Fioretti de saint Jean Bosco # 38
Le Grigio en Amérique
Fioretti de saint Jean Bosco
- Le Grigio en Amérique
Ceci a été connu en l’année 1956. Un jour le Supérieur des Salésiens de Lyon trouva dans son courrier une lettre timbrée à la gracieuse effigie de la Reine Elisabeth d’Angleterre. Le pli avait été posté au Canada. Le Père l’ouvrit avec précaution, car l’enveloppe était fort mince, l’envoi ayant été fait par voie aérienne… La missive était datée de Québec et elle portait pour signature : une religieuse de Jésus- Marie.
Or voici ce que cette sœur canadienne écrivait :
« Mon Révérend Père,
Ceci est un fait authentique et ma vieille tante me l’a raconté souvent. Il s’est passé au mois de juillet mais je ne puis préciser exactement l’année. En ce mois d’été consacré chez nous à honorer la bonne sainte Anne, les pèlerins se rendent nombreux au célèbre sanctuaire canadien de Beaupré. Du temps où ma tante était jeune on avait une foi beaucoup plus grande qu’aujourd’hui… Aussi n’était-il pas rare de voir de simples femmes entreprendre une marche de plus de trente kilomètres pour aller rendre leurs hommages à la mère de la Sainte Vierge ! Par un beau clair de lune ma tante Céline, accompagnée d’une amie, voulut accomplir ce pèlerinage. Munies d’un réticule, où elles avaient mis ce qui leur était nécessaire pour la route, elles partirent, récitant dévotement leur chapelet. De temps à autre elles s’asseyaient, pour se reposer, sur les marches de quelque vieille église de village et faisaient un brin de causette… Elles avaient ainsi marché pendant deux heures environ et il était près de minuit quand elles entendirent soudain des voix d’hommes chantant des refrains qui étaient loin d’être des cantiques de pèlerinage… Peu à peu les voix se rapprochent, accompagnées de gros rires. Tante Céline et sa compagne tremblent de tous leurs membres. Soudain, au détour du chemin, voilà que débouche un groupe de marins en goguette, le calot sur l’oreille. Nos deux voyageuses se souviennent alors qu’une frégate est ancrée depuis la veille dans le port de Québec. Voici donc l’équipage ! En zigzaguant nos hommes se dirigent vers les jeunes filles et les apostrophent cavalièrement. Morte de frayeur, ma tante lance alors un appel désespéré à Don Bosco. Elle a lu sa vie, elle reçoit le Bulletin Salésien et elle sait que le saint de Turin est tout-puissant. A l’instant même un énorme chien bondit sur la route et vient se placer devant elle. Faisant face aux matelots, il leur montre des crocs menaçants ! Il a l’air ainsi de leur dire : « Avancez maintenant, si vous en avez le courage ! » Mais les marins sont impressionnés par la taille de l’animal et ils jugent prudent de ne pas se mesurer avec lui. L’air faussement dégagé, ils reprennent leur route puis disparaissent.
Le danger passé, nos deux pèlerines se demandent d’où a bien pu venir un pareil molosse. Loin d’ailleurs de les abandonner voilà qu’il s’attache à leurs pas. Et sa taille est si énorme qu’elle les intimide… Lui par contre a l’air de les connaître depuis toujours ! Si elles changent de côté, il les suit. Si elles s’assoient, il les attend ! Il les accompagna ainsi jusqu’à ce qu’elles arrivent au sanctuaire de Sainte-Anne. A ce moment le jour commence à poindre. C’est seulement alors qu’elles s’aperçoivent avec étonnement que la bête est d’un beau gris foncé. « Oh ! s’écrie tante Céline. Le chien de Don Bosco ! » Tout heureuses nos voyageuses entrent dans le sanctuaire pour faire leurs dévotions. Le chien fait mine de s’installer près de la porte pour les attendre. Hélas ! quand elles sortiront il aura disparu sans que personne ne puisse en donner des nouvelles !
Comme à Turin le brave Grigio avait voulu garder l’anonymat…