LES CRITERES DE DISCERNMENT VOCATIONNEL (4)

Les étapes du cheminement vocationnel

LES CRITERES DE DISCERNMENT VOCATIONNEL (4)

LES CRITERES DE DISCERNMENT VOCATIONNEL

AU COURS DE LA FORMATION INITIALE

 

  1. premisses fondamentales

 

(Suite du texte présenté fin juillet 2021)

 

  1. Les étapes du cheminement vocationnel

C’est avec le temps que le candidat à la vie consacrée se laisse configurer totalement au Christ chaste, pauvre et obéissant. En fonction de cette temporalité, ce processus de formation religieuse se divise en différentes étapes qu’il faut savoir bien distinguer et respecter[1]. Donc, on ne peut pas oublier le facteur de temporalité dans le discernement d’une vocation. La formation est un processus dynamique qui comporte ses étapes suivantes[2] :

a) L’appel divin

C’est l’étape de l’initiative divine : l’appel est un don gratuit de Dieu qui se révèle et parle dans les profondeurs de l’être de l’homme. C’est l’étape de la grâce opérante : Dieu commence à opérer dans le cœur de l’homme et y verse son amour. Cet appel s’adresse à un individu particulier, mais dans sa totalité. L’individu acquiert une nouvelle appréhension non seulement des valeurs naturelles, mais aussi des valeurs auto-transcendantes et se dispose à une nouvelle forme de vie.

 b) Le début de la coopération de l’homme

C’est l’étape de la grâce coopérante où la personne manifeste une soif de connaître profondément le mystère rencontré. La personne discerne et évalue les nouvelles valeurs de l’expérience vocationnelle. La personne acquiert une connaissance pas purement intellectuelle, mais celle qui naît de l’amour où l’on s’abandonne et se rend disponible à Dieu sans le connaître totalement. Selon l’expression de Bernard Lonergan, c’est tomber amoureux de Dieu : « L’expérience d’être amoureux de Dieu, c’est celle d’être amoureux sans restriction. Tout amour consiste à s’abandonner, mais être amoureux de Dieu, c’est être en amour sans limite, sans restriction, sans condition et sans réserve »[3].

 c) La décision initiale

A cette étape, la personne se décide consciemment et librement de commencer le cheminement vocationnel, en choisissant librement les valeurs auto-transcendantes découvertes dans la rencontre avec Dieu. C’est le moment d’adhérer au projet vocationnel, de donner une réponse positive à l’appel de Dieu. C’est le moment d’un oui personnel à l’invitation divine ; de se mettre en route pour une aventure avec Dieu ; de s’abandonner totalement au projet de Dieu[4].

 d) L’intégration du Soi avec la vie dans le Christ

La personne se dispose librement et consciemment à intégrer dans toute sa personnalité les nouvelles valeurs auto-transcendantales de l’expérience vocationnelle. Elle commence un long processus de transformation totale en Jésus Christ jusqu’au point de pouvoir dire avec l’Apôtre Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2, 20). C’est cette intégration qui produit les fruits de la vie spirituelle : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi » (Gal. 5, 22-23).

Dans la même ligne, en s’inspirant aussi de Lonergan sur les quatre niveaux de l’opération humaine[5], le Père Amedeo Cencini nous propose quatre phases qui sont fondamentales à tout processus de la formation religieuse [6] :

a) La phase de la formation à « l’attention à… »: Au début du cheminement vocationnel, le formateur doit prêter attention à l’histoire du jeune, à son passé, ses qualités, à ses problèmes, à ses immaturités, à ses forces et faiblesses, à ses interrogations, à ses perceptions erronées de sa réalité et de la vocation, à ses attentes irréalistes, à ses ombres et lumières, à son milieu d’origine, sa famille, sa culture, etc. Le formateur porte progressivement le jeune à se connaître dans toute sa réalité.

b) La phase de la formation à la « libération de… » : C’est la phase où le formateur aide le jeune à se libérer de ses fausses images de soi, de ses attractions inconscientes, de sa recherche de gratifier les besoins inconscients, de ses perceptions et attentes irréalistes sur la vocation. Le jeune doit reconnaître et toucher ses propres faiblesses et fragilités. Pour cela, le formateur ne doit pas céder à la tentation de vouloir le protéger ou consoler ; il faut le laisser seul devant Dieu pour apprendre à prier humblement sans prétention, sans vanter ses mérites, ou ses perfections.

c) La phase de la formation à la « liberté pour… »: C’est la phase où le formateur aide le jeune à formuler un jugement critique sur ses propres valeurs et de se décider librement à choisir et adhérer aux valeurs évangéliques qui donnent sens à sa vie. Le jeune apprend à chercher la volonté de Dieu dans sa vie, à travers l’écoute et la méditation quotidienne de la Parole de Dieu, la docilité à l’Esprit Saint, l’introduction à la vie consacrée, etc. C’est ici où l’on peut situer l’étude et l’approfondissement de la spiritualité et du charisme de l’institut qui deviendront pour le jeune le point de référence pour le reste de sa vie.

d) La phase de la formation au « courage de… » : C’est la phase où le jeune est aidé à avoir le courage de se décider et agir adéquatement à sa décision. Du point de vue psychologique, le courage est fondamentalement lié à la confiance en soi et envers les autres. Dans le cheminement formatif, rien n’est sûr et certain à 100%, il faut savoir s’abandonner courageusement à la Providence. C’est le courage et la confiance de celui qui accepte de faire le chemin sans savoir exactement où le portera cette « aventure d’amour » que lui propose le Seigneur. Il apprend non pas à compter sur ses propres forces et mérites, mais à recevoir sa vocation comme un don et à s’engager totalement pour réaliser les valeurs proposées par le Christ.

Après avoir présenté les prémisses, tout le monde se rend compte de la délicatesse de la responsabilité que l’Eglise et la Congrégation nous ont confiée en tant que médiateurs de cette réalité assez complexe appelée vocation à la vie consacrée.

[1] Voici les étapes que la formation religieuse doit suivre : (a) La pastorale des vocations : La formation est précédée par un temps de la prise de contact avec les jeunes, par une pastorale des vocations dont la règle d’or est l’invitation de Jésus : ‘‘Venez et voyez’’ (Jn 1,39) ; elle doit montrer, «l’attrait de la personne du Seigneur Jésus et la beauté du don total de soi pour la cause de l’Evangile» (VC, n. 64) ; (b) L’étape préalable à l’entrée au noviciat : Cette étape (communément appelée postulat ou pré-noviciat) a pour but de discerner un minimum de maturité nécessaire avant l’admission au noviciat : le degré de maturité humaine et chrétienne, la culture générale de base, l’équilibre de l’affectivité, la capacité de vivre en communauté (voir PI, nn.42-43) ; (c) Le noviciat : C’est «un temps d’initiation intégrale à la forme de vie que le Fils de Dieu a embrassée et qu’il nous propose dans l’Evangile» (PI, n.45). C’est le temps fort d’initiation :  (i) initiation à la connaissance profonde et vivante du Christ et son Père; (ii) initiation à entrer dans le mystère pascal du Christ; (iii) initiation à la vie fraternelle et évangélique ; (iv) initiation à l’histoire, à la mission et à la spiritualité de l’institut (cf. PI, n. 47) ; (d) La formation des profès temporaires : c’est le temps de «recueillir les fruits des étapes précédentes et de poursuivre sa propre croissance humaine et spirituelle par la pratique courageuse de ce à quoi il s’est engagé» (PI, n. 59) ; c’est le temps de l’étude approfondie de la vie consacrée et du charisme de l’institut, d’engagement apostolique et de participation progressive à des expériences ecclésiales et sociales, dans la ligne du charisme de son institut (PI, nn. 61-62); (e) La formation continue ou permanente :  Cette étape concerne toutes les dimensions de l’identité de la personne consacrée :  (i) la dimension spirituelle (vie dans l’Esprit, vie sous l’action de l’Esprit, les temps d’oraison, de silence et de solitude) ; (ii) la dimension humaine et fraternelle (connaissance de soi, attention à la liberté intérieure, à l’intégration de son affectivité, à la capacité de communiquer, à la compassion, à l’amour pour la vérité) ;  (iii) la dimension apostolique (mise à jour des méthodes et des buts des activités apostoliques, dans la fidélité au charisme et aux signes de temps) ; (iv) la dimension culturelle et professionnelle  (formation théologique solide pour la fidélité au charisme et l’attention aux signes de temps et profiter des moyens du progrès actuel); (v) la dimension charismatique (une étude continuelle et assidue de la spiritualité de l’Institut, de son histoire et de sa mission (VC, n.71).

[2] Cf. AVC II, 42-43; Cf. A. Manenti, Vivere gli ideali,42-47. Voir aussi la version détaillée de ces étapes dans AVC III, 385-423.

[3] B.J.F Lonergan, Pour une méthode en théologie, 128.

[4]  C’est à cette étape qu’on peut situer le « fiat » de Marie : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1,38).

[5] Les quatre niveaux sont : (i) le niveau de l’expérience sensorielle, (ii) le niveau de la compréhension, (iii) niveau du jugement et (iv) le niveau de la décision (cf. AVC I, 138-140). 

[6] Cf. A. Cencini, Vita consacrata:Itinerario formativo lungo la via di Emmaus, 193-211.