LA PAUVRETÉ COMME MISSION POUR LA COMMUNAUTÉ

VOEU DE PAUVRETE - 3

LA PAUVRETÉ COMME MISSION POUR LA COMMUNAUTÉ

LA PAUVRETÉ COMME MISSION POUR LA COMMUNAUTÉ

(cf. T. J. van Bavel, Au cœur de la vie religieuse)

Il est probablement encore plus difficile pour une communauté de se retirer du système social que pour un individu. Cela montre à nouveau la relativité de l'idéal de pauvreté religieuse. Car il ne faut pas imaginer qu'il serait possible de se retirer absolument de la société. Aucun être humain ne le peut. En peu de temps, cela conduirait à la famine et à une disparition silencieuse. Une telle chose n'est même plus une utopie, mais simplement une impossibilité.

Où se situe alors une tâche possible pour une communauté religieuse face à la pauvreté matérielle ? Depuis Pacôme, les moines ont travaillé pour distribuer et les portes du monastère étaient ouvertes aux pauvres. Pour Basile, la pauvreté religieuse prend encore plus le sens de la solidarité avec les plus démunis ; pour lui, la pauvreté visait la justice sociale. Augustin voyait la pauvreté principalement comme une réalisation de l'unité et de l'amour interpersonnel (communion) entre les gens ; cette communion était pour lui la plus haute de l'existence humaine. L'accent de Benoît s'est déplacé vers la pauvreté comme égalité et fraternité. Cîteaux s'opposait à la possession d'églises, d'autels, d'offrandes, de cimetières, d'impôts, de moulins, de vastes domaines, et d'avoir des serviteurs ; il y avait une protestation claire contre la société féodale de l'époque. Pour Bernard, l'or dans les églises n'a absolument aucun sens, tant que l'Église a besoin de pauvres. Dominique et François étaient en relation étroite avec les mouvements de protestation contre la pauvreté de leur temps ; ils ne voulaient pas vivre « comme » les pauvres, mais ils voulaient partager les conditions de vie vulnérables des pauvres, si nécessaire en mendiant avec les mendiants. Ils ont volontairement renoncé à toute sécurité sociale. Ils partageaient la pauvreté de ceux qui devaient tout attendre des autres et qui étaient donc rejetés et méprisés par la société. Même les origines des béguines semblent s'expliquer en partie par la mise à disposition d'un abri pour des concitoyens devenus pauvres sans leur faute.

Dans tous ces cas, la pauvreté matérielle n'est pas recherchée pour elle-même, mais comme lutte contre la misère. Cependant, cela doit être bien compris. Ce serait un malentendu de voir la « lutte » contre la misère simplement comme une aide matérielle.  L'aide matérielle peut être bonne et nécessaire, mais elle revient souvent à panser les plaies sans en éliminer la cause. En fin de compte, il s'agit toujours de l'homme lui-même : du développement de l'homme et donc du développement du monde. La pauvreté volontaire est une tentative de créer plus d'humanité.

Tout d'abord, cela nécessite une très grande conscience des problèmes mondiaux actuels. Cela s'applique non seulement au religieux individuel, mais peut-être encore plus à une communauté religieuse dans son ensemble. Elle doit savoir où se situent ses besoins et où elle peut investir le plus efficacement son capital et ses ressources. Peut-être devra-t-elle à l'avenir abandonner des œuvres déjà bien connues auxquelles elle se consacre depuis longtemps, car ces activités ont perdu leur urgence et leur efficacité. Elle devra peut-être passer à d'autres activités à l'avenir. Par la suite, une communauté religieuse devra contribuer à la prise de conscience de l'humanité, à la fois dans son propre pays et dans d’autres pays en développement. Les spécialistes s'accordent de plus en plus à dire que dans un pays en développement, il faut sensibiliser la population locale pauvre à son état plutôt que l'aider matériellement de manière un peu désordonné.   Il vaut bien mieux que l'initiative vienne de la population elle-même que de prendre des initiatives qui laissent les gens sur place indifférents. Pour son propre pays (riche), la formation de la conscience à ce moment revient généralement à « cultiver une mauvaise conscience ». Après tout, personne qui sait que la prospérité est entre les mains d’une minorité de la population mondiale ne peut se permettre d'avoir la conscience tranquille. La signification du monde intérieur de la vie religieuse est un coup en l'air quand on n'a pas d'œil pour la vraie injustice. Aucune communauté religieuse ne peut rester neutre. En fait, si elle est neutre, elle opte pour la situation existante et se range aux côtés de ceux qui tiennent le « pouvoir ». Elle doit, de par sa nature, prendre parti pour les opprimés.