L'aspect religieux de la pauvreté

cf. T. J. van Bavel, Au cœur de la vie religieuse

L'aspect religieux de la pauvreté
L'aspect religieux de la pauvreté

L'aspect religieux de la pauvreté

cf. T. J. van Bavel, Au cœur de la vie religieuse

La vie religieuse doit avoir un œil sur les injustices réelles et prendre parti pour les opprimés... Mais est-ce que tout cela a quelque chose à voir avec le religieux ? Ne pouvons-nous pas laisser tout cela aux spécialistes et aux groupes de contestation ? L'histoire de la vie religieuse apporte une réponse évidente à ces questions : elle a toujours contribué activement à la formation de la conscience dans ses moments les plus vitaux. Pour les religieux, lutter pour l'homme signifiait toujours prendre le projet de vie de Jésus sur leurs propres épaules. L'aspect religieux était toujours inconsciemment ou consciemment présent. Point besoin de l’exprimer consciemment, mais si l'on le voulait, on pourrait le décrire comme suit : si le détachement et le renoncement font partie de l'attitude religieuse à l'égard de la vie, ce n'est pas parce que la richesse en elle-même est mauvaise, mais parce que le Royaume de Dieu (c'est-à-dire le règne de l'amour) est la plus grande valeur. L'argent peut tellement dominer l'homme qu'il y met toute sa confiance et y cherche sa sécurité. L'homme peut devenir la proie de l'idolâtrie de l'argent et du pouvoir. L'accent mis sur Dieu et sur le Royaume de Dieu est ainsi étouffé. En tant que croyants, nous le regrettons, car nous croyons qu'un accomplissement supérieur de la vie est réservé à l'homme. Les biens de cette création ne sont ni les seules ni les dernières valeurs de l'existence. Renoncer volontairement à ces biens, c'est les exprimer de manière tangible : ils ne sont ni les derniers ni les plus importants dans une vie humaine.

L'idolâtrie de l'argent et du pouvoir s'accompagne généralement de formes d'idolâtrie plus sophistiquées, qui ne sont donc pas moins dangereuses. À cet égard, l'idolâtrie de l'activité et de l'utilité doit être notée. Toute la culture occidentale impose l'activité et l'utilité comme normes absolues (au moins il y a quelques années, et peut-être encore aujourd'hui). Ce qui n'est pas une action est sans valeur. Ce qui ne sert à rien est insensé. Ces propositions sont en fait liées à l'attribution de la première place au matériel. Parce que le matériel peut être pesé et mesuré : son utilité est visible. Il n'y a pas d'utilisation immédiate de la contemplation, de la poésie, du jeu ou de la religion. C'est pourquoi de nombreux jeunes réagissent en propageant une vision radicalement différente de la vie : on peut aussi aborder le monde de telle sorte qu'il devienne une alternative poétique aux rêves de consommation. D'un point de vue religieux aussi, il y a beaucoup à dire dans ce domaine : en plus d'une approche poétique, une approche religieuse du monde met également en évidence des valeurs qui contribuent beaucoup plus à la véritable humanité que les attentes d'activité et d'utilité. Avant qu'une personne n'ait eu le temps de vivre, elle peut être morte, c'est-à-dire que l'on peut devenir tellement absorbé par l'activité et l'utilité qu'on ne se laisse pas le temps de vivre réellement. L'homme peut oublier de « vivre ».

La question qui préoccupe réellement les religieux est donc : à quoi concrètement l’homme accorde-t-il réellement la plus haute valeur de la vie ? Si le Royaume de Dieu est en premier lieu un royaume de communion (koinonia) et d'amour, alors le partage de ses propres biens signifiera l'édification de ce royaume. Ainsi, chaque chrétien, y compris le religieux, partage le mode de vie de Jésus qui s'est fait pauvre (2 Co 8, 9). Mais pour eux, la pauvreté se rapporte toujours à la venue de ce Royaume, qui est un royaume de justice et d'amour, et qui ne se réalise que dans la mesure où la vraie justice et l'amour se produisent parmi les hommes. Que d'autres accomplissent la même chose sans l'inspiration du Christ et sans lui, ne devrait pas être une raison de douter de leur propre engagement ou de la valeur de leur propre inspiration chrétienne. On peut se réjouir de tout le bien qui est accompli, car les voies de la bonté sont nombreuses.