Fioretti de saint Jean Bosco # 40
Voyage sans passeport…
Fioretti de saint Jean Bosco
- Voyage sans passeport…
A Saint-Rambert-D’albon, dans la Drôme, habitait une dame Adèle Clément dont le mari tenait un commerce d’huile et de charbon. Le 14 octobre 1878 M. Clément s’en retournait de Chanas, bourg distant de cinq cents mètres environ de Saint- Rambert, où il avait fait une livraison. Chemin faisant il aperçoit un prêtre qui marchait péniblement. Pris de compassion il arrête son attelage et lui dit :
- « Vous m’avez l’air bien fatigué, monsieur le Curé ! »
- Oh, oui, brave homme. J’ai fait un si long voyage…
- Je vous offrirais bien une place dans ma carriole, mais en pareil attirail !
- Vous me faites bien plaisir, Monsieur. J’accepte, car je n’en puis plus.
Le prêtre monte dans la charrette qui était découverte et va s’asseoir tout au fond.
Un détail auquel ne prit pas garde le brave commerçant, mais qui lui revint à l’esprit par la suite, c’est qu’aucun des passants qu’il croisa ne parut remarquer la présence plutôt étrange d’un curé, coiffé d’un large tricorne, au fond de la charrette d’un charbonnier…
On arrive bientôt au village. M. Clément tend la main au prêtre, l’aide à descendre, puis lui offre la plus cordiale hospitalité. On s’empresse autour de l’hôte, on lui demande son nom ; il se récuse, disant simplement : « Dans quelques années mon nom sera imprimé sur des livres. Vous saurez alors qui je suis. »
Au cours du repas les braves gens narrent par le menu leurs peines de famille. Ils confient au prêtre que, par suite d’un pénible accident, leur fils est devenu aveugle, sourd et muet ! Ils ont prié tous les saints du ciel, disent-ils, mais sans résultat.
- « Priez encore dit l’inconnu et vous serez exaucés ! »
- Que voulez-vous dire ? interroge la maman. Il est si impotent que nous avons dû le confier à une personne amie à Coinaud, pas très loin d’ici.
Sur ce le père verse, à boire à son hôte. « Conservez ce carafon en souvenir de moi, dit l’abbé en souriant » Et de son doigt il désigne un pichet de terre cuite précieusement conservé encore aujourd’hui.
Vers la fin du repas M. Clément sortit pour faire boire son cheval. Le prêtre se leva également et dit à son hôtesse :
- « Madame, il faut que je parte. »
- « Attendez, monsieur le Curé, mon mari revient de suite. Il vous conduira voir le petit.
- Une voix m’appelle, reprit le prêtre. Il faut que je parte. »
Et il s’en fut. Mme Clément prévint son mari qui attela en hâte, sûr de rejoindre le voyageur en chemin. Sa femme monta auprès de lui. Mais ils eurent beau fouetter leur cheval, ils ne rejoignirent personne ! « Il se sera trompé de route ? » pensèrent-ils.
Arrivés chez la nourrice, celle-ci leur fait part, encore tout émue, de la venue d’un prêtre qui a voulu voir le petit, l’a béni et puis guéri ! Ce que les parents purent constater avec la joie que l’on devine…
Ils s’enquièrent du moment de la venue de ce prêtre, de sa physionomie… Nul doute n’est possible ; c’est celui qu’ils ont hébergé et qui a brusquement disparu. Chose déroutante : son arrivée à Coinaud coïncide avec l’heure de son départ de Saint-Rambert !
Sept ans passèrent sans apporter le moindre éclaircissement à ce fait mystérieux. Un jour de 1885 une des personnes qui avaient vu le prêtre chez la nourrice lors de son étonnante visite apporta aux époux Clément un livre qui parlait de Don Bosco et donnait son portrait. Tous deux le reconnurent aussitôt : le prêtre du miracle, c’était lui !
Ce fait demeura cependant encore longtemps inconnu du public. Ce n’est que le 10 avril 1888, près de trois mois après la mort du saint, que Mme Clément, guérie d’une infirmité assez sérieuse par l’intermédiaire de Don Bosco, écrivit une relation des deux faits à Don Rua, premier successeur du fondateur à la tête de la Congrégation salésienne.
La petite-fille de Mr et Mme Clément, dont la mère venait de mourir à Lyon après avoir elle-même témoigné du fait par une lettre du 18 avril 1932, retraça le récit comme elle le tenait de ses parents et grands-parents.
Notons en terminant que ce 14 octobre 1878 un double miracle avait eu lieu : celui de la guérison du fils des époux Clément et le fait que ce même jour Don Bosco se trouvait à Turin… D’où ses déplacements aussi étranges que rapides…
Ce phénomène bien connu des mystiques, est appelé bilocation.