plus que jamais convaincus de ce que nous a dit le Pape François précisément au Valdocco, dans la basilique de Marie Auxiliatrice, le 21 juin 2015 : « Votre charisme est d’une très grande actualité. Regardez les rues, regardez les jeunes et prenez des décisions audacieuses. N’ayez pas peur, faites comme a fait Don Bosco. »
Outre certains défis permanents qui continuent à nous interpeller, notre époque présente des nouveautés inévitables. La révolution numérique nous demande de comprendre les profondes transformations qui s'opèrent non seulement dans le domaine de la communication, mais surtout dans la manière dont nous mettons en place et gérons nos relations humaines. Le domaine de l'affectivité, avec toutes les questions liées au genre et à l'identité sexuelle, remet en question notre vision anthropologique. La condition des femmes et leur rôle dans la société et dans l'Église exigent que nous y réfléchissions plus attentivement et plus profondément. La sensibilité écologique, qui se développe rapidement dans le monde des jeunes, nous demande d'être prophétiques dans ce domaine par des choix clairs et cohérents. Le contact avec les jeunes migrants, les réfugiés et beaucoup d'autres jeunes privés de leurs droits fondamentaux devient pour nous un appel pressant à l'action. Enfin, l'expérience douloureuse des abus, qui touche également notre Congrégation, est un appel fort à la conversion.
- La transmission de la foi
Le changement rapide qui se produit affecte les processus ordinaires de transmission de la foi. Il existe à cet égard de grandes différences : alors que dans certains contextes, la vie de foi ne pose aucun problème et que les jeunes vivent naturellement leur appartenance à l'Église, dans d'autres contextes fortement sécularisés, la foi chrétienne est devenue une question qui n'a plus aucune importance personnelle ou sociale. Dans certaines régions où nous sommes présents, il y a du fondamentalisme, de la discrimination et même la persécution ; dans d'autres, nous pouvons librement proposer l'Évangile. Nous travaillons également dans de nombreux contextes multireligieux où la majorité des jeunes qui fréquentent nos œuvres appartiennent à d'autres religions ou à d'autres confessions chrétiennes.
Face à la crise mondiale de l'autorité, de la tradition et de la transmission, nous sommes interpellés sur les styles, les contenus et les moyens d'annoncer Jésus-Christ, car nous nous sentons tous appelés à être « missionnaires des jeunes ». Convaincus de la nécessité d'atteindre leur cœur, nous ressentons l'urgence de proposer à nouveau la première annonce avec plus de conviction, car « rien n’est plus "solide", plus profond, plus sûr, plus dense et plus sage que cette annonce » (Christus Vivit 214).
- Le désir de marcher ensemble
Les jeunes sont porteurs du feu vivant du charisme salésien et nous aident à connaître, à approfondir et à mieux assumer la mission qui nous a été confiée. Depuis le début, « loin d'être des agents passifs ou des spectateurs de l'œuvre missionnaire, ils sont devenus, à partir de leur condition même – dans bien des cas "illettrés religieux" et "analphabètes sociaux" – les principaux protagonistes de tout le processus de fondation. La salésianité naît précisément de cette rencontre capable de susciter des prophéties et des visions » dans la conviction que « tout charisme doit être renouvelé et évangélisé, et, dans votre cas, surtout par les jeunes les plus pauvres. » (Du Message du Pape François au CG 28).
Nous estimons donc qu'il est de notre devoir d'impliquer les jeunes et nous pensons qu'ils ont le droit d'être impliqués au sein de la communauté éducative et pastorale, qui est avant tout une famille où tout est partagé dans un climat d'amitié, d'écoute, de respect et de collaboration. Nous reconnaissons que beaucoup d'entre eux « se trouvent dans une situation profonde d'abandon (comme s'ils étaient orphelins) ... à laquelle nous devons répondre en créant des espaces fraternels et attirants où l’on vit avec sens » (Christus Vivit, n. 216). C'est précisément dans cette direction que les récents cheminements synodaux nous ont permis de redécouvrir le caractère familial de l'Église, au point qu'elle peut être considérée comme « une famille de familles, constamment enrichie par la vie de toutes les Églises domestiques » (Amoris Laetitia, n. 87).
Enfin, nous sommes conscients que bien souvent nous ne parvenons pas à intercepter cette véritable « nostalgie communautaire » des jeunes et des familles : ils nous demandent du temps et nous leur donnons de l'espace ; ils nous demandent des relations et nous leur fournissons des services ; ils nous demandent une vie fraternelle et nous leur offrons des structures ; ils nous demandent de l'amitié et nous leur organisons des activités. Tout cela nous engage à redécouvrir les richesses et le potentiel de « l'esprit de famille ».
INTERPRÉTER
- Accompagnés par Don Bosco
Pour interpréter ce que nous avons reconnu jusqu'à présent, nous voulons nous laisser guider par l'un des passages les plus significatifs de la « Lettre de Rome » de 1884. Don Bosco constate qu'à l'Oratoire du Valdocco, entre les Salésiens et les jeunes, une barrière physique et spirituelle s'est créée qui entrave l'action éducative et trahit le charisme. Dialoguant avec l'un des jeunes du rêve, il tente d'interpréter la situation pour trouver un moyen de la résoudre : « Mais comment s'y prendre pour briser cette barrière ?» La réponse qu’il reçoit est éclairante pour nous aussi : « Familiarité avec les jeunes surtout en récréation. Sans familiarité, l'affection ne se prouve pas, et sans cette preuve il ne peut y avoir de confiance. Qui veut être aimé doit montrer qu'il aime. Jésus-Christ se fit petit avec les petits et porta nos faiblesses. Voilà le maître de la familiarité !».
Ce texte met en lumière les trois nœuds fondamentaux autour desquels nous avons rassemblé l'interprétation de ce noyau thématique : aller à la rencontre des jeunes là où ils se trouvent et s'expriment spontanément ; la proximité qui crée la confiance et rend possible l'accompagnement ; la tonalité affective de la relation éducative que Don Bosco appelle de ses vœux avec un terme qui découle de l'expérience familiale. C'est dans cette perspective de foi que nous voulons chercher les raisons de ce que nous vivons, avec ses lumières et ses ombres, pour faire ressortir les défis qui nous attendent et identifier les critères pour y faire face.
ComMUNAUTÉ EN SORTIE VERS LES JEUNES PAUVRES
- Deux facettes d’un même problème
Trop souvent, la pauvreté prive les enfants et les jeunes de la possibilité de grandir en paix, d'avoir une bonne éducation, de décider de leur avenir. Il n'est pas rare que la pauvreté les éloigne également de la communauté chrétienne et de la possibilité de rencontrer la joie de l'Évangile, qui est justement destinée aux derniers : « L’Esprit du Seigneur est sur moi (…) Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4,18). La pauvreté devient ainsi aujourd'hui une barrière d'exclusion, qu'il faut surmonter.
Le Magistère prophétique du Pape François aide l’Église à prendre de plus en plus conscience que s'éloigner des pauvres trahit l’Évangile et génère de nombreuses « maladies » dans la communauté chrétienne. Nous aussi, nous ressentons le besoin d'approfondir l'interprétation de l'époque dans laquelle nous vivons, jusqu'à reconnaître que les phénomènes sociaux et les défis spirituels, les appels des jeunes et les motions de l'Esprit sont étroitement liés, sans séparation possible. C'est l'expérience qu'a vécue Don Bosco et qui l'a rendu capable de répondre aux besoins les plus urgents de ses jeunes, et de leur faire sentir la tendresse de Dieu qui réchauffe le cœur et insuffle l'espérance. Là où cela se produit encore aujourd'hui, avec un engagement généreux et une créativité pastorale, nous voyons une véritable floraison du charisme. En revanche, là où les communautés perdent la « familiarité » avec les pauvres, la vie religieuse devient tiède, au risque de devenir du sel qui perd sa saveur, une lampe placée sous le boisseau (cf. Mt 5, 13-15).
- Consacrés à Dieu pour les jeunes les plus pauvres
Aller vers les jeunes pauvres et le faire en tant que communauté de croyants est certainement un défi toujours nouveau, mais c'est aussi une perspective qui nous remplit d'enthousiasme. Comme notre Père Don Bosco, nous avons nous aussi dit à Dieu le jour de notre profession religieuse : « Je m'offre totalement à toi (...) en m'engageant à donner toutes mes forces à ceux à qui tu m'envoies, surtout les jeunes les plus pauvres » (C 24).
Cela exige de nous, tout d'abord, une capacité de discernement communautaire : il ne s'agit pas de confier à un seul confrère la réalisation de nouveaux projets, mais d'écouter ensemble l'appel que Dieu nous adresse à travers les pauvretés des jeunes. Cet appel requiert également une profondeur spirituelle pour ne pas tomber dans l'activisme ou dans une mentalité d'entreprise, une préparation culturelle pour comprendre les phénomènes dans lesquels nous sommes plongés et les nouvelle pauvretés des jeunes, une disponibilité à travailler ensemble en abandonnant tout individualisme pastoral, de la flexibilité pour repenser notre style de vie et nos œuvres, surtout lorsqu'elles n'expriment plus l'énergie missionnaire du charisme et répondent principalement à la logique du maintien des choses en l'état.
AccompagnEment deS JEUNES EN CLÉ VOCATIONNELLE
- Une tradition riche
« Sans familiarité, il n'y a pas de preuve d'amour et sans cette preuve, il ne peut y avoir de confiance ». Ces paroles de Don Bosco suffisent à nous faire comprendre la valeur que cela avait pour lui d'atteindre le cœur du jeune, lui permettant une sincère et confiante ouverture d'esprit. Don Bosco n'utilisait pas le mot « accompagnement », mais toutes ses actions y tendaient précisément. Son engagement éducatif, riche en propositions et attentif aux différentes dimensions de la croissance, tendait à accompagner les jeunes de manière simple et concrète vers la sainteté. Négliger cette dimension du Système Préventif, c'est le dénaturer.
Si toute l'Église, dans le cadre du Synode pour les jeunes, a redécouvert la valeur de l'accompagnement pour le discernement, nous sommes, nous aussi, invités à relire les richesses de notre tradition à cet égard. Celle-ci nous livre trois niveaux d'accompagnement étroitement liés entre eux : le milieu, le groupe, la personne.
Le premier (accompagnement du milieu) se réalise par l'offre d'une ambiance accueillante, joyeuse, riche en propositions différenciées et capable de déclencher des chemins de croissance.
Le second (accompagnement du groupe) favorise un plus grand engagement dans la maturation personnelle et dans le chemin de foi, met en valeur les aptitudes de chacun, promeut la spiritualité du Mouvement Salésien des Jeunes et l'appartenance à celui-ci.
Le troisième (accompagnement personnel) conduit le jeune à discerner plus profondément le sens de son existence devant Dieu.
En ce sens, le Synode sur les jeunes a parlé d'un accompagnement « en clé vocationnelle » (Document final du Synode, nn.138-143 ; Christus Vivit, chapitre VIII), aidant à penser la vie non pas comme un projet d'autoréalisation individuelle, mais comme un chemin pour découvrir et répondre à l'appel divin. L'expression du Pape François « Je suis une mission » (Christus Vivit, n. 254) indique clairement le but que poursuit l'accompagnement : aider chacun à découvrir sa singularité comme don pour les autres.
- Sujets et but de l’accompagnement
Comme il découle de la familiarité dans la vie quotidienne, l'accompagnement implique une pluralité de sujets et n'est pas la tâche exclusive de quelqu'un. Toute la communauté éducative et pastorale est impliquée, même si tous n'ont pas la même aptitude et la même préparation pour guider le discernement personnel. Dans tous les cas, le protagoniste de chaque accompagnement est l'Esprit du Seigneur qui nous comble de dons et de charismes ; nous, nous sommes simplement des serviteurs et des médiateurs de l'œuvre de Dieu.
Il est très important de souligner qu'un bon accompagnement ne place pas le jeune dans une position passive ou subordonnée, mais favorise, au contraire, sa participation active à la vie de la communauté et sa coresponsabilité au service des plus pauvres. Il s'agit donc d'un accompagnement pour l'engagement, pour une présence active et responsable dans la société et dans l'Église. Le protagonisme des jeunes dans la fondation de notre Congrégation et l'engagement actif des « Compagnies » à l'Oratoire du Valdocco ont encore beaucoup à nous dire en ce sens.
Sûrs que « ceux qui accompagnent les autres dans leur croissance doivent être des gens à larges vues, capables de réunir limites et espérance, en aidant ainsi à toujours regarder en perspective, dans une perspective salvifique » (du Message du Pape François au CG28), nous sommes appelés à promouvoir un engagement renouvelé en faveur de l'accompagnement, ce qui exige, avant tout, que nous prenions davantage soin de la préparation de confrères et de laïcs dans ce domaine délicat, et que nous vivions nous-mêmes l'expérience d'être accompagnés.
La perspective d'une participation active des jeunes suppose alors une plus grande confiance dans leurs ressources : nous ne devons pas craindre leur saine inquiétude, leurs questions et leur sensibilité aux nouveaux enjeux, auxquels nous ne sommes pas toujours prêts à faire face. Apprenons donc chaque jour à écouter avec empathie et à proposer notre aide avec humilité. L'autorité authentique d'un éducateur ne consiste pas dans le pouvoir de diriger, mais dans la force de promouvoir la liberté : telle est la paternité de Don Bosco.
CHEMINEMENT AVEC LES FAMILLES ET ÉDUCATION AFECTIVE
- Être proches des familles
Nous sommes conscients que la famille est l'école de l'amour, dans laquelle nous apprenons la grammaire de l'affection à travers laquelle Dieu se fait connaître et rencontrer. Les récents Synodes sur la Famille et l'Exhortation Apostolique postsynodale Amoris Lætitia ont donné de nombreuses indications pastorales sur l'accompagnement des familles et sur l'éducation affective, que nous sommes, nous aussi, appelés à accueillir et à assimiler.
Pour nous, Salésiens, l'intérêt pour la famille jaillit spontanément du cœur même de notre charisme éducatif. Nous savons combien Don Bosco a appris de Maman Marguerite, à tel point qu'il l'a voulue avec lui au Valdocco comme une présence précieuse pour faire de l'Oratoire une véritable « maison ». Par ailleurs, le jeune Jean Bosco n'a pas grandi dans une famille parfaite : il a vécu la souffrance d'être orphelin de père, l'incompréhension de son frère Antoine, l'humiliation de la pauvreté, la nécessité de quitter la maison pour chercher du travail. Tout cela a contribué à faire mûrir en lui un cœur paternel, riche en miséricorde et accueillant.
Aujourd'hui, nous ressentons, nous aussi, le besoin d'une grande proximité avec les familles, en les accueillant avec leurs peines et leurs fatigues, mais surtout en valorisant les richesses qu'elles portent en elles. De fait, à travers nos œuvres, nous rencontrons de nombreuses familles dans les situations les plus variées : certaines se tournent vers nous pour nos propositions éducatives, d'autres partagent le choix religieux et l'inspiration charismatique, d'autres encore vivent leurs premières années de mariage et demandent à être accompagnées. Nombreuses sont celles qui se trouvent dans des situations de pauvreté, de mal-être ou qui sont des familles blessées et le fruit de secondes unions. Il y a aussi des jeunes qui ont grandi avec nous et qui nous demandent de les accompagner vers le mariage, et même des personnes qui vivent dans de nouvelles configurations relationnelles et viennent aussi dans nos milieux.
Cette complexité constitue sans aucun doute un défi et nécessite une préparation adéquate. La présence de nombreuses familles dans les Groupes de la Famille Salésienne, et d'autres qui collaborent avec nous, constitue pour nous, en tout cas, une grande ressource, surtout si nous sommes capables d'écouter leur expérience et de prendre en considération leur témoignage.
- Pastorale des jeunes, famille, éducation affective
Le critère fondamental de notre travail avec les familles est le caractère éducatif de notre mission. Nous ne voulons pas pratiquer une pastorale familiale parallèle à la pastorale des jeunes, mais plutôt présenter la communauté éducative et pastorale comme le lieu et la forme de notre cheminement avec les familles.
De ce critère découle également la nécessité d'assumer de manière plus courageuse le défi de l'éducation affective et sexuelle des jeunes. C'est une demande que le Concile avait déjà adressée aux institutions éducatives de l'Église (cf. Gravissimum Educationis, n. 1) et que nous avons encore trop peu pris en considération. Il ne s'agit pas simplement de donner des informations mais d'accompagner en un parcours de connaissance de soi et de découverte de l'appel à l'amour.
Nous savons l'importance que Don Bosco accordait à la pureté dans la croissance des jeunes et la délicatesse avec laquelle il en parlait. Dans un contexte qui banalise souvent la sexualité, nous sommes appelés à présenter une vision sereine, positive et équilibrée de l'affectivité, à éclairer le discours sur les langages du corps et sur le sens de la réciprocité entre l'homme et la femme en conformité avec la Parole de Dieu. Le soin de contextes proactifs et « préventifs », une animation qui sache impliquer les jeunes dans toutes leurs dimensions (théâtre, sport, art, jeu, musique, etc.), un accompagnement personnel qui prenne soin de la dynamique profonde de la personne sont les outils que notre tradition nous offre et que nous sommes appelés à repenser dans les nouveaux contextes d'aujourd'hui.
CHOISIR
- Communautés en sortie vers les jeunes pauvres
Nous allons vers les jeunes pauvres en dépassant une pastorale de maintien des choses en l'état et en renouvelant nos dynamismes communautaires.
Attitudes et mentalitÉs À convertir
- D'une pastorale de la conservation à une pastorale missionnaire qui ait pour critère de choix les besoins des jeunes.
- D'une pastorale élitiste et exclusive à une pastorale populaire et inclusive.
- D'une communauté repliée sur elle-même dans des zones de confort à un témoignage de fraternité affichée dans le partage avec les jeunes pauvres.
Processus À activer
- Les Secteurs de la Pastorale des Jeunes et des Missions proposeront un projet spécifique d'attention et d'accueil des pauvretés des jeunes.
- Dans le cadre du réaménagement des présences, les Provinces prévoiront des communautés pouvant accueillir avec les Salésiens des enfants et des jeunes en difficulté (migrants, réfugiés, enfants des rues, etc.) pour leur offrir des possibilités d'études, de formation professionnelle et d'insertion dans le monde du travail.
- La Congrégation veillera, à tous les niveaux, à ce que les conditions de promotion et de défense des droits des jeunes soient garanties, notamment en ce qui concerne la protection des mineurs et des adultes vulnérables.
Conditions structurelles À garantir
- On développera, au niveau central, une coordination en réseau avec d'autres religieux et Organisations nationales et internationales, au service des jeunes les plus pauvres.
- On élaborera, aux niveaux provincial et local, un Code de Conduite pour assurer un contact réel, sûr et garanti avec les jeunes, en particulier les pauvres.
- Les communautés adopteront des moments spécifiques et des conditions permanentes d'accueil de jeunes : elles reverront leurs horaires, leurs structures, leurs lieux et leurs styles relationnels pour être des communautés authentiquement ouvertes et accueillantes.
- Accompagnement des jeunes en clé vocationnelle
Nous promouvons un engagement renouvelé pour l'accompagnement dans une perspective vocationnelle, en prenant soin d'une formation adéquate des Salésiens et des laïcs dans ce domaine.
Attitudes et mentalitÉs À convertir
- D'une pastorale d'initiatives et d'activités à une attention aux parcours personnels de croissance.
- De la fragmentation du travail pastoral en de nombreux secteurs à son intégration dans une perspective vocationnelle.
- D'une mentalité d'autosuffisance pastorale à l'implication des jeunes selon leur degré de maturité.
Processus À activer
- Les Secteurs de la Pastorale des Jeunes et de la Formation proposeront des parcours d'habilitation pour l'accompagnement des Salésiens et des laïcs.
- Le Secteur de la Pastorale des Jeunes animera, soutiendra et orientera l'engagement des Provinces sur les thèmes vocationnels.
- Chaque Province offrira aux jeunes un « temps destiné à la maturation d'une vie chrétienne adulte » à vivre dans nos Maisons, à travers un projet précis de partage du vécu, de fraternité, d'apostolat et de spiritualité (cf. Document final du Synode, n. 161).
Conditions structurelles À garantir
- Le Recteur Majeur avec son Conseil envisagera d'établir une coordination centrale pour l'animation vocationnelle.
- Les Régions mettront en œuvre le développement et la création de Centres régionaux de formation pour Salésiens et laïcs sur l'accompagnement.
- Les Provinces favoriseront l'insertion de jeunes dans les équipes de pastorale des jeunes, dans les Consultes provinciales et autres structures d'animation pastorale.
- Cheminement avec les familles et éducation affective
Nous consolidons le cheminement avec les familles dans la communauté éducative et pastorale, et nous proposons des parcours plus précis d'éducation affective.
Attitudes et mentalitÉs À convertir
- D'une famille considérée seulement comme destinataire de la pastorale à la famille comme sujet actif de la mission qui doit s'engager dans la communauté éducative et pastorale.
- D'un schéma mental rigide et simplificateur à l'accueil et à l'accompagnement des expériences familiales dans le respect de leur complexité.
- De considérer notre affectivité comme un acquis réalisé une fois pour toutes à une formation salésienne qui l’entend comme un chemin de croissance et de maturation du cœur.
Processus À activer
- Les Secteurs de la Pastorale des Jeunes et de la Formation, en valorisant l'expérience et l’apport des familles, donneront des indications pour l'élaboration de propositions adéquates d'éducation affective et sexuelle et s'occuperont de la formation de Salésiens et de laïcs dans ce domaine.
- Les Provinces promouvront des groupes familiaux inspirés par la spiritualité salésienne, en favorisant leur leadership apostolique et leur participation active dans la communauté éducative et pastorale.
- Les Provinces encourageront la réflexion déjà engagée par la Congrégation lors du Congrès International « Pastorale des Jeunes et Famille » (Madrid, 2017) et élaboreront des outils et des parcours pour soutenir les familles dans leur tâche éducative.
Conditions structurelles À garantir
- Les Provinces investiront dans la formation de personnel pour l'accompagnement des familles et pour l'éducation affective.
- Les Provinces favoriseront l'insertion de certaines familles dans le Conseil de la communauté éducative et pastorale, en promouvant des temps réguliers de communion et de formation.
- Les Provinces encourageront l'engagement apostolique des Groupes laïcs de la Famille Salésienne au service de la famille.
PROFIL DU SALÉSIEN AUJOURD’HUI
RECONNAÎTRE
- Vocation et formation : la force du charisme nous interpelle
Dans le rêve des neuf ans, la Vierge Marie, après avoir indiqué à Jean Bosco le champ dans lequel il devrait travailler, l'invite à devenir « humble, fort et robuste ». Avec ces mots, Elle lui propose un parcours de formation exigeant et étroitement lié à la vocation reçue et à la mission qui lui a été confiée. Nous aussi, nous reconnaissons que la formation est un don précieux du Seigneur et une exigence indispensable de l'itinéraire vocationnel. Cet engagement pour la formation touche toutes les dimensions de notre consécration apostolique : c'est pourquoi le CG27 a tracé de façon cohérente le profil du Salésien comme mystique dans l'Esprit, prophète de la fraternité et serviteur des jeunes.
En examinant les statistiques de la Congrégation, nous avons constaté qu'au cours de la dernière décennie, nous avons eu une moyenne annuelle d'environ 2600 jeunes en formation. Cela nous remplit de joie et d'espérance car cela montre que notre charisme continue à être fécond. En même temps, ce fait nous interpelle et nous responsabilise, en nous demandant de vérifier la qualité de notre formation initiale et permanente.
En effet, nous constatons que l'identité consacrée salésienne semble parfois faible et peu enracinée : le primat de Dieu dans la vie personnelle et communautaire n'apparaît pas toujours clairement ; des formes de cléricalisme et de sécularisme risquent d'introduire la « mondanité spirituelle » dans la Congrégation ; la promotion du Salésien laïc reste rare dans certaines régions ; le manque de personnel formé dans le domaine de la salésianité, malgré l'abondance du matériel disponible, est le signe d'une attention insuffisante à l'approfondissement du charisme.
- Formation et mission : un décalage dont il faut prendre conscience
Dans la réflexion capitulaire sur le profil du Salésien aujourd'hui, une préoccupation est clairement apparue : l'écart entre le parcours de formation, dans ses différentes phases, et la réalité de la mission éducative et pastorale ordinaire. Certains parlent d'un décalage entre formation et mission, d'autres d'une séparation entre formation initiale et formation permanente, d'autres encore d'une certaine incohérence entre ce que la Congrégation propose en matière de formation initiale et ce qui se vit réellement dans les communautés apostoliques.
La formation actuelle, avec ses structures, ses styles et ses méthodes, apparaît parfois plus informative que performative, car elle ne transforme pas toujours le cœur. La mission apostolique, d'autre part, n'est pas toujours en mesure de tirer de la réalité des jeunes et du caractère concret de la vie les éléments pour une formation permanente : la « chaire de la réalité » a du mal à devenir lecture croyante de l'histoire (lectio vitæ), en offrant des éléments pour un renouvellement continu de notre être et de notre agir.
Nous reconnaissons également qu'il est urgent d'approfondir certains des thèmes qui doivent entrer pleinement dans le processus de formation : la qualification pour l'accompagnement spirituel des jeunes, qui exige la maturation de sensibilités spécifiques ; la prise de conscience claire que notre mission est partagée avec les laïcs et nécessite donc de nouvelles compétences relationnelles ; l'attention croissante aux questions écologiques qui implique une préparation spécifique en ce domaine. Enfin, le nouveau monde numérisé exige de repenser la façon dont nous abordons l'ensemble de notre vie fraternelle et de notre mission apostolique, car « le repli individualiste, si répandu et socialement proposé dans cette culture largement numérisée, requiert une attention particulière non seulement en ce qui concerne nos modèles pédagogiques mais aussi en ce qui concerne l'utilisation personnelle et communautaire du temps, de nos activités et de nos biens. » (du Message du Pape François au CG28)
- Formation permanente : vivre l’existence dans une optique de formation
Nous sommes reconnaissants de la présence d'un bon nombre de Salésiens qui ravivent continuellement le don de Dieu qu'ils ont reçu (cf. 2Tm 1,6) à travers « une attitude contemplative, capable d'identifier et de discerner les points clés » (du Message du Pape François au CG28). C'est la seule façon de surmonter l'idée malheureusement bien ancrée que la formation s'achève avec la conclusion des étapes initiales et l'accès au ministère.
En fait, certains confrères n'ont pas la conviction que l'engagement dans leur propre formation est un style précis d'assumer la mission, à tel point qu'il apparaît difficile d'allumer le désir et la passion pour la formation permanente. Nous reconnaissons que, tant au niveau central qu'au niveau provincial, un effort a été fait pour offrir des outils et des parcours de formation ; mais ceux-ci ne portent pas toujours les fruits escomptés. Il est difficile, en particulier, de transformer l'expérience pastorale quotidienne elle-même en une occasion de formation car nous n'avons pas été initiés à discerner à partir du caractère concret de la réalité. C'est pourquoi la communauté – tant religieuse que pastorale et éducative – n'est pas en mesure de devenir le milieu naturel et ordinaire dans lequel on se forme.
Mais il faut aussi reconnaître qu'il y a une certaine confusion concernant les sujets responsables et les parcours de la formation permanente : il y a souvent un manque de confrères préparés pour accompagner ce parcours, et l’on se trouve en état de faiblesse devant une pluralité de références formatives tant au niveau provincial que local. Certains signalent le risque de réduire la formation permanente à quelques cours de recyclage sporadiques ou de la confier [et la confiner] à tel ou tel nouveau manuel que l'on distribue [pour l’occasion]. Enfin, dans un monde toujours plus fluide, il y a le défi du « labeur culturel » dans la Congrégation, car sans étude, sans lecture ni mise à jour continue, il ne sera pas possible d'échapper à une pastorale du conservatisme et de la répétition.
- Formation initiale : une réalité en devenir qui doit être accompagnée
D'après les données et les discussions qui sont apparues au Chapitre, nous reconnaissons que la formation initiale dans son ensemble est une réalité à multiples facettes, positive et prometteuse. C'est une grande mosaïque de situations différentes, dans laquelle nous reconnaissons la présence de nouveaux dynamismes dans la Congrégation.
Qui sont les jeunes en formation aujourd'hui ? En résumé, nous pouvons dire que la plupart d'entre eux viennent d'Asie et d'Afrique. Dans l'ensemble, ce sont de « jeunes adultes », et non plus, comme autrefois, des « adolescents » ; ce sont des jeunes de notre temps, qui apportent donc avec eux tout le potentiel et la fragilité des jeunes d'aujourd'hui ; ils sont à la recherche d'une vie authentique et d'une fraternité prophétique, même si parfois les motivations qui les conduisent à la vie salésienne ont besoin de mûrir. Étant plus proches de la jeune génération par l’âge, ils ont une facilité de contact et un langage naturel commun avec le monde des jeunes. Tout cela implique une approche formative complètement différente dans nos maisons de formation et nos centres d'études.
De ce changement d'époque, nous comprenons que la recherche et la formation de formateurs sont une véritable urgence à laquelle il faut répondre de la meilleure façon possible. Reconnaissant qu'être formateur est une « vocation dans la vocation », il faudra passer de l'improvisation à un authentique discernement pour le choix qualifié des formateurs et des professeurs : il ne s'agit pas de « recrutement », mais d'un véritable dialogue vocationnel. Reconnaissant donc la communauté comme le premier espace de formation, les capitulaires ont souligné combien est décisive une équipe de formateurs agissant en synergie et sous la conduite du Directeur qui a surtout pour tâche d'accompagner et de coordonner l'engagement de tous.
- La nécessité d’adopter un nouveau style de formation
Comme nous le dit le Pape François, « penser à la figure du Salésien pour les jeunes d'aujourd'hui implique d'accepter que nous soyons plongés dans un temps de changements » (du Message du Pape François au CG28). Il est donc nécessaire de renouveler notre style de formation, qui doit être pensé de plus en plus de manière personnalisée, holistique, relationnelle, contextuelle et interculturelle.
Nous avons surtout besoin d'un style qui soit capable d'assumer à partir de la mission ses registres fondamentaux, car c'est la mission qui « donne à toute notre existence son allure concrète ; elle spécifie notre rôle dans l’Église et détermine notre place parmi les familles religieuses » (C 3), et aussi parce que nous sommes tous convaincus que « lorsque nous nous isolons ou nous nous éloignons des gens que nous sommes appelés à servir, notre identité de personnes consacrées commence à se défigurer et à devenir une caricature.» (du Message du Pape François au CG28)
Ce nouveau style de formation dont nous rêvons devrait faire briller l'unité de la Congrégation dans la pluralité de ses expressions : il est très important, contre « le grave danger d'uniformisation monolithique des cultures », de reconnaître que la présence mondiale de notre réalité charismatique « est un stimulant et une invitation à conserver et à préserver la richesse de nombreuses cultures dans lesquelles vous êtes plongés sans chercher à les "homologuer". » (du Message du Pape François au CG28)
INTERPRÉTER
- L’expérience de formation de Don Bosco
Afin d'effectuer un sain discernement sur notre formation, il est utile de réfléchir sur l'expérience de formation vécue par Don Bosco. Il en raconte lui-même les principaux moments dans les Mémoires de l'Oratoire, avec de nombreuses observations qui donnent un aperçu clair de sa vision à cet égard. Nous nous arrêtons ici en particulier sur une des étapes de formation que Don Bosco a le plus appréciée : celle du « Convitto Ecclesiastico » (Foyer sacerdotal). Don Bosco dit ceci de cette institution : « Ici on apprend à être prêtre » (G. BOSCO, Memorie dell'Oratorio di San Francesco di Sales, in ISS, Fonti Salesiane, 1. Don Bosco e la sua opera, LAS, Rome 2014, p. 1233).
La formation du Convitto permettait d'associer une solide proposition spirituelle et culturelle (« Méditation, lecture [spirituelle], deux conférences par jour, des cours de prédication, une vie retirée, toutes facilités pour étudier... ») et l'accompagnement pour rencontrer dans le vécu « la malice et la misère des hommes » dans les lieux de plus grande pauvreté. Le point fort qui guidait les jeunes prêtres à faire une synthèse entre prière et ministère, entre réflexion et pratique pastorale, c'était un groupe de formateurs de très haut niveau, parmi lesquels Don Cafasso. Don Bosco les rencontrait à leur chaire lorsqu'ils donnaient des cours, mais il les voyait aussi personnellement engagés dans les formes de ministère les plus variées et les plus difficiles. Ils étaient pour lui et ses compagnons de solides maîtres de doctrine, des apôtres entreprenants et de véritables modèles de vie. Aujourd'hui, nous parlerions d'une équipe exemplaire et compacte accompagnant totalement la manière d'assumer la mission.
Les années du Convitto ont été décisives pour la maturité apostolique de Don Bosco, et il est bon de noter qu'elles ont été son choix, sans aucune obligation de sa part. Il a pris cet engagement alors qu'il était déjà prêtre et qu’il aurait pu immédiatement s'immerger à plein temps dans la vie active. Mais sur les conseils de Cafasso, il a suivi une autre voie, plus exigeante mais immensément plus fructueuse. Son exemple nous apprend que la formation ne s'arrête pas à la fin des études, à la profession perpétuelle ou à l'ordination sacerdotale, mais reste un processus ouvert à cultiver avec soin tout au long de la vie. Il nous rappelle également que le véritable apôtre ne mûrit pas en brûlant les étapes et que l'investissement le plus fructueux pour la mission est celui d'une bonne formation.
FormaTION ET VOCATION : un accompagnEMENT À LA LUMIÈRE DU CHARISME
- Le don de la formation
Dans la vie consacrée, la formation ne se réduit pas à un ensemble de techniques et de méthodologies, mais elle est une expérience de foi enracinée dans le mystère même de la vocation. Dieu le Père, qui nous a choisis avant la création du monde, continue à travailler en nous avec la puissance de son Esprit, pour nous rendre toujours plus conformes au Christ. Le but de notre parcours de formation est, en effet, d'arriver à avoir en nous les sentiments mêmes du Fils, c'est-à-dire à ressentir, penser et agir en Lui (cf. Ph 2, 5).
Comprendre la formation dans l'horizon de la vocation nous aide à ne pas la considérer comme un devoir imposé de l'extérieur – par les normes de l'Église ou de la Congrégation – mais comme un don de la grâce qui nous aide à faire vraiment nôtre la « forme » de la vie consacrée salésienne, en évitant qu'elle ne reste une sorte d'habit extérieur.
L'existence d'échecs vocationnels nous rappelle combien ce processus est délicat et combien l'accueil initial de l'appel ne nous protège pas automatiquement contre le risque de perdre notre route ou de faire demi-tour. Que sont, en effet, le cléricalisme, le sécularisme et l'individualisme, sinon des déviations de l'énergie vocationnelle qui en éteignent la beauté et en empêchent la croissance par manque de profondeur, par manque de motivations ou par manque de générosité ? La vocation sans formation adéquate est alors confondue avec une sorte de « volontariat à vie » dans lequel on ne donne pas vraiment son cœur à Dieu et aux jeunes, et où l'on n'accepte pas la conversion, à travers la formation, que cela implique.
- Le Système Préventif comme système de formation
La formation étant une pédagogie de la grâce, elle ne pourra jamais être avant tout une question de règles et de normes. Sans aucun doute, celles-ci sont-elles nécessaires, car elles préservent des erreurs et indiquent des voies bien établies, mais elles ne suffisent pas à elles seules à créer les conditions d'une authentique expérience formatrice. Nous devons donc veiller à ne pas proposer de solutions essentiellement normatives à un défi qui est avant tout charismatique et générateur.
La formation est un savoir-faire quotidien, une sagesse pratique, une qualité du témoignage, une capacité à lire les situations et à toucher les cœurs : autant de choses qu'aucune loi ne peut garantir et qu'aucun manuel ne suffit à assurer. Comme nous le rappelle le vénérable Père Giuseppe Quadrio, modèle extraordinaire de formateur et de professeur, ces qualités sont avant tout le fruit de la docilité intérieure à l'Esprit qui suscite dans notre Famille charismatique de vrais maîtres de vie.
Toutes les indications de sagesse pratique que Don Bosco mettait en actes dans l'éducation sont donc valables pour notre proposition de formation. Le Système Préventif est à redécouvrir de plus en plus comme le principe inspirateur et l'âme profonde de notre système de formation. Cela signifie affirmer le primat de la charité théologale et de la confiance sur tout légalisme et formalisme ; transmettre les valeurs vocationnelles à travers un authentique esprit de famille ; impliquer activement les plus jeunes confrères et les rendre coresponsables des choix de formation. La pédagogie du Système Préventif est, en effet, une pédagogie de la confiance, qui croit aux ressources des jeunes et les provoque à un engagement généreux, sans jamais en étouffer les intuitions ni en freiner la créativité. C'est dans cette logique que l'article 99 de nos Constitutions stipule : « Chaque Salésien assume la responsabilité de sa formation ». En fidélité à cette inspiration, la Congrégation se montre mère pour chaque confrère et l'aide à mûrir dans son cheminement vocationnel.
formaTION eT mission : un processUS unitaIRE
- Le « da mihi animas » comme énergie du processus de formation
La nature apostolique de notre charisme détermine notre formation. Comme nous le rappelle le Pape François, « il est important de faire valoir que nous ne sommes pas formés pour la mission, mais que nous sommes formés dans la mission, à partir de laquelle tourne toute notre vie, avec ses choix et ses priorités. La formation initiale et la formation permanente ne peuvent pas être une instance préalable, parallèle ou séparée de l'identité et de la sensibilité du disciple. » (du Message du Pape François au CG28). Ces mots indiquent très clairement que formation et mission sont étroitement liées et ne sont pas indépendantes l'une de l'autre.
Comprendre la formation à l'horizon de la mission signifie tout d'abord mettre l'accent sur le « Da mihi animas » en tant qu'énergie profonde du processus de formation. Si cette énergie s'éteint et ne libère plus de ferveur pour le bien des jeunes, la maturation vocationnelle est sérieusement compromise. Si, en revanche, la passion apostolique est vivante, elle nourrit la croissance humaine, l'engagement dans l'étude, le soin de la vie spirituelle, la maturation pastorale. Le « Da mihi animas » est, en fait, la façon dont Dieu nous rend participants de son amour pour le monde.
« Don Bosco, affirme encore le Pape, non seulement ne choisit pas de se séparer du monde pour rechercher la sainteté, mais se laisse interpeller et choisit comment et dans quel monde vivre. » Assumer la mission comme principe formateur exige de développer le regard du pasteur et le courage du prophète qui sait rester avec les jeunes pauvres et rêver avec eux et pour eux d'un monde différent. Voilà pourquoi « la mission inter gentes est notre meilleure école : à partir d'elle, nous prions, nous réfléchissons, nous étudions, nous nous reposons. » (du Message du Pape François au CG28)
- Pour une plus grande intégration
Afin de surmonter le fossé entre formation et mission, il faut tout d'abord sortir de la « mentalité de délégation » qui tend souvent à se décharger de la responsabilité dans ce domaine délicat sur les communautés de formation. La transmission du charisme, en effet, ne se fait pas d'abord dans des communautés spécialement structurées, mais dans la fraîcheur du partage quotidien du service des jeunes. La première source de formation dans la Congrégation se trouve dans le trésor de la vie généreuse des confrères. Là où les communautés sont vivantes dans le service, solides dans la spiritualité et capables de réflexion, les itinéraires proposés par les maisons de formation sont plus incisifs, car ils conduisent à une manière de vivre la salésianité que les jeunes confrères rencontrent dans la réalité ordinaire des maisons. Cela explique l'importance que notre tradition a toujours accordée au stage (« tirocinio ») qui est une étape de formation typiquement salésienne. En revanche, lorsque la mission est confondue avec le travail et que la formation permanente dans les communautés n'est pas bien soignée, c'est tout le processus de formation qui s'en trouve appauvri.
Une plus grande intégration exige donc « de trouver un style de formation capable d'assumer de manière structurelle le fait que l'évangélisation implique la pleine participation, et avec une pleine citoyenneté, de chaque baptisé », en faisant de nos maisons « un "laboratoire d'Église" capable de reconnaître, d'apprécier, de stimuler et d'encourager les différents appels et missions dans l'Église. » C'est ce que nous essayons de faire en appliquant le modèle de la communauté éducative et pastorale. La question de savoir comment ce modèle peut et doit affecter la formation initiale est une question qui n'a pas encore trouvé de réponses claires. Le Synode des jeunes a parlé, par exemple, de l'importance de former des équipes de formation différenciées comprenant également des figures féminines « au sein desquelles interagissent des vocations diverses » (cf. Document final du Synode, n. 163). Le dialogue entre les communautés provinciales et les maisons de formation peut également favoriser une interaction plus significative avec le parcours des communautés éducatives et pastorales, et permettre aux formateurs une plus grande présence aux côtés des jeunes confrères dans les expériences pastorales. Plutôt qu'une solution structurelle unique, qui ne tiendrait pas compte de la diversité considérable des contextes, il est donc nécessaire de travailler à une planification de la formation renouvelée dans un sens missionnaire, qui cherchera dans chaque milieu sa mise en œuvre la plus appropriée.
FormaTION et struCTURES : un RENOUVEAU NÉCESSAIRE
- Références institutionnelles et soin des processus de formation
Un des risques de notre parcours de formation, dénoncé à plusieurs reprises dans la Congrégation, consiste en une certaine fragmentation entre les différentes étapes. Le passage d'une phase à l'autre de la formation initiale offre sans aucun doute la richesse de nouveaux stimuli et contribue à élargir les horizons, mais il entraîne aussi la difficulté de devoir reprendre plusieurs fois le chemin d'un accompagnement. Cette difficulté s'accentue lorsque les choix de formation et les outils proposés pour l'accompagnement ne sont pas correctement coordonnés.
Il en ressort la nécessité pour la Congrégation de clarifier et, si possible, de simplifier les références institutionnelles et de déterminer avec plus de précision les tâches et les responsabilités des structures de coordination entre les différentes phases et entre les différents niveaux de la formation. Trop souvent, en effet, des décisions importantes pour les processus de formation sont ralenties ou restent sans suite en raison d'incertitudes du système.
La Ratio et ses annexes ne manquent pas d'indications précieuses pour le travail de formation, surtout en ce qui concerne les objectifs à atteindre et les critères d'admission. En revanche, la méthodologie et les outils s'avèrent plus faibles. Il est donc important de mettre en œuvre le processus de révision de l'accompagnement de la formation qui a été entrepris dans la Congrégation et d'en vérifier les résultats. La clarté et le partage sur ce thème sont la première condition pour une formation plus solide et plus personnalisée.
- Formateurs et Centres de formation
Tout processus de croissance nécessite des conditions structurelles qui le facilitent. Dans cette logique, la volonté de promouvoir un meilleur accompagnement doit se traduire par un investissement généreux de la Congrégation dans la recherche et la formation adéquate de formateurs qui sachent travailler en équipe sous la direction et la responsabilité du Directeur.
Non moins important est le renouveau au sein de nos Centres d'études, appelés à assumer avec détermination les indications de la Constitution Apostolique « Veritatis Gaudium ». Ils rendent un service indispensable non seulement aux jeunes confrères qui les fréquentent, mais aussi à la solidité culturelle de nos Provinces. Parmi ces Centres, se distingue particulièrement l'Université Pontificale Salésienne qui constitue la voix culturelle la plus autorisée de la Congrégation dans l'Église. Le renouveau dont elle a besoin exige que nous redécouvrions les raisons qui ont conduit à sa fondation il y a quatre-vingts ans.
Les Centres de formation régionaux offrent un service apprécié à la formation permanente des confrères et sont de plus en plus appelés à prendre en charge la formation conjointe avec les laïcs. Les Régions qui ne disposent pas encore de tels Centres devront déterminer les formes les plus appropriées pour garantir ce type de service.
CHOISIR
- Formation et vocation : un accompagnement à la lumière du charisme
Nous encourageons un engagement renouvelé pour l'accompagnement des confrères, au cours de leur formation, à la lumière du charisme.
Attitudes et mentalitÉs À convertir
- D'une vision de la formation comme « obligation institutionnelle » à un regard de foi qui la conçoit comme un don et une exigence vocationnelle.
- Du formalisme extérieur au soin de l'accompagnement dans une logique de confiance sincère et d'esprit de famille du Système Préventif.
- D'une sous-estimation de la formation permanente à la prise en charge personnelle et communautaire de sa propre croissance spirituelle et apostolique.
Processus À activer
- Le Recteur Majeur avec son Conseil étudiera le problème de la discontinuité existant entre les étapes de la formation initiale, afin de promouvoir un parcours d'accompagnement plus unifié.
- Le Secteur de la Formation promouvra la mise en œuvre et la vérification des Orientations et des Directives « Jeunes Salésiens et Accompagnement ».
- Les communautés de formation initiale veilleront à une mise en place de la formation en cohérence avec les grandes orientations spirituelles et pédagogiques du Système Préventif : esprit de famille, participation active des confrères, pédagogie de la confiance (avoir et faire confiance) ; le « Curatorium » vérifiera et promouvra cette mise en place.
- Les Provinces et les communautés promeuvent une culture renouvelée de l'accompagnement, en aidant les confrères à en redécouvrir l'importance et la valeur.
Conditions structurelles À garantir
- Dans les communautés de formation initiale sera garantie la présence d'équipes capables de transmettre et de dynamiser le Système Préventif ; les formateurs proposeront un accompagnement spirituel personnel en cohérence avec la proposition de formation de la communauté ; on veillera à la présence de confesseurs adéquatement préparés.
- Les Provinciaux et les Délégués Provinciaux veilleront au dialogue et à la confrontation avec les communautés de formation afin de favoriser la continuité de l'accompagnement dans la formation initiale.
- Les confrères en formation initiale seront aidés à découvrir la valeur de l'accompagnement spirituel personnel.
- Formation et mission : un processus unitaire
Nous nous engageons à combler le fossé entre formation et mission, en favorisant une culture renouvelée de la formation dans la mission à tous les niveaux.
Attitudes et mentalitÉs À convertir
- De la délégation laissée aux maisons de formation à la prise de conscience que le style de vie des communautés a une forte influence sur la formation des jeunes confrères.
- De la formation comprise comme un temps préalable à la mission au soin à apporter à la solidité culturelle et spirituelle comme condition permanente de la vie apostolique.
- D'un style de formation élitiste à l'engagement à valoriser l'apport formateur des laïcs et la responsabilité missionnaire de chaque baptisé.
Processus à activer
- Les Provinces veilleront à la qualité formative du stage (« tirocinio »), en garantissant les conditions d'assimilation pratique de la pédagogie salésienne et de l'accompagnement formateur.
- Les communautés de formation initiale conserveront un style de vie sobre, qui préserve de l'embourgeoisement et forme aux exigences de la mission, et intensifieront l'accompagnement des expériences pastorales.
- Les Provinces investiront dans la qualification des confrères en salésianité et veilleront à une plus grande solidité culturelle ; les communautés locales vérifieront et renforceront leur engagement pour la formation dans la vie quotidienne.
Conditions structurelles À garantir
- Le Secteur de la Formation donnera des indications pour que le modèle de la communauté éducative et pastorale puisse également être mis en œuvre de manière adéquate dans les communautés de formation à travers l'implication de laïcs et de familles dans le processus de formation.
- Les communautés de stage garantiront l'accompagnement formateur des stagiaires qu’ils aideront à s'intégrer dans la communauté éducative et pastorale, et s'engageront à évaluer leur croissance vocationnelle.
- Les Commissions provinciales de formation aideront les communautés à vérifier et à renforcer leur engagement pour la formation dans la mission.
- Formation et structures : un renouveau nécessaire
Nous investissons avec énergie dans la recherche et la formation des formateurs et envisageons avec courage de repenser nos références institutionnelles et nos structures de formation.
Attitudes et mentalitÉs À convertir
- Du repli sur les situations d'urgence à l'investissement courageux dans la formation des confrères.
- Du regard porté sur les besoins locaux à la disponibilité à offrir des confrères et des ressources pour les exigences de la formation de la Congrégation et pour la collaboration entre Provinces.
- c) Du risque de la superficialité au soin à apporter à des études sérieuses et à la solidité culturelle des confrères.
Processus à activer
- Le Recteur Majeur avec son Conseil encouragera un engagement généreux de la Congrégation pour le recrutement et la formation des formateurs ; les Provinces investiront dans la formation des confrères et la préparation de formateurs.
- Le Recteur Majeur avec son Conseil vérifiera la structure de gouvernance de la formation pour la rendre plus claire, plus simple et plus fonctionnelle.
- Le Recteur Majeur avec son Conseil reverra le nombre et la répartition des communautés de formation initiale dans le cadre d'un projet unitaire ; il favorisera la rénovation de l'Université Pontificale Salésienne, le renforcement des Centres d'études et l'animation des Centres de formation régionaux.
Conditions structurelles À garantir
- Le Secteur de la Formation reverra les parties de la Ratio qui ont besoin d'être adaptées aux circonstances actuelles, en renforçant les indications concrètes de méthodes et d'outils partagés.
- Le Secteur de la Formation étudiera les meilleurs moyens d'accompagner les communautés de formation interprovinciales ; il précisera les tâches du « Curatorium » et suivra son fonctionnement en dialogue avec les Conseillers Régionaux ; il accompagnera les Provinciaux à prendre leurs responsabilités dans la formation.
- Les Régions promouvront les Centres de formation régionaux et vérifieront leurs propositions ; là où ces Centres font encore défaut, elles les institueront.
AVEC LES LAÏCS DANS LA MISSION ET DANS LA FORMATION RECONNAÎTRE
- Réalisations et résistances dans la mission partagée avec les laïcs
Nous reconnaissons que le CG24 est pour tous un « point de non-retour » pour le renouveau de notre façon de vivre et de travailler ensemble. Il est au centre du magistère salésien postconciliaire, et marque en même temps un retour aux origines du charisme salésien : Don Bosco, en effet, a impliqué dès le début de nombreux laïcs dans sa mission auprès des jeunes et des couches populaires.
Nous reconnaissons que de nombreuses avancées ont été réalisées dans toute la Congrégation, bien que selon des modalités et des rythmes différents : l'implication de toute la communauté éducative et pastorale ; la formation spirituelle, pédagogique et pastorale des laïcs ; l'insertion des jeunes dans les équipes d'animation ; la remise confiante de certaines œuvres aux laïcs. Cette perception d'une implication mutuelle croissante, d'une richesse partagée, de la force de l'aide commune et de la fécondité du charisme se concrétise peu à peu, passant de la perspective d'impliquer les laïcs dans l'activité éducative et pastorale à celle de partager notre spiritualité avec eux.
En même temps, nous constatons qu'il y a encore quelques difficultés car nous ne réussissons pas toujours à faire participer les laïcs à l'esprit salésien et à la mission salésienne : de nombreuses Provinces doivent encore passer de l'implication utilitariste des laïcs à la stratégie de la coresponsabilité évangélique.
Parfois, nous constatons également des phénomènes de résistance réelle : certains religieux se plaignent du protagonisme excessif des laïcs tandis que certains laïcs font preuve de motivations opportunistes dans leur offre de collaboration. Par ailleurs, pour les laïcs les plus impliqués dans l'activité éducative et pastorale, il n'est pas facile de concilier les exigences de la mission salésienne avec leur vie personnelle et familiale. Enfin, dans certaines situations, on constate une tendance à niveler les différents états de vie, au point que certains pensent que les personnes consacrées ne sont plus nécessaires pour continuer à faire vivre le charisme.
- Relations réciproques entre Salésiens et laïcs
Très souvent, les relations entre Salésiens et laïcs sont empreintes d’estime, de respect, de cordialité et d’esprit de collaboration, surtout lorsqu'il y a une identité vocationnelle claire, une proposition organique de formation et un cheminement partagé avec les organismes et les instruments appropriés comme le Conseil de la Communauté Éducative et Pastorale et le Projet Éducatif et Pastoral Salésien.
La contribution particulière des laïcs n'est pas toujours acceptée et appréciée, compte tenu de leur identité et de leur expérience vocationnelle : on sait ce qu'ils font, mais on n'apprécie pas ce qu'ils sont. Là où il y a un manque de clarté sur leurs identités respectives, on assiste à une sorte de « cléricalisation des laïcs » et de « sécularisation des personnes consacrées ». Dans ce cas, la collaboration quotidienne, plutôt que de faire ressortir la spécificité de chacun, conduit à un aplatissement des identités. Parfois, les laïcs sont simplement classés et positionnés dans un modèle hiérarchique et pyramidal d'« œuvre salésienne ».
Chez les Salésiens, on ressent parfois un certain malaise dans la gestion d'œuvres complexes qui exigent des compétences managériales, et un manque de préparation pour affronter les défis qui découlent du modèle pastoral de partage avec les laïcs. On reconnaît que, face au changement d'époque, on n'est pas vraiment capable de « discerner », et donc on risque de se laisser piéger dans des logiques de conservatisme pastoral fondées sur le « on a toujours fait comme ça ».
On constate qu'il existe différents types de laïcs : des salariés, des bénévoles, de jeunes adultes, des chrétiens catholiques ou d'autres confessions, des pratiquants ou des personnes plutôt éloignées de l'Église. Parfois, avec le même mot « laïcs », qui dans le langage ecclésial désigne les baptisés (Christifideles laici), on fait aussi référence à des personnes qui travaillent dans nos œuvres mais appartiennent à d'autres religions. Afin d'éviter toute confusion ou tout raidissement, il est important de traiter sérieusement les questions théologiques et pastorales qui sous-tendent une telle complexité. Il sera ainsi possible de mieux éclairer la forme que la Communauté Éducative et Pastorale est appelée à prendre dans des contextes multi religieux ou sécularisés.
- Formation conjointe de Salésiens et de laïcs
Au cours de ces dernières années, ont mûri de bonnes initiatives de formation conjointe de Salésiens et de laïcs. En ce qui concerne les cours de formation, il existe d'excellentes propositions aux niveaux local, provincial et régional. Il y a parfois un manque de systématisation dans les parcours des cours de formation, qui se manifeste dans la faiblesse de la planification éducative et pastorale. En fait, il manque une formation plus organique qui viserait à intégrer tous les aspects du charisme salésien (spirituel, pédagogique, pastoral et vocationnel). Le thème de la formation de collaborateurs d'autres religions et convictions reste ouvert.
Dans la vie quotidienne, la formation conjointe se fait principalement à travers les cheminements de la communauté éducative et pastorale, avec ses organismes et ses processus d'animation, de discernement et de gouvernance. La vie de la communauté éducative et pastorale est l'un des espaces les plus efficaces pour la formation conjointe entre Salésiens et laïcs, et constitue un excellent exemple de « formation dans la mission ».
On constate chez certains confrères une certaine résistance à s'engager dans la formation avec les laïcs et la difficulté à se défaire d'une certaine attitude de prétendue supériorité. Une autre source de difficulté dans la formation conjointe est la fatigue, l’excès d'activité et l'accumulation de tâches et de rôles. Certains laïcs sont peu conscients de leur rôle dans l'Église et donc peu disposés à assumer les responsabilités dans la formation qui en découlent.
- Les différentes formes de relations entre la communauté religieuse et l’œuvre salésienne
Dans la Congrégation, il existe actuellement différentes formes de relations entre la communauté religieuse et l'œuvre salésienne : il y a des œuvres ou des secteurs d'œuvres confiés conjointement à la communauté salésienne et aux laïcs ; il y a des œuvres confiées aux laïcs dans le cadre d'un projet provincial ; il y a aussi des œuvres où l'animation pastorale, mais non la gestion, est confiée à une communauté salésienne proche. Il y a des œuvres où le nombre de confrères permet de couvrir tous les rôles de responsabilité : dans ce cas, il y a beaucoup de collaborateurs laïcs avec peu ou pas de responsabilités ; ici les structures d'animation de la communauté éducative et pastorale sont très faibles ou absentes.
Lorsqu'il s'agit d'une œuvre confiée conjointement aux Salésiens et aux laïcs, ce qu'affirme le CG24 dans les nn. 149-159 n'a pas toujours été réalisé. Lorsqu'il s'agit d'une œuvre gérée par des laïcs sous la direction de la Province, dans de nombreux cas, les Provinces ont fait un gros effort de réflexion et de créativité pour relever le défi de l'accompagnement.
Tout en reconnaissant des aspects positifs, on constate également des problèmes d'un certain poids : la difficulté des Salésiens à garantir un accompagnement systématique, la difficulté des laïcs à trouver un équilibre entre les engagements requis par ces œuvres et les exigences de leur vie familiale, les difficultés liées au changement [remplacement] des laïcs, l'absence de critères et d'instruments de contrôle, la nécessité de mettre en route des pratiques d'évaluation de la gestion, la nécessité de trouver un cadre juridique adéquat, l'exigence d'un changement de la culture de formation des deux côtés afin de mieux se préparer à gérer ces nouvelles réalités. Il existe même des situations où le rôle, les compétences et les fonctions des Salésiens et des laïcs ayant des responsabilités dans les maisons ne sont ni clairs ni bien définis.
Confier une œuvre ou un secteur de l’œuvre entièrement aux laïcs reste dans le cadre du projet et de la responsabilité de la Province. Il existe des situations où la Province confie à une personne morale (fondation, association, coopérative, société) une activité, une œuvre ou des secteurs de celle-ci et l'utilisation d'immeubles dont elle est propriétaire. Dans ce cas, une convention régissant les relations juridiques et économiques n'est pas toujours conclue.
INTERPRÉTER
- Don Bosco, père et maître dans l’implication et dans la coresponsabilité
Les éléments fondamentaux pour approfondir la théorie et la pratique de la communion et du partage dans l'esprit et la mission de Don Bosco sont indiqués dans le texte du CG24 qui reste une référence essentielle dans ce domaine.
Du point de vue de l’inspiration, quelques paragraphes précieux montrent que tout au long de son parcours existentiel, notre Fondateur s'est soucié d'impliquer le plus grand nombre possible de collaborateurs dans son projet opérationnel donnant lieu à « un vaste mouvement de personnes qui travaillent, de diverses manières, au salut de la jeunesse » (C 5) : depuis ses amis proches jusqu'à ses camarades de classe, depuis Maman Marguerite jusqu'aux employeurs, depuis les bonnes gens du peuple jusqu'aux théologiens, depuis les nobles jusqu'aux politiciens de l'époque (cf. CG24, 69-86).
Nous sommes nés et avons grandi historiquement en communion avec les laïcs et eux avec nous. En particulier, il faut souligner l'importance que les jeunes ont eue dans le développement du charisme salésien et de la mission salésienne : Don Bosco a trouvé chez les jeunes ses premiers collaborateurs qui sont ainsi devenus, en un certain sens, « co-fondateurs » de la Congrégation !
Dans ce dynamisme constant orienté vers la recherche de la communion, du partage et de la coresponsabilité, nous trouvons encore un des traits qualifiants de notre appel à travailler pour l'avènement du Royaume de Dieu dans le monde.
Église synodale pour la mission et spÉcificitÉ des vocations
- À la racine des réalisations et des résistances
Beaucoup des résistances à la prise au sérieux du partage de l'esprit salésien et de la mission salésienne sont enracinées dans la faible réception des deux grands piliers ecclésiologiques du Concile Vatican II : la réalité de l'Église comme peuple de Dieu en chemin dans l'histoire et l'ecclésiologie de communion qui en découle, et qui exalte la réciprocité et la complémentarité des différentes vocations dans l'Église.
Dans cette perspective, il est évident que la participation des laïcs au charisme salésien et à la mission salésienne n'est pas une concession généreuse qui leur est faite par les Salésiens consacrés, ni une stratégie de survie. Saint Paul enseigne clairement que les charismes sont des dons que l'Esprit distribue pour le bien commun (cf. 1Cor 12) ; ils ne sont pas une prérogative d'un certain état de vie mais enrichissent la vie de l'Église dans la diversité et la complémentarité de ses vocations.
Convaincus qu'il n'y a pas de dignité plus élevée que celle qui nous est conférée par le baptême, de sorte que « chaque baptisé (...) est un sujet actif de l’évangélisation » et qu’« il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions » (Evangelii Gaudium, n. 120), nous nous sentons appelés – Salésiens, membres de la Famille Salésienne, laïcs et jeunes – à vivre, chacun dans sa spécificité, sa vocation propre en vue d'une édification mutuelle. Lorsque cette approche ecclésiologique est accueillie avec joie et développée avec conviction, les résultats sont clairement visibles : la communauté éducative et pastorale s'épanouit et devient une expérience d'Église qui vit la communion et la mission de manière attrayante et fructueuse.
- La « synodalité missionnaire » de l’Église
La redécouverte de la forme synodale de l'Église a été l'un des points marquants du récent Synode sur les Jeunes : « Le fruit de ce Synode, le choix que l’Esprit nous a inspiré par l’écoute et le discernement, est de cheminer avec les jeunes en allant vers tous, pour témoigner de l’amour de Dieu. Nous pouvons décrire ce processus en parlant de synodalité de la mission ou de synodalité missionnaire. » (Document final du Synode, n. 118) Les jeunes, plus que de nous demander de faire quelque chose pour eux, nous ont invités à marcher avec eux !
Le Pape François est encore plus radical lorsqu'il déclare que « le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire » (cf. Discours pour la commémoration du 50ème anniversaire de l’Institution du Synode des Évêques, 17 octobre 2015). Conformément à ces déclarations, la XVIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques – encore en préparation et qui se tiendra en octobre 2022 – aura justement pour thème la synodalité : « Pour une Église synodale : communion, participation, mission ».
De telles paroles ne peuvent laisser indifférents nos milieux salésiens. Elles exigent plutôt une conversion du cœur et de l'esprit associée à une volonté renouvelée de changer nos pratiques. C'est précisément la pastorale des jeunes – qui « ne peut être que synodale » (Christus Vivit, n. 206) – qui devrait s'orienter sans tarder dans cette direction en ouvrant de nouvelles voies pour le bénéfice de tous. Il est de plus en plus évident que seuls des hommes et des femmes de communion pourront construire l'esprit de famille et partager la mission.
- Réciprocité de relations, de charisme des laïcs et rôle de la communauté religieuse
Une bonne identification à sa propre vocation et une connaissance adéquate de la vocation des autres sont fondamentales pour ne pas réduire la mission partagée à une simple collaboration exécutive. Les Salésiens qui vivent avec joie et spontanéité leur appel spécifique sont capables d'une présence animatrice incisive et fraternelle, et savent offrir aux laïcs un soutien affectif et efficace dans les difficultés qu'ils rencontrent. Les laïcs qui assument avec conviction leur appel baptismal au témoignage de l'Évangile sont libérés du complexe d'être relégués aux services pastoraux de second degré. Ensemble, on devient un « laboratoire d'Église » et un signe prophétique de communion pour l'Église et la société.
Parfois, les jeunes accueillent mieux le témoignage des laïcs car il est moins évident et l’on suppose que ces laïcs ne parlent et n’agissent pas dans une logique d'appartenance. Leur vocation, en les plaçant au cœur du monde, les rend parfois plus aptes à répondre aux nouvelles demandes culturelles des jeunes. Ainsi, les laïcs parlent un langage plus adapté aux situations ordinaires de la vie et possèdent souvent des spécificités professionnelles qui rendent précieuse leur présence dans la mission.
L'évolution du rôle de la communauté religieuse dépendra de divers facteurs mais, parmi ceux-ci, seront de plus en plus importantes la disposition à « se relire » face à l'option charismatique fondamentale, la volonté de remettre en question son rôle de gestionnaire et de seul responsable de l’œuvre face à la coresponsabilité avec les laïcs, la capacité de relire le sens de sa propre présence dans le contexte où elle se trouve.
GESTION de l’Œuvre, vie de la communauté et noyau animateur
- Deux modalités opérationnelles et centralité du noyau animateur
Aujourd'hui, la Congrégation ne reconnaît que deux modes de relation entre la communauté salésienne et l'œuvre. Le premier et le plus important, qui doit être considéré comme la norme de référence, est composé conjointement de la communauté salésienne et des laïcs ; le second se réfère aux « activités et œuvres confiées à des laïcs au sein du projet provincial salésien » (cf. CG24, nn. 180-182).
Nous retenons qu'il n'y a plus le modèle – qui pouvait être considéré comme valable avant le Concile Vatican II – qui prévoit l'animation de l'œuvre par les seuls Salésiens. Nous réaffirmons avec force que la mission salésienne est structurellement communautaire et qu'elle est confiée à une communauté éducative et pastorale et à son noyau animateur, lequel sera composé de Salésiens et de laïcs de manière et dans des proportions différentes et complémentaires : la mission que Don Bosco nous a laissée n'est jamais une action individuelle ni autoréférentielle !
Dans chacun de ces deux modèles, le « noyau animateur » ou « Conseil de la communauté éducative et pastorale » est central et il doit être considéré comme le moteur et le cœur de toute la communauté éducative et pastorale, car de sa qualification et de son bon fonctionnement dépend la bonne marche de l’œuvre. C'est un précieux organe d'animation et la clé de voûte de l'œuvre : c'est « un groupe de personnes qui s'identifient avec la mission, le Système éducatif et la spiritualité de Don Bosco, et qui assument de façon solidaire la tâche d’inviter, de motiver, et d’associer tous ceux qui s’intéressent à une œuvre, pour former avec eux la communauté éducative et réaliser un projet d'évangélisation et d'éducation des jeunes. » (Cf. J.E. Vecchi in ACG 363, p. 8-9 ; Cadre de Référence de la Pastorale Salésienne des Jeunes, V,1,3 ; Animation et gouvernance de la communauté, n. 121-122).
- Œuvres confiées à des Salésiens et des laïcs
Dans les œuvres confiées à la communauté religieuse et aux laïcs, la communauté est une partie significative du noyau animateur et un point de référence charismatique : « Un tel niveau de partage de l'esprit et de la mission de Don Bosco avec les laïcs marque une nouvelle étape dans le développement de notre charisme. D'où la nécessité, pour la communauté religieuse salésienne, de reconsidérer et d'assumer pleinement son rôle, relativement nouveau, au sein de la Communauté Éducative et Pastorale. […] Il s'agit de passer radicalement d'une structure d'autorité pyramidale à un style d’une plus grande participation où les relations et les processus personnels sont de la plus haute importance. » (Animation et gouvernance de la communauté, n. 124).
La forme concrète de la relation de la communauté religieuse avec l'œuvre dans son ensemble ne peut être réduite à un modèle unique (cf. CG26, n. 120). Pour cette raison, il est nécessaire de prendre en compte certains facteurs déterminants : les différents niveaux d'appartenance et de partage de l'esprit salésien et de la mission salésienne, les différents degrés de concrétisation de la coresponsabilité, la typologie de l’œuvre, le caractère bénévole ou contractuel de la présence des laïcs. Enfin, il convient de rappeler que « la relation précise entre la communauté salésienne et l'œuvre, ainsi que la manière dont s’exerce l'autorité du Directeur, doivent être codifiées dans le Projet Éducatif et Pastoral Salésien provincial et local. » (Animation et gouvernance de la communauté, n. 125).
- Activités et œuvres gérées par des laïcs au sein du projet provincial salésien
Le CG24 plaçait ce deuxième type d'œuvres, il y a 24 ans, parmi les « Situations nouvelles particulières » (cf. CG24, Troisième partie, chapitre III). Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que ces innovations font partie du patrimoine ordinaire de la Congrégation au niveau mondial, même si elles ont des proportions, des formes et des modalités très différentes selon les Régions et les Provinces.
Il est important de réaffirmer les deux conditions essentielles pour confier une œuvre à des laïcs : il faut tout d'abord vérifier les critères d'identité, de communion et de significativité salésienne ; ensuite, il faut garantir l'accompagnement constant et qualifié du Provincial et de son Conseil (cf. CG24, nn. 180-182 ; Cadre de Référence de la Pastorale Salésienne des Jeunes, VIII,2,2 ; Animation et gouvernance de la communauté, 126).
Ces conditions doivent être soigneusement prises en compte au moment de discerner et de confier l’œuvre aux laïcs. Un choix charismatique et une formation adéquate sont nécessaires, en particulier pour les personnes occupant des postes de haut niveau, ainsi qu'une rémunération et des conditions de travail justes et équitables. Enfin, il ne faut pas oublier que ce chemin entrepris avec les laïcs, en plus d'être accompagné, doit être constamment vérifié.
FORMAtion conjointe pour la mission
- Une priorité absolue qui engage les différents niveaux de gouvernance et d’animation
Partager de l'esprit salésien et croître en coresponsabilité exige de partager certains parcours de formation et des expériences orientées vers la spiritualité et la mission, sans négliger évidemment les parcours de formation spécifiques pour consacrés salésiens et laïcs. La formation conjointe dans la mission partagée est une priorité absolue et doit s'adresser avant tout aux membres du noyau animateur (cf. Animation et gouvernance de la communauté, nn. 106.122). Nos collaborateurs laïcs ont besoin de vivre et de connaître Don Bosco de près, et de réfléchir sur ce qui se vit dans nos œuvres.
Il incombe à la Province et à la Région de proposer des parcours de formation adaptés aux Salésiens et aux laïcs. La Province est appelée à développer un projet de formation commune au niveau de la Province et à accompagner les processus au niveau local, en garantissant des ressources adéquates en personnel et en moyens. Au niveau local, un des premiers objectifs que le Directeur salésien poursuit avec le Conseil de la communauté salésienne et le noyau animateur de la communauté éducative et pastorale est l'élaboration d'un projet de formation qui porte attention à ce thème.
L'expérience confirme qu'il est très positif de confier à des équipes mixtes, composées de Salésiens et de laïcs, l'organisation des différentes initiatives de formation : les Salésiens offrent la sagesse acquise dans la formation, l'assistance et la spiritualité ; les laïcs offrent à leur tour, en plus de leurs compétences spécifiques, les fruits du contact avec le monde des métiers, une plus grande attention à la vie familiale, un style de simplicité et d'amitié dans leur relation avec les femmes et le sens évangélique de la vie quotidienne.
Enfin, il est bon de rappeler que la formation ne se fait pas seulement à travers des cours académiques, mais surtout à partir de l'expérience de la vie et du travail en commun, car « le premier et le meilleur moyen de se former et de former au partage et à la coresponsabilité est le fonctionnement correct de la communauté éducative et pastorale [CEP]. » (CG24, n. 43)
- Formation initiale et formation permanente des Salésiens
« Il est important de faire valoir que nous ne sommes pas formés pour la mission, mais que nous sommes formés dans la mission, à partir de laquelle tourne toute notre vie, avec ses choix et ses priorités. La formation initiale et la formation permanente ne peuvent pas être une instance préalable, parallèle ou séparée de l'identité et de la sensibilité du disciple. La mission inter gentes est notre meilleure école : à partir d'elle, nous prions, nous réfléchissons, nous étudions, nous nous reposons. Lorsque nous nous isolons ou nous nous éloignons des gens que nous sommes appelés à servir, notre identité de personnes consacrées commence à se défigurer et à devenir une caricature. » Ces affirmations fortes du Pape François dans son Message au CG28 nous disent l'importance d'un changement radical de perspective dans la formation de tous les confrères, et en particulier de ceux qui vivent la formation initiale : nous devons apprendre de plus en plus à réfléchir de manière critique sur l'expérience pastorale que nous vivons parmi les jeunes !
La formation dans et pour la mission partagée doit également toucher à la formation initiale des Salésiens, non seulement comme thème d'étude mais aussi à travers les expériences pastorales hebdomadaires et estivales. L'expérience de travail avec et sous la direction de laïcs pendant le stage (« tirocinio »), ainsi que la participation au Conseil de la communauté éducative et pastorale, sont des moments précieux de formation, surtout s’ils sont bien accompagnés par les membres du noyau animateur, tant laïcs que Salésiens.
- Collaborateurs d’autres religions et croyances
CHOISIR
- Église synodale, mission partagée et communauté éducative et pastorale
Nous assumons résolument la mission partagée entre Salésiens et laïcs, en valorisant la réciprocité des vocations.
Attitudes et mentalitÉs À convertir
- D'une mission confiée aux « rôles personnels » des personnes consacrées à une prise de conscience de l'ecclésiologie de communion et à la redécouverte du rôle du laïcat.
- De considération des laïcs comme de simples « collaborateurs » pour une meilleure mise en œuvre du travail apostolique à la prise en compte de la coresponsabilité des laïcs comme un critère charismatique fondateur.
- De la considération des jeunes comme de simples destinataires de nos interventions éducatives au sentiment qu'ils sont coresponsables de notre unique mission.
Processus À activer
- Les Secteurs de la Formation et de la Pastorale des Jeunes favoriseront l'élaboration de quelques lignes directrices pour l'animation et l'accompagnement de la communauté éducative et pastorale, à partir des « bonnes pratiques » de la Congrégation.
- Les Provinces accorderont une attention particulière à mieux comprendre ce qu'est la communauté éducative et pastorale, s'occuperont de la formation de ses membres et de la préparation du projet éducatif et pastoral salésien, et vérifieront périodiquement le cheminement effectué.
- Les Provinces confieront progressivement des rôles de responsabilité institutionnelle aux laïcs imprégnés du charisme et professionnellement préparés aux niveaux local et provincial, en les impliquant dans la planification pastorale et la gestion économique.
Conditions structurelles À garantir
- Les Provinces étudieront et définiront les modèles de gestion des différents types de tâches confiées aux laïcs dans le cadre d'un projet provincial (Plan Organique Provincial, Projet Éducatif et Pastoral Salésien Provincial, Directoire Provincial), en particulier en ce qui concerne les tâches, les nominations, la juste rémunération financière, la durée des mandats et les organes de décision.
- Les Provinces assureront un accompagnement sérieux des œuvres gérées par des laïcs, à travers la présence du Provincial et de l'Équipe d'animation provinciale, et élaboreront un statut à cet égard.
- Les Provinces impliqueront les Groupes de la Famille Salésienne dans le plan de réaménagement des présences salésiennes, en préparant des expériences de collaboration en faveur des plus pauvres.
- Formation conjointe pour la mission
Nous assurons des espaces et des temps de formation conjointe et de partage de vie entre Salésiens et laïcs, pour un meilleur service éducatif et pastoral auprès des jeunes.
Attitudes et mentalitÉs À convertir
- D'une formation conjointe sporadique et occasionnelle à une formation plus systématique qui visera à intégrer tous les aspects de la mission salésienne (spirituel, pédagogique, pastoral et professionnel).
- D'une formation dispensée uniquement par des personnes consacrées à une formation planifiée et réalisée avec les laïcs.
- D'une mentalité d'autosuffisance à une expérience réelle de la nécessité d'une formation conjointe.
Processus À activer
- Les Secteurs de la Formation et de la Pastorale des Jeunes promouvront une réflexion au niveau régional pour une compréhension et une appréciation renouvelées de la formation conjointe dans l'optique de la mission partagée.
- Le Secteur des Missions coordonnera une réflexion pour approfondir les conditions nécessaires à la participation de collaborateurs laïcs d'autres religions et croyances à la mission salésienne, en proposant des parcours de formation adaptés et différenciés, centrés sur les piliers du Système Préventif.
- Les Provinces investiront dans la formation conjointe – ainsi que dans la formation initiale – avec l'aide des structures régionales de formation permanente et en assurant un soutien économique pour permettre la participation des laïcs.
Conditions structurelles À garantir
- Les Provinces élaboreront un projet de formation conjointe qui distinguera les niveaux de formation, les contenus, les destinataires et les sujets, à travers des itinéraires diversifiés de formation (humaine, spirituelle, salésienne et professionnelle).
- La communauté locale mettra en œuvre des processus de formation pour Salésiens et laïcs capables de partager la vie spirituelle et fraternelle en plus de l'action éducative et pastorale.
- La communauté locale entreprendra des itinéraires pour construire la communauté éducative et pastorale et les Conseils de la communauté éducative et pastorale comme noyau d'animation et espace efficace pour mettre en route des expériences systématiques de spiritualité, de communion et de service avec les laïcs et avec les jeunes.
DÉLIBÉRATIONS DU CG28
MODIFICATIONS DES CONSTITUTIONS[65]
Élection du Recteur Majeur (C 128)
Le Recteur majeur est élu par le Chapitre Général pour une période de six ans et ne peut être réélu que pour une seconde période de six ans. Il ne peut se démettre de sa charge sans le consentement du Siège Apostolique.
Élection du Vicaire du Recteur Majeur et des Conseillers Généraux (C 142 §1)
Le Vicaire du Recteur Majeur reste en charge six ans et ne peut être réélu dans la même fonction que pour une deuxième période de six ans.
Au terme du premier mandat de six ans, le Vicaire du Recteur Majeur peut être élu Conseiller Général ou Recteur Majeur.
Au terme du deuxième mandat de six ans, il ne peut être élu que Recteur Majeur.
Les Conseillers Généraux restent en charge six ans. Ils peuvent être élus dans la même fonction ou dans une autre fonction comme Conseillers Généraux, uniquement pour un second mandat de six ans.
Au terme du premier ou du deuxième mandat de six ans, les Conseillers Généraux peuvent être élus Vicaire du Recteur Majeur ou Recteur Majeur.
MODIFICATIONS DES RÈGLEMENTS
Fonctions du Conseiller Régional (R 135)
Les Conseillers Régionaux se tiendront en contact avec chacune des Provinces : ils doivent les visiter périodiquement et réunir les Conseils Provinciaux.
En accord avec les Provinciaux, ils peuvent rencontrer les Directeurs et d'autres groupes de confrères et de laïcs pour leur proposer ce qu'ils considèrent comme le plus approprié pour le bien de la Congrégation et pour un meilleur service de la Province et de l'Église particulière.
Ils tiendront au moins une réunion annuelle avec tous les Provinciaux de la Région et se tiendront en lien avec les organismes de la Région, les communautés de formation et les Conférences Provinciales.
- Utilisation du système informatique pour les votes électifs (R 131)
La procédure d'élection s'effectue par le biais du système informatique (intranet). Tous les capitulaires ont accès pour cela aux données personnelles des confrères qui peuvent être élus. Les capitulaires expriment leur vote en sélectionnant le nom de famille du confrère pour lequel ils souhaitent exprimer une préférence,
En cas de dysfonctionnement technique du système informatique, on procède au vote par bulletin.
Les scrutateurs vérifieront si le nombre des suffrages correspond au nombre d'électeurs. Si le nombre des bulletins dépasse celui des électeurs, le scrutin est nul ; si, au contraire, il lui correspond ou lui est inférieur, on procédera au dépouillement. Les secrétaires écrivent au procès-verbal les noms qui sont lus par un scrutateur.
DÉLIBERATION
- Modalités du déroulement de la Visite Extraordinaire (R 104)
Le Recteur Majeur et le Conseil Général, au début du sexennat, fixeront le calendrier et les modalités du déroulement des Visites Extraordinaires dans chaque Région, en mettant à profit les possibilités offertes par l'art. 104 des Règlement Généraux, de façon à garantir, dans tous les cas :
- la possibilité d'un entretien personnel de chaque confrère avec le Délégué du Recteur Majeur ;
- la connaissance des situations locales où s'accomplit notre mission ;
- l'exercice effectif des pouvoirs de juridiction requis par la nature de la Visite ;
- la présence du Régional, au moins à certains moments de la Visite, si celle-ci est effectuée par un autre Visiteur ;
- la communication entre le Visiteur et le Régional afin que celui-ci puisse assurer un accompagnement ultérieur après la Visite ;
- des temps adéquats pour que le Conseiller Régional puisse accomplir les tâches propres à sa fonction au service de la Région et des différentes Provinces (C 140 et 154 ; R 135-137).