Fioretti de saint Jean Bosco # 34
Un saint qui mange du gâteau
Fioretti de saint Jean Bosco
- Un saint qui mange du gâteau
Un jour de l'année 1880 deux honorables dames de Nice tenaient à peu près ce langage :
- Chère madame Beaulieu, disait l’une, Don Bosco vient d’arriver dans notre ville. Le connaissez-vous ?
- Non !
- Eh bien, c’est un saint ! Un saint qui fait même des miracles…
- Un saint, ma chère ? En êtes-vous bien sûre ? Moi j’en ai connu un, un vrai. Je suis allée à Ars naguère et j’ai vu son curé. Ah ! oui, celui-là c’était un vrai saint. Il ne mangeait presque rien, à peine quelques méchantes pommes de terre cuites à l’eau. Il faisait des pénitences extraordinaires et il avait un visage d’une maigreur ! C’était impressionnant.
- Don Bosco n’est pas aussi maigre que votre bon curé d’Ars, répondit la première de ces dames, mais il use tout de même sa vie au service du Bon Dieu et des pauvres, surtout des orphelins.
- Eh bien ! chère amie, je ne demande qu’à faire sa connaissance. Je vous dirai si c’est un saint. Où peut-on le voir ?
- Rien de plus facile. Il déjeune demain chez une de mes amies. Je vous y emmène si vous voulez.
- D’accord, chère madame. A demain.
Ce qui fut dit fut fait… Le lendemain nos deux dames arrivaient dans la famille où le saint était invité. Elles se placèrent au bon endroit afin de bien voir cet hôte illustre.
Dès le début. Don Bosco prend le verre qui était devant lui, le lève puis, souriant, boit à la santé de la famille qui le recevait si gentiment.
Mme Beaulieu en fut mal impressionnée. « Un vrai saint, se dit-elle, ne boirait pas ainsi du bon vin ! »
Le repas continue… Don Bosco y montre un visage gai, causant aimablement avec ses voisins, parlant de ses œuvres, de ses projets et surtout de ses enfants. Tout en parlant il mangeait comme tout le monde. Arrivé au dessert on lui présenta un superbe gâteau. « Que va-t-il faire ? » se demanda Mme Beaulieu. Il en prit une bonne part, tout simplement…
Cette fois notre dame fut au bord du scandale. « Un vrai saint, pensa-t-elle, ne mange pas de gâteau comme cela ! Il se mortifie. Non, vraiment, ce Don Bosco n’est pas ce que mon amie m’avait dit ! » Sur ce on se leva de table après une courte prière.
Mme Beaulieu en profita pour approcher Don Bosco et le saluer. Elle le fit en grande dame qu’elle était, avec beaucoup de compliments. Quand elle eut terminé, le saint lui glissa à l’oreille avec un fin sourire : « Madame, saint Paul a dit : « Quand vous mangez ou quand vous buvez, faites tout au nom du Seigneur et pour sa gloire ! »
A ces mots notre pauvre dame fut abasourdie. Elle aurait voulu rentrer sous terre ! Ce prêtre, qui mangeait du gâteau, avait donc deviné ce qu’elle pensait ; il avait lu dans son cœur ! C’était donc un saint, un vrai, malgré les apparences ! Du coup Mme Beaulieu fut convertie ! Et à partir de ce jour elle devint une fervente bienfaitrice de Don Bosco.
Cette anecdote eut son pendant à Lille, quelques semaines plus tard. Ce soir-là à la table de Monsieur de M. on était arrivé au dessert et une superbe tarte se mit à circuler. A cet instant Don Bosco vit deux de ses voisines de table qui, penchées l’une vers l’autre, se disaient certainement : « C’est un saint, vous allez voir, il n’en prendra qu’un tout petit morceau ! » Or Don Bosco s’en coupa un remarquable triangle. Ce que voyant l’une des voisines murmura dans l’oreille de l’autre : « On voit bien que s’est un saint : il veut par ce geste nous faire croire qu’il ne l’est pas ! »
« Voyez-vous, disait Don Bosco en racontant malicieusement ce trait à ses fils de Turin, l’important dans la vie est de jouir d’une bonne réputation. Après cela on peut se permettre tout ce qu’on veut ! »