Exhortation a prendre soin de la priere communautaire
du Pere Manolo Jimenez, provincial de l'ACC
Dans sa 13ème circulaire du Provincial, le père Manolo présenta cette belle réflexion sur l’animation de la prière communautaire. Il nous permet de mettre cet extrait à la disposition des confrères de la région en la postant sur le site SAFCAM.
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Je me propose de réfléchir avec vous au cours des trois trimestres de l’année pastorale 2020-21 autour des trois objectifs provinciaux de notre PAG. Ainsi donc, je nous invite à creuser dans la matière du premier de ces objectifs, qui est libellé comme suit : « S’engager dans la préparation et animation de la prière communautaire pour revigorer notre conscience du primat de Dieu ».
- La préparation de la prière communautaire
La qualité et l’impact de n’importe quelle démarche ou activité humaine dépend en bonne mesure de sa préparation. Une homélie, une fête, une catéchèse, une célébration non préparées deviennent certainement un fiasco. Les grandes solennités de l’année liturgique sont toutes précédées d’un long temps de préparation, que nous appelons « temps forts ». Nous avons tous vécu la désagréable expérience de l’improvisation, des activités réalisées de façon hâtive, à la vaille que vaille, en regrettant le manque de sérieux de la part de ceux qui devaient s’occuper de la préparation.
C’est sûr que nous préparons soigneusement ce qui nous tient à cœur et nous prenons donc toutes les dispositions qui sont à notre portée pour garantir le bon résultat des engagements que nous considérons particulièrement importants et significatifs pour nous. Que pouvons-nous dire de la préparation de notre prière communautaire ? Réservons-nous le temps convenable pour nous y préparer comme il le faut ? La valeur que nous attribuons à la prière en communauté, nous encourage-t-elle à nous investir pour qu’elle soit de qualité ? Face au danger, malheureusement très présent, de la routine et du formalisme, comment nous prenons-nous pour promouvoir une prière « joyeuse et créative, simple et profonde, [qui] s’ouvre à la participation communautaire, [qui] adhère à la vie et se prolonge en elle ? »[1].
Notre chapelle : le cadre de la prière communautaire
Le lieu réservé dans notre maison communautaire pour les rencontres de prière, là où se trouve le tabernacle, présence réelle et vivante de Jésus, comment est-il entretenu ? La propreté, l’ordre et la beauté des endroits destinés à la liturgie ont conduit les peuples à la construction des véritables œuvres d’art dans tous les continents du monde. Nous admirons le cadre que, dans certains lieux, nous est offert pour la prière et nous convenons que cette beauté contribue à constituer des sanctuaires, des églises et des chapelles vraiment « priantes » ! Pouvons-nous, en toute honnêteté, appliquer cet adjectif à notre chapelle communautaire ? Comment en prenons-nous soin ?
Un chapitre qui mérite un mot c’est celui de la « décoration » de nos chapelles. Quand est-ce que nous plaçons une affiche au mur en consonance avec une fête ou un temps liturgique ? Ou bien un texte écrit qui peut inspirer notre prière ? Ou des éléments décoratifs qui rendent la chapelle plus belle, plus accueillante, plus « priante » ? Les fleurs, les bougies, les icônes, les tableaux ont une fonction dans la création d’un environnement qui invite au recueillement, à la méditation, au dialogue profond avec le Seigneur.
La présence ponctuelle
L’activité humaine de la prière, que ce soit personnelle comme communautaire, demande des dispositions particulières de sérénité, de recueillement, de concentration. Ces dispositions seront mieux garanties si nous réussissons à être présents à la chapelle bien avant le début de la célébration. Le moment de silence qui précède l’ouverture de la prière n’est pas un temps « vide » ou d’une simple attente, mais il a une valeur précieuse pour favoriser la ferveur dont je vous parlerai après. Faire notre entrée dans la chapelle de façon hâtive, à la dernière seconde ou, pire encore, en retard, ne peut que déranger le climat intérieur de quiétude du cœur, indispensable pour notre dialogue serein et profond avec le Seigneur.
La petite pause que nous nous accordons pour marquer le changement intérieur entre l’activité que nous venons de conclure et le début de la célébration a des effets très salutaires, si nous aspirons à optimiser nos moments communautaires de prière. Par contre, passer d’une démarche à l’autre sans un temps d’intervalle c’est provoquer un mauvais début de notre prière. Le même discours peut être fait pour la transition entre la conclusion de la célébration et la reprise des engagements de la journée.
Savons-nous que Don Bosco se donnait un quart d’heure de recueillement avant la célébration eucharistique et encore d’autres quinze minutes au terme de la Messe pour le remerciement au Seigneur ? C’est un témoignage de notre Père et Fondateur qui peut bien inspirer notre volonté de vivre avec piété nos rencontres communautaires de prière.
La disposition personnelle
Ce qui a été dit précédemment sur la chapelle et sur la ponctualité nous donne la possibilité de créer les conditions externes adéquates pour la prière, mais tout cela ne remplace pas notre effort de nous disposer intérieurement à la rencontre avec le Seigneur et avec les confrères avec qui nous partageons la foi à travers son expression liturgique : « lex orandi, lex credendi »[2].
Même si cela peut sembler une vérité évidente, pour réussir la prière il faut « vouloir prier », sans participer à la célébration par de simples raisons de respect de l’horaire communautaire. Sans le mouvement intérieur de la volonté, notre prière communautaire ne sera qu’un formalisme et du temps gaspillé. Enfin, dans cette disposition personnelle l’invocation –personnelle ou communautaire- de l’action de l’Esprit en nous devient capital pour la réussite de la prière. Nous le faisons habituellement au terme des Laudes, au début de la méditation matinale, mais avouons le risque d’une récitation de la prière d’invocation sans que le cœur y soit !
L’animation de la prière communautaire
Le terme « animation » fait référence à notre âme [anima]. En effet il s’agit d’un service destiné à toucher le cœur !
Les animateurs
Le confrère responsable de cette animation assume une tâche par laquelle il veut offrir une collaboration aux dispositions personnelles des autres participants, pour favoriser l’entrée dans un climat de prière. Il cherche donc à se préparer préalablement pour que la prière de louange et remerciement, pénitentielle ou d’intercession soit vécue dans la véritable ferveur.
L’animateur se sert des moyens qui sont à sa portée pour aider les confrères. Parmi tant d’autres, j’en cite deux qui nous sont proposés dans notre Feuille de route : « La participation est favorisée par la musique et le chant, et par les moments de contemplation et de silence »[3]. Le domaine de l’animation musicale mériterait des considérations dans lesquelles nous ne rentrons pas dans cette lettre circulaire par manque d’espace. De par leur nature, les hymnes, les psaumes et les cantiques sont tous faits pour être chantés plutôt que récités (qui récite parmi nous l’hymne nationale au lieu de le chanter ?). Nous exercer, à partir du service de l’animateur, à bien chanter dans nos célébrations communautaires contribue valablement à embellir nos liturgies et à élever l’âme vers Dieu. Cela demande l’ascèse de notre participation aux répétitions des chants, mais souvent ces répétitions se limitent uniquement aux maisons de formation initiale. Pourquoi dans les communautés ordinaires ne trouverions-nous pas une vingtaine des minutes dans la semaine pour la répétition hebdomadaire des chants ?
Une dernière observation à propos des animateurs : comme je l’ai déjà proposé au cours de la rencontre provinciale des directeurs du mois passé, ne confions pas l’animation de la prière communautaire aux aspirants qui sont accueillis dans nos maisons avant la fête de Pâques, et ne laissons pas non plus ce service de façon habituelle dans les mains des stagiaires. Mettons en application ce que recommande notre Feuille de route : « Tous les confrères, à tour de rôle, participent à l’animation de la prière et assurent sa bonne préparation et sa qualité »[4].
Les destinataires de l’animation de la prière
Le meilleur des animateurs ne réussira pas son service s’il trouve une assemblée froide, routinière, insensible et réticente aux propositions d’animation. La condition requise pour cette réussite c’est –comme il est déjà dit- celle de « vouloir prier », et donc l’adhésion aux indications de l’animateur, même quand nous aurions préféré une autre modalité d’animation ou que nous aurions fait d’autres choix.
Évidemment, les propositions de l’animateur oscillent entre les diverses possibilités qui sont permises par les normes de l’Église en matière liturgique. Souvent nous ne savons pas mettre en valeur les différentes alternatives possibles en nous contentant de répéter à maintes reprises les mêmes tendances, alors que la variété et créativité sont des valeurs qui trouvent leur place dans l’animation de la prière communautaire.
Le but de l’animation : la ferveur
La liturgie communautaire est une démarche avec des gestes extérieurs qui sont posés pour toucher notre monde intérieur. Se contenter d’une belle liturgie, très soignée dans ses aspects esthétiques sans provoquer l’adhésion intérieure au Seigneur, la communion profonde avec Lui, la véritable conversion, c’est réduire les gestes liturgiques à une comédie qui n’a pas d’effets dans la vie personnelle des participants.
Puisque la prière ne peut être comprise et vécue que dans la dynamique de l’amour, nous chercherons à nous servir de l’animation liturgique pour ancrer davantage nos cœurs en Dieu et pour exprimer de façon plus décisive notre relation d’amour avec Lui. La ferveur devient ainsi ce mouvement du cœur qui soutient notre alliance d’amour avec le Seigneur et qui nous propulse à vivre en Lui et pour Lui !
Liaison entre la prière et la vie[5]
Notre « spiritualité du quotidien »[6] sait dépasser le clivage entre prière et vie, entre action et contemplation. L’instrument de mesure pour évaluer la qualité de l’animation de la prière communautaire n’est pas la beauté de nos célébrations mais plutôt notre conversion personnelle aux valeurs évangéliques et salésiennes dans la vie de chaque jour. En effet, une bonne animation liturgique réussit à intensifier notre expérience journalière de communion profonde avec le Seigneur et par conséquent notre vie quotidienne se voit transformée par la présence agissante de Dieu en nous.
À ce propos, notre Recteur Majeur nous disait au terme du CG27 : « La grâce d’unité (…) permet l’unification de notre vie : prière et travail, action et contemplation, réflexion et apostolat »[7]. Le même CG27 avait choisi l’icône de la vigne et les sarments comme symbole de l’unité profonde entre la vie mystique et apostolique.
Puisque le but de la prière c’est la croissance dans la communion d’amour avec Dieu qui nous envoie à porter en Son nom le message de libération, la ferveur promue par une bonne animation de la prière communautaire favorise « le travail apostolique qui doit se transformer en rencontre sanctificatrice avec Dieu »[8] et facilite l’expérience d’une « prière de l’apôtre qui vit avec Jésus et travaille pour Lui ! »[9]. Ainsi donc, l’animation liturgique vise la sanctification des participants à la prière communautaire et l’intégration entre action et contemplation.
L’article des Constitutions qui clôt la section sur le dialogue avec le Seigneur propose deux modalités de prière que l’animateur prendra en considération pour renforcer la liaison entre prière et vie, à savoir : la prière de louange[10] et la prière d’intercession[11]. Dans cette perspective, l’exercice de la mission loin de constituer un obstacle à notre vie spirituelle, il la renforce, en développant un dialogue avec le Seigneur qui –en paroles de Sainte Thérèse d’Avila - est « un pacte d’amitié, en nous entretenant souvent avec Celui que nous savons qui nous aime »[12].
Cet article 95 couronne non seulement la section sur le dialogue avec le Seigneur mais aussi toute la deuxième partie de nos Constitutions qui présente, dans sa structuration, la description de l’identité d’un Salésien de Don Bosco : envoyés aux jeunes – en communautés fraternelles et apostoliques – à la suite du Christ, obéissant, pauvre et chaste – en dialogue avec le Seigneur, en étant ainsi une sorte de synthèse de la vie des confrères. Nous y lisons : « Le salésien apprend à rencontrer Dieu à travers ceux auxquels il est envoyé ». C’est un art qui s’apprend car il n’est pas inné. En effet, la version précédente de cet article, issu du XXème Chapitre Général Spécial disait plutôt : « Pour le salésien, plongé dans le monde et les soucis de la vie pastorale, rencontrer Dieu dans la liberté et dans la spontanéité du fils peut devenir parfois difficile ». Le service de l’animation liturgique n’ignore pas cette difficulté et cherche à la résoudre en facilitant –par de propositions adéquates- la rencontre avec Dieu dans la liturgie et aussi dans le service éducatif et pastoral. C’est une intégration entre l’expérience pastorale et l’expérience apostolique qui est corroborée par l’exemple de Don Bosco qui « a vécu l’expérience d’une prière humble, confiante et apostolique, qui unissait spontanément l’oraison et la vie »[13]. Il ne s’agit donc pas de « laisser à la porte de la chapelle » nos soucis et projets apostoliques, mais d’en faire l’objet de notre dialogue avec le Seigneur, sans créer un divorce entre prière et vie.
Conclusion
Au terme de ce que je partage avec vous en ce jour de la mémoire liturgique de Notre Dame du Rosaire, confions à Celle qui avait guidé les pas de Don Bosco de nous soutenir dans nos démarches d’une vie spirituelle profonde et d’un service missionnaire sage et généreux.
Pour le partage en communauté - Quels sont nos avis par rapport aux soins apportés à la chapelle et sacristie communautaires ? Et nos appréciations concernant notre ponctualité et dispositions personnelles pour la participation à la prière liturgique en communauté ? - Quel degré de créativité et de ton festif promouvons-nous dans notre prière communautaire ? - Comment favoriser davantage la liaison entre notre prière et notre vie apostolique ? |
Manolo Jiménez – Provincial ACC
[1] C 86 § 3
[2] Ancien dicton qui remonte au 5ème siècle, attribué au Pape St Célestin Ier, et repris par de nombreux autres Papes tels que Benoît XIV, Léon XIII, Pie XI et Pie XII. Il signifie que la loi de la prière détermine la loi de la croyance.
[3] FR 2.6.1.2.
[4] Ibidem.
[5] Cf. I. COELHO, La vie comme prière. ACG 421. Rome 2015.
[6] Cf. CG23, 162 – 164
[7] Á. FERNÁNDEZ ARTIME, Présentation du document capitulaire du CG27, Rome 2014.
[8] Projet de Vie des Salésiens de Don Bosco, tome II, commentaire à l’article 95 des Constitutions. Rome 1986.
[9] Ibidem.
[10] « S’il découvre les fruits de l’Esprit dans la vie des hommes, spécialement des jeunes, il rend grâce en toute chose ».
[11] « Quand il partage leurs problèmes et leur souffrances, il invoque pour eux la lumière et la force de Sa présence ».
[12] Sainte Thérèse de Jésus, Libro de su Vida, 8, 5.
[13] C 86 § 1