Huit ans de pontificat : les huit chantiers ouverts par François
Écologie, migration, synodalité, transparence financière, lutte contre les abus ou bien dialogue avec l'Islam...
Huit ans de pontificat : les huit chantiers ouverts par François
Écologie, migration, synodalité, transparence financière, lutte contre les abus ou bien dialogue avec l'Islam... Depuis son élection le 13 mars 2013, le pape François s’attache à guider la barque de l'Église pour qu'elle réponde plus encore à sa mission d'évangélisation. Retour sur huit chantiers conduits par le pontife argentin en huit ans de pontificat.
1 - UNE ÉGLISE POUR LES PÉRIPHÉRIES
« Au sujet du prochain pape, il faut un homme qui, à partir de la contemplation et de l’adoration de Jésus Christ, aide l’Église à sortir d’elle-même pour aller vers la périphérie existentielle de l’humanité ». Ces paroles sont prononcées par le cardinal Bergloglio six jours seulement avant son élection à la chaire de Pierre. Le futur pontife argentin en est convaincu : une Église auto-référencée et autosuffisante est une Église qui se meurt. Pour retrouver sa vitalité, la barque de Pierre doit se rendre aux périphéries.
Cette feuille de route va pousser le pape François à s’adresser aux non chrétiens, dans Laudato si’ ou Fratelli tutti notamment, mais aussi aux pauvres et miséreux que les sociétés modernes ne regardent pas. Elle le conduira à visiter des pays qu’aucun évêque de Rome n’avait encore atteints, comme la Péninsule arabique, en février 2019 ou bien l’Irak en mars 2021. Elle l’amènera à aborder certains sujets avec une perspective plus pastorale que dogmatique.
2 - UNE ÉCOLOGIE INTÉGRALE
Rarement une encyclique aura eu un tel retentissement dans le monde. Laudato si’, le texte du pape François sur la sauvegarde de la Maison commune paru en mai 2015, est parvenu à rejoindre des millions de personnes éloignées du catholicisme mais préoccupées par l’urgence du réchauffement climatique.
François, qui avait confié avoir notamment choisi son nom garde toujours à l’esprit l’enseignement du Poverello d’Assise sur le respect de la Création. Il a donc lancé un cri en réactualisant l’enseignement l’Église sur l’écologie.
Avec lui, le refrain « tout est lié » est devenu un slogan. Le terme « écologie intégrale », un programme. Si les bases d’un pont avec le monde sur les enjeux écologiques ont été jetées par François, reste à poursuivre la véritable conversion des cœurs des non-chrétiens – mais aussi des chrétiens – pour « collaborer comme instruments de Dieu pour la sauvegarde de la Création ».
3 - LE PAPE FRANÇOIS ET LA CRISE MIGRATOIRE
2013 : le pape François n’est installé sur le trône de Pierre que depuis quelques semaines quand il décide de se rendre sur la petite île italienne de Lampedusa pour « pleurer les morts » de l’immigration. Face à la mer, après un long moment de recueillement, il jette une couronne de fleurs à la mémoire des milliers de personnes noyées dans la Méditerranée, une mer devenue avec la crise un « grand cimetière ». Ce geste est le premier d’une longue série.
En 2015, dans un appel inédit, il demande que chaque paroisse d’Europe accueille une famille de migrants. Un an plus tard, de retour d’un voyage à Lesbos (Grèce), il ramène avec lui trois familles syriennes musulmanes pour les installer au Vatican.
Face aux critiques, le pape François réaffirme régulièrement le droit de « pouvoir émigrer » et celui de « ne pas devoir émigrer ». Il rappelle également la capacité des pays d’accueil à trouver le juste équilibre entre le double devoir moral de protéger les droits de ses propres citoyens, et celui de garantir l’assistance et l’accueil des migrants.
4 - LE PAPE FRANÇOIS ET LA CRISE DES ABUS SEXUELS
Le pontificat du pape François est jalonné par une série de révélations d’abus sexuels qui le poussent à prendre des mesures pour faire toute la transparence sur les crimes passés et pour se prémunir de ce fléau à l’avenir. Dans une Lettre au peuple de Dieud’août 2019, le Pape s’inscrit dans le sillage de Benoît XVI et fait part de sa « honte ». Reconnaissant les failles de l’Église, il estime que le « cléricalisme » a pu encourager et perpétuer « beaucoup de maux que nous dénonçons aujourd’hui ».
En février 2019, il convoque un sommet sur les abus à Rome. Quelques semaines plus tard, une task-force pour aider les diocèses à lutter contre les abus est déployée puis un motu proprio obligeant notamment les clercs à dénoncer les cas d’abus dont ils ont connaissance est publié. En novembre 2020 paraît un rapport inédit sur l’ex-cardinal McCarrick. Commandé par le Pape, il fait la lumière sur la manière dont l’ancien haut prélat américain a pu évoluer dans la hiérarchie de l’Église tout en étant suspecté d’avoir abusé des séminaristes. Preuve que plus personne ne doit désormais se sentir protégé par l’institution.
5 - LA RÉFORME DE LA CURIE ET LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE
« Alzheimer spirituel », « visage lugubre », « rumeur », « médisance », « commérage », « profit mondain », « exhibitionnisme »… Dans son discours devenu célèbre des quinze maladies de la Curie romaine prononcé à Noël 2014, le pape François n’avait pas ménagé son administration. Outre la réforme spirituelle exigée par le pape lors de ce discours, le pontife argentin s’est très vite donné les moyens de mener une réforme structurelle de la Curie. Il s’est pour cela entouré d’un petit groupe de travail collégial de cardinaux venus des cinq continents.
Outre la réforme des organes de communication du Saint-Siège ou bien le regroupement de conseils pontificaux, le pape et son Conseil se sont attaqués à la gestion des finances au Vatican. La feuille de route était claire : lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, transparence, simplification et clarification des processus de décision.
Par le limogeage manu militari en septembre 2020 de l’ancien numéro 3 du Vatican, le cardinal Angelo Becciu – alors soupçonné d’avoir commis des abus lorsqu’il était substitut de la Secrétairerie d’État – le pape François accélère sa réforme. En plus des mesures anti-corruption et de discours chocs sur l’établissement d’une « finance propre », il décharge la très puissante Secrétairerie d’État de l’administration de tous les fonds financiers et actifs immobiliers qu’elle exerçait jusque-là. Cette restructuration historique et les autres réformes menées depuis le début du pontificat doivent désormais être gravées dans le marbre de la future Constitution apostolique.
6 - LE DIALOGUE AVEC L'ISLAM
Le pape François salue le grand imam égyptien Azhar Ahmed Al-Tayeb, à Abou Dabi, février 2019.
Le dialogue avec l’islam a atteint un niveau inédit sous le pontificat du pape François alors qu’il avait connu un coup d’arrêt après les malentendus survenus avec le discours de Ratisbonne de Benoît XVI, en 2006. Ce rapprochement s’opère d’abord avec l’islam sunnite, le pape François multipliant les rencontres avec le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed Al Tayyeb. En février 2019, les deux chefs religieux signent une déclaration historique sur la fraternité humaine, véritable recueil de valeurs communes visant à être défendues par toutes les religions et destiné à être remis à tous les leaders influents. Inspirée par ces rencontres, l’encyclique Fratelli tuttirenouvelle par ailleurs la condamnation de toutes les violences commises au nom des religions.
En mars 2021, le Pape rend visite au grand ayatollah Al-Sistani au cours de son voyage en Irak. Une première qui manifeste ainsi son désir d' « amitié » et de « collaboration » avec l’islam chiite. Dans le vol retour pour Rome, le Pape confie d’ailleurs que ce moment passé avec l’une des plus hautes autorités chiites au monde a permis d’envoyer « un message universel ».
7 - LE PAPE DE LA SYNODALITÉ ET DE LA COLLÉGIALITÉ
Expliquant dès sa première encyclique, Evangelii Gaudium, qu’une « excessive centralisation, au lieu d’aider, complique la vie de l’Église et sa dynamique missionnaire », le pontife argentin a très tôt multiplié les initiatives pour tendre vers un gouvernement plus collégial. C’est tout le sens du conseil restreint de cardinaux venus des cinq continents appelés par François pour l’épauler dans sa tâche et contrebalancer le pouvoir de la Curie. C’est aussi une volonté de laisser plus de libertés aux assemblées synodales.
Mais des difficultés sont apparues au fil du pontificat dans la mise en application concrète d’une juste synodalité. Le cas de l’Église en Allemagne où les réflexions synodales pourraient déboucher sur la possibilité d’autoriser le mariage des prêtres ou bien encore le diaconat féminin soulève d’ailleurs à Rome un certain malaise. Le prochain « synode sur la synodalité » qui aura lieu à l’automne 2022 sera l’occasion de prendre à bras le corps cette question périlleuse.
8 - LA PLACE DES FEMMES
« Je souffre lorsque je vois, dans l’Église que le rôle de service de la femme glisse vers un rôle de servitude », confie le Pape dès le début de son pontificat, en août 2013. Depuis huit ans, l’évêque de Rome manifeste régulièrement son souhait d’accorder aux femmes plus de responsabilités dans l’Église en opérant notamment des nominations importantes. La dernière en date est celle de sœur Nathalie Becquart, le 6 février dernier, qui devient la première femme à accéder au poste de sous-secrétaire du Synode des évêques.
Dans son exhortation apostolique Querida Amazonia, le pontife a fermé la porte à l’ordination des femmes diacres, tout en souhaitant que la question puisse rester à l’étude. Néanmoins, le pape François a à plusieurs reprises mis en garde contre la tentation de « fonctionnaliser » ou « cléricaliser » la vocation de la femme.
- Hugues Lefèvre - I.Media - Publié le 12/03/21 sur Aleteia