Fioretti # 6 - Les sabots de Don Bosco
Fioretti de saint Jean Bosco
- Les sabots de don Bosco
Cette scène, qui s’est passée un jour d’été à l’Oratoire de Turin, montre à quel point on était pauvre chez Don Bosco.
Notre saint, devant envoyer un de ses abbés faire une course en ville, fit appeler un certain Rocchietti dans son bureau. Mais voilà qu’au moment où son commissionnaire tourne les talons il s’aperçoit que son abbé est lamentablement chaussé. « Regarde tes souliers, mon pauvre ami ! Ils sont tout décousus et ils baillent. N’en as-tu pas d’autres pour sortir en ville ? » — Hélas, non, Don Bosco, c’est mon unique paire. — Eh bien, tu vas prendre les miens.
Et le saint d’enlever aussitôt ses souliers que l’abbé s’empresse de mettre.
Mais voilà… Don Bosco n’avait lui aussi qu’une paire de chaussures ! Et de même tous ses braves abbés du Valdocco ! Impossible donc d’en trouver, même une mauvaise paire de rechange, dans toute la maison… On ne pouvait pas cependant laisser le directeur de l’établissement se promener tout un après-midi en chaussettes! On finit donc, en cherchant bien, par dénicher de vieux sabots dans le grenier. « Je vais les mettre, dit Don Bosco en riant. Je n’ai pas à sortir. J’attendrai ici le retour de Rocchietti ».
Hélas ! vers 15 heures, catastrophe ! Un inconnu se présente à la conciergerie et demande à parler d’urgence à Don Bosco. On le conduit au bureau du saint.
« Mon Père, dit le visiteur, je suis domestique chez M. le Comte Giriodi. Un membre de sa famille est au plus mal. Mon maître vous demande de venir d’urgence pour lui donner la bénédiction de Notre-Dame Auxiliatrice ».
Or l’abbé Rocchietti ne devait pas être de retour avant 17 heures ! Que faire ? Après un moment de réflexion Don Bosco, voyant la gravité de la situation, répond : « Eh bien, partons. Vous m’accompagnerez n’est-ce pas ? »
Et les voilà bientôt tous les deux dans les rues de Turin. Le saint marche le plus légèrement possible afin de ne pas trop faire de bruit sur les larges dalles des trottoirs et il se baisse tant qu’il peut pour cacher, avec le bas de sa soutane, ses malencontreux sabots !
On arrive enfin devant une somptueuse villa. Don Bosco voit le malade, lui donne la bénédiction qu’il attend, puis demande à se retirer. M. le Comte, que son domestique a renseigné sur l’étrangeté des chaussures de son hôte, s’offre à l’accompagner. Ce dernier, ne se doutant de rien, accepte.
Quelques instants plus tard, comme on passait dans une rue bordée d’arcades et de riches magasins, le Comte s’arrête et dit : « Voulez-vous entrer un instant avec moi, mon Père ? J’ai une petite emplette à faire ». Or il y avait là une boutique de chaussures tenue par une brave dame que Don Bosco connaissait bien.
« Bonjour, madame Zanone », dit le saint en entrant.
- Oh, mon Père, quel plaisir de vous voir ici ! Qui me vaut cet honneur ?
Tandis que Don Bosco cherche la réponse M. le Comte glisse discrètement à l’oreille de la dame : « Il n’a pas de souliers ! »
- Mon Dieu, est-ce possible, s’écrie la marchande en regardant les sabots du saint. Vous n’avez plus de chaussures ?
— Comme vous voyez, Madame… Mais nous sommes en été, ça n’a pas d’importance.
- Raison de plus au contraire. Vous devez étouffer là-dedans ! Quelle est votre pointure ?
Et voilà notre dame, perchée sur un escabeau, fouillant ses rayons pour y chercher ce qu’elle a de mieux. Bientôt elle tend une belle boîte à Don Bosco.
- Essayez ceux-là, mon Père ; ils doivent vous aller.
De fait l’essai fut concluant. Mais comme M. le Comte sortait son portefeuille la dame ne voulut rien accepter. Elle demanda seulement la faveur de garder les sabots du saint en souvenir de sa visite…
Don Bosco se confondit en remerciements puis, ravi, s’en retourna chez lui, emportant une des plus belles paires de chaussures de la boutique !
Ainsi la Providence l’avait tiré élégamment d’embarras…