ASPECTS DE LA VIE EN COMMUNAUTE - 2

D'après le livre de Jean Vanier

ASPECTS DE LA VIE EN COMMUNAUTE - 2
  1. Un coeur, une âme, un esprit.

(cf. Jean Vanier, “La communauté, lieu du pardon et de la fête”, p. 21 ss)

 

  1. a) La communauté, lieu d’appartenance.

 

La toute première communauté à laquelle on appartient est une famille. Le désir le plus profond d’un enfant est d’être en communion avec son père et sa mère. Ce besoin de communion avec une autre personne est ce qu’il y a de plus fondamental dans l’être humain. L’essentiel de la communauté, c’est un sentiment d’appartenance (cf. société africaine - mais attention : ne pas exclure les autres groupes et dépasser la peur). La vraie communauté est libérante. “Mon peuple”, c’est ma communauté, la petite communauté de ceux qui vivent ensemble mais aussi la communauté plus grande qui est autour et pour laquelle on est là. “Mon peuple” est ma communauté constituée par ceux qui me connaissent et qui me portent. Il peut et doit être un tremplin vers l’humanité tout entière. Je ne peux pas être un frère universel si je n’aime pas d’abord “mon peuple”.

 

  1. b) La communauté, lieu d’ouverture.

 

Ce qui distingue une communauté et un groupe d’amis, c’est que dans une communauté nous verbalisons notre appartenance mutuelle et nos liens ; nous annonçons nos buts et l’esprit qui nous unit. Nous reconnaissons ensemble que nous sommes responsables les uns des autres, et que ce lien vient de Dieu, qu’il est un don de Dieu. C’est Lui qui nous a choisis et nous a appelés ensemble, dans une alliance d’amour et une sollicitude mutuelle.

L’attitude fondamentale d’une communauté où se vit une véritable appartenance est l’ouverture, l’accueil et l’écoute de Dieu, de l’univers, des autres personnes et des autres communautés. Vivre la communauté, c’est faire tomber les barrières pour accueillir la différence.

 

  1. c) La communauté, lieu d’amour mutuel.

 

Si la communauté est appartenance et ouverture, elle est aussi amour envers chaque personne. Nous pourrions dire que la communauté est définie par ces trois éléments : aimer chacun, être liés ensemble et vivre la mission.

En communauté, on aime chaque personne et non la communauté au sens abstrait. Ce sont les personnes qui comptent ; c’est de les aimer telles qu’elles sont, et de telle façon qu’elles grandissent selon le plan de Dieu et deviennent sources de vie.

Parce que les personnes sont liées les unes aux autres, elles forment une seule famille, un peuple, un troupeau. Et ce peuple a été appelé ensemble à être signe et témoin, à accomplir une mission particulière qui est son charisme et son don.

Cela devient une communauté quand on commence à s’aimer les uns les autres et à se préoccuper de la croissance de chacun. La communauté comme telle n’est jamais une fin en soi. Elle a pour but les personnes, l’amour et la communion avec Dieu.

Des personnes se rassemblent en communauté parce qu’elles veulent créer un lieu où on s’aime. Elle est un lieu de communion, où l’on s’aime les uns les autres et où l’on devient vulnérables les uns par rapport aux autres.

En communauté, on laisse tomber les barrières. Les apparences et les masques disparaissent. Mais cela n’est pas facile (cf. le fait de vouloir s’affirmer ou le fait de ne pas oser être soi-même). Une communauté commence vraiment quand on ne se cache plus les uns aux autres; quand on ne cherche plus à prouver sa valeur, réelle ou prétendue. Les barrières sont tombées, et on peut vivre ensemble une expérience de communion.

 

  1. d) Communion et collaboration.

 

Dans une communauté, tous sont appelés à collaborer. Le travail doit être fait (cf. différents services). Il est clair que chacun a son travail dont il devra rendre compte à quelqu’un ou à l’ensemble de la communauté. Il faut une organisation bien précise et une discipline dans une communauté, sinon ce sera le chaos et l’inefficacité complète.

C’est surtout vrai quand on vit ensemble. Dans une communauté, la collaboration doit trouver sa source dans la communion. C’est parce qu’on s’aime les uns les autres, et qu’on se sent appelés à vivre ensemble, à cheminer vers les mêmes buts qu’on collabore. La collaboration sans la communion devient rapidement un camp de travail ou une usine, où l’unité provient d’une réalité extérieure ; il y a alors beaucoup de tensions et de conflits.

La communion est fondée sur une certaine expérience commune d’amour ; c’est la reconnaissance que nous sommes un seul corps, un seul peuple appelé par Dieu à être source d’amour et de paix.

La communauté est avant tout un lieu de communion. Quand une communauté n’est plus qu’un lieu de travail, elle est en péril.

 

  1. e) La communauté, lieu de guérison et de croissance.

 

La communauté est le lieu où sont révélés les limites, les peurs et l’égoïsme d’une personne. On découvre sa pauvreté et ses faiblesses, ses incapacités à s’entendre avec certains, ses blocages, son affectivité ou sa sexualité perturbées, ses désirs qui semblent insatiables, ses frustrations, ses jalousies, ses haines et ses envies de détruire. Tant qu’on était seul, on pouvait croire qu’on aimait tout le monde. Vivant maintenant tout le temps avec d’autres, on réaliser combien on est incapable d’aimer, combien on refuse les autres, combien on est enfermé en soi-même.

La vie communautaire est la révélation bien pénible des limites, des faiblesses et des ténèbres de chaque être.

La communauté est le lieu où la puissance du moi égoïste se révèle et où il est appelé à mourir pour que les personnes deviennent un seul corps et deviennent source de vie.

En chacun de nous, il y a une profonde blessure d’amour, un cri pour être considéré, apprécié et regardé comme unique et important.

La vie en communauté est la révélation de cette blessure profonde. Nous ne pouvons commencer à la regarder et à l’accepter que lorsque nous découvrons que Dieu nous aime d’une manière incroyable. Nous sommes blessés mais nous sommes aimés ; nous pouvons grandir, devenir plus ouverts et plus compatissants ; nous avons une mission. La communauté devient le lieu de la libération et de la croissance.

Si on grandit dans l’amour des autres, on grandit dans l’amour de Dieu. Si on ferme son cœur aux autres, on ferme son cœur à Dieu. La vie en communauté avec toutes ses difficultés est un lieu exceptionnel de croissance.

En chaque être humain, il y a une soif de communion, un cri d’appel pour être aimé et compris d’un autre - ni jugé ni condamné ; un désir profond d’être reconnu comme précieux et unique.

Jésus propose quelque chose de nouveau : aimer les autres avec l’amour même de Dieu, les regarder avec Ses yeux.

La communauté est le lieu où l’on apprend à aimer et à devenir artisans de paix.

 

  1. f) Sympathies et antipathies.

 

Les deux grands dangers d’une communauté sont les “amis” et les “ennemis”.

Une communauté n’est une communauté que quand la majorité des membres ont décidé consciemment de briser ces barrières et de sortir du cocon des “amitiés” pour tendre la main aux “ennemis”. La première tâche de l’amour est la purification de soi-même.

 

  1. g) La communauté, lieu de pardon.

 

Tant que je n’accepte pas d’être un mélange de lumière et de ténèbres, de qualités et de défauts, d’amour et de haine, d’altruisme et d’égocentrisme, de maturité et d’immaturité ; tant que je ne reconnais pas que nous sommes tous enfants du même Père, je continue à diviser le monde en “ennemis” (les “mauvais”) et en “amis” (les “bons”) ; je continue à dresser des barrières autour de moi et de ma communauté, à répandre des préjugés.

Mais si j’admets que j’ai des faiblesses et des défauts, que j’ai péché contre Dieu et contre mes frères mais que je suis pardonné et que je peux progresser vers la liberté intérieure et un amour plus vrai, alors je peux accepter les défauts et les faiblesses des autres. Eux aussi sont pardonnés par Dieu et peuvent progresser vers la liberté et l’amour. Je peux regarder chaque être humain avec réalisme et amour ; je peux commencer à voir en eux la blessure qui engendre la peur, mais aussi le don que je peux aimer et admirer. Nous sommes tous des personnes mortelles et fragiles mais nous sommes tous uniques et précieux. Il y a une espérance ; nous pouvons tous progresser vers une plus grande liberté. Nous apprenons à pardonner.

En communauté il est si facile de juger et de condamner les autres. Nous enfermons les gens dans des catégories : “Il est comme ceci ou comme cela”. En faisant ainsi, nous leur refusons la possibilité de grandir. Jésus nous dit de ne pas juger ni condamner. C’est le péché de la vie communautaire. Quand nous jugeons, nous repoussons les autres ; nous élevons un mur, une barrière. Quand nous pardonnons, nous détruisons les barrières, nous nous rapprochons des autres. Il nous arrive de juger trop rapidement les personnes. Si facilement on remarque les imperfections des autres au lieu de souligner tout ce qui est positif en eux ! Nous avons tous du mal à écouter vraiment les autres et à les apprécier.

Il nous faut approfondir notre vie spirituelle afin d’être plus centrés sur la vérité, sur l’amour, sur Dieu ; afin de parler et d’agir de ce centre (là où Jésus est présent) et de ne pas juger les autres.

Nous ne pouvons vraiment accepter les autres tels qu’ils sont et leur pardonner que lorsque nous découvrons que Dieu nous accepte vraiment tels que nous sommes et qu’Il nous pardonne. C’est une expérience profonde que de se savoir aimés et portés par Dieu avec toutes nos blessures et notre petitesse.

La communauté est le lieu du pardon. Malgré toute la confiance qu’on peut avoir les uns dans les autres, il y a toujours des paroles qui blessent, des attitudes où l’on se met en avant, des situations où les susceptibilités se heurtent. C’est pour cela que vivre ensemble implique une certaine croix, un effort constant et une acceptation qui est un pardon mutuel de chaque jour.

 

  1. h) Etre patient.

 

La langue est un des organes les plus petits, mais elle peut semer la mort. Pour cacher nos propres défauts, on grossit si vite les défauts des autres ! Quand on a accepté ses propres défauts, c’est plus facile d’accepter ceux des autres.

Un des rôles de la vie communautaire est de nous aider à continuer la route dans l’espérance, à nous accepter tels que nous sommes et à accepter les autres tels qu’ils sont.

La patience, comme le pardon, est au cœur de la vie communautaire : patience envers nous-mêmes et les lois de notre propre croissance, et patience envers les autres. L’espérance communautaire est fondée sur l’acceptation et l’amour de la réalité de notre être et de celle des autres, et sur la patience et la confiance nécessaires à la croissance.

Grandir dans l’amour, c’est essayer chaque jour d’être accueillants, attentifs et aimants envers ceux avec lesquels on a le plus de difficultés, nos “ennemis” ; envers les plus pauvres, les plus âgés, les plus faibles, les plus exigeants, les plus souffrants; envers les plus marginaux de la communauté, ceux qui ont le plus de difficulté à se conformer au règlement; enfin, envers les plus jeunes.

 

  1. i) La confiance mutuelle.

 

Il faut du temps pour former une vraie communauté.

Les jeunes mariés s’aiment peut-être beaucoup, mais cet amour a parfois un élément superficiel et excitant lié à la découverte qu’on vient d’en faire. L’amour est sans doute plus profond entre de vieux époux qui ont vécu des épreuves ensemble et savent que l’autre sera fidèle jusqu’à la mort. Ils savent que rien ne peut briser leur union.

C’est la même chose dans nos communautés : c’est souvent après des souffrances, des difficultés très grandes, des tensions qui ont mis à l’épreuve la fidélité que la confiance grandit. Une communauté où il y a une vraie confiance mutuelle est une communauté inébranlable.

Quand peu à peu nous découvrons que Dieu et les autres ont confiance en nous, il nous est plus facile d’avoir confiance en nous-mêmes et notre confiance dans les autres peut grandir.

Vivre en communauté, c’est découvrir et aimer le secret de sa propre personne dans ce qu’elle a d’unique. C’est ainsi qu’on devient libre. On ne vit plus alors selon les désirs des autres ou selon un personnage, mais à partir de l’appel profond de sa personne, et on devient libre, libre d’aimer les autres tels qu’ils sont et non tels qu’on voudrait qu’ils soient.

 

  1. j) Appelés par Dieu tels que nous sommes.

 

Dans une communauté, il ne s’agit pas d’avoir des gens parfaits. Une communauté est faite de personnes liées les unes aux autres, chacune faite de ce mélange de bien et de mal, de ténèbres et de lumière, d’amour et d’égoïsme.

Aimer les autres, c’est reconnaître leurs dons et les aider à les développer ; c’est aussi accepter leurs blessures et être patients et compatissants envers eux.

“Tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples à l’amour que vous aurez les uns pour les autres” (Jn 13,25).

La vie en communauté n’est pas facile, mais elle devient possible grâce à l’appel de Jésus.

Il ne faut pas chercher la communauté idéale. Il s’agit d’aimer ceux que Dieu a mis à nos côtés aujourd’hui. Ils sont signes de la présence de Dieu pour nous. Ce sont eux que Dieu nous a donnés, qu’il a choisis pour nous. C’est avec eux que nous devons créer l’unité et vivre l’alliance. Nous choisissons toujours nos amis, mais nous ne choisissons pas nos frères et sœurs : ils nous sont donnés. Il en est de même en communauté.

 

  1. k) Partager sa faiblesse.

 

Il n’y a pas de communauté idéale. La communauté est faite de gens avec leurs richesses, mais aussi avec leurs faiblesses et leur pauvreté, qui s’acceptent mutuellement et se pardonnent, qui sont vulnérables les uns par rapport aux autres. Plus que la perfection et le dévouement, l’humilité et la confiance sont le fondement de la vie communautaire.

Il s’agit de croître à partir de ce qu’on est et non de ce qu’on voudrait être, ou de ce que d’autres voudraient qu’on soit. Il faut être conscients de ce qu’on est et de ce que sont les autres, avec nos richesses et nos faiblesses, il faut être conscients de l’appel de Dieu et de la vie qu’il nous donne, pour pouvoir construire quelque chose ensemble.

Aimer c’est devenir faible et vulnérable ; c’est lever les barrières, et briser ses carapaces par rapport aux autres ; c’est laisser les autres entrer en soi, et user d’une grande délicatesse pour entrer en eux. Le ciment de l’unité, c’est l’interdépendance.

La communauté est faite de délicatesse entre personnes dans le quotidien. Elle est faite de petits gestes, de prévenances, de services et de sacrifices qui sont des signes constants de “je t’aime” et “je suis heureux d’être avec toi”. C’est prendre sur soi les petits fardeaux pour en décharger le voisin. “Que chacun par humilité estime les autres supérieurs à soi. Ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres” (Ph 2,3).

 

  1. l) La communauté est un corps vivant.

 

Toute communauté est un corps et nous appartenons tous les uns aux autres. Nous sommes appelés chacun personnellement à vivre ensemble, à faire partie de la même communauté, du même corps. Cet appel est le fondement de notre décision de nous engager les uns avec les autres et pour les autres, devenant responsables les uns des autres : cf. Rm 12,4-5.

Et dans ce corps, chacun a un rôle à jouer : cf. 1 Co 12,22-26.

Et dans ce corps, chacun a un don différent à exercer : cf. Rm 12,6-8.

 

  1. m) Exercer son don.

 

Utiliser son don, c’est construire la communauté. Ne pas être fidèle à son don, c’est nuire à toute la communauté et à chacun de ses membres. Chacun suivant son don trouve sa place dans la communauté. Il devient non seulement utile mais unique et nécessaire aux autres. De cette façon-là seulement les rivalités et les jalousies s’évanouissent. La jalousie est un des fléaux qui détruisent la communauté. Elle provient de ce qu’on ignore son propre don ou qu’on n’y croit pas assez. Si on était assez convaincu de son propre don, on ne jalouserait pas celui des autres, qui a toujours tendance à nous paraître plus beau.

Trop de communautés forment (déforment ?) leurs membres pour qu’ils se ressemblent tous, comme si c’était une qualité, basée sur l’abnégation. Elles sont alors fondées sur la loi, le règlement. Il faut au contraire que chacun grandisse dans l’exercice de son don pour construire la communauté, la rendre plus belle et rayonnante, davantage signe du Royaume.

De différents ministères dont nécessaires à la communauté : celui de tenir sa langue, celui de l’humilité et de la douceur, celui de savoir se taire quand on vous critique, celui de l’écoute, celui d’être toujours prêt à rendre service dans les petites choses de la vie, celui de porter et supporter les frères, celui de pardonner, celui de proclamer la parole, de dire la vérité et finalement le ministère de l’autorité.

Mais il y a encore d’autres dons : le don de compassion, le don de discernement, le don de la lumière, le don d’animer, le don de discerner le bien des personnes, le don de l’accueil.

La communauté est le lieu sûr où chaque personne se sent libre d’être elle-même et de s’exprimer, de dire en toute confiance ce qu’elle vit et pense. Certes toutes les communautés n’arrivent pas parfaitement à réaliser ce point mais il faut qu’elles y tendent. Au coeur de la communauté il doit y avoir une écoute pleine de respect et de tendrese qui appelle ce qu’il y a de plus beau, de plus vrai dans l’autre.

 

  1. n) De “la communauté pour moi” à “moi pour la communauté”.

 

Une communauté n’est vraiment un corps que quand la majorité des membres est en train de faire le passage de “la communauté pour moi” à “moi pour la communauté”, c’est-à-dire que le cœur de chacun est en train de s’ouvrir à chaque membre, sans exclure personne. C’est le passage de l’égoïsme à l’amour, de la mort à la résurrection.

La communauté n’est pas cohabitation, ce n’est pas une caserne ou un hôtel. Elle n’est pas une équipe de travail et encore moins un nid de vipères ! C’est ce lieu où chacun, ou plutôt la majorité est en train d’émerger des ténèbres de l’égocentrisme à la lumière de l’amour véritable. L’amour n’est ni sentimentalisme ni émotion passagère. C’est la reconnaissance d’une alliance, d’une appartenance mutuelle. C’est écouter l’autre, être concerné par lui et se sentir en communion profonde avec lui. C’est voir sa beauté et la lui révéler. C’est répondre à son appel et à ses besoins les plus profonds. C’est compatir, souffrir avec lui, pleurer quand il pleure, se réjouir quand il se réjouit. Aimer c’est aussi être heureux quand il est là, triste quand il est absent ; c’est demeurer mutuellement l’un dans l’autre, prenant refuge l’un dans l’autre. “L’amour est une puissance unificatrice”.

Si l’amour c’est être tendu l’un vers l’autre, c’est aussi et surtout tendre tous les deux vers les mêmes réalités ; c’est espérer et vouloir les mêmes choses ; c’est communier à la même vision, au même idéal. Et par là, c’est vouloir que l’autre se réalise pleinement selon les voies de Dieu et au service des autres.

Nous avons là les deux pôles de la communauté : un sentiment d’appartenance l’un à l’autre mais aussi un désir que l’autre aille plus loin dans son don à Dieu et aux autres, qu’il soit plus lumineux, plus profondément dans la vérité et la paix.

Pour qu’un cœur fasse ce passage de l’égoïsme à l’amour, de “la communauté pour moi” à “moi pour la communauté”, et la communauté pour Dieu et pour ceux qui sont dans le besoin, il faut du temps et de multiples purifications, des morts constantes pour des résurrections nouvelles. Pour aimer, il faut sans cesse mourir à ses idées, ses susceptibilités, ses conforts. Le chemin de l’amour est paré de sacrifices.

Aimer n’est pas seulement un acte volontaire par lequel on prend sur soi pour contrôler et dépasser sa sensibilité, mais c’est une sensibilité et un cœur purifiés qui se portent spontanément vers l’autre. Et ces purifications profondes ne se réalisent que par un don de Dieu, une grâce jaillie du plus profond de nous-mêmes, là où réside l’Esprit. Apprendre à aimer demande toute une vie, car il faut que l’Esprit Saint pénètre tous les coins et recoins de notre vie, toutes ces parties où il y a des peurs, des craintes, des défenses, des jalousies.

C’est vers l’unité (cf. Jésus dans sa prière pour l’unité de ses disciples) que doivent tendre les communautés : “un même cœur, une même âme, un même esprit”.

Dieu est une famille de trois Personnes, trois Personnes en communion les unes avec les autres, qui se donnent totalement les unes aux autres, chacune étant relative aux autres. Et Dieu a créé l’homme et la femme comme signe de la Trinité ; il les a créés pour vivre en communion l’un avec l’autre et être ainsi le reflet de Son Amour. Dieu désire ardemment des communautés qui soient signe de cette communion entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit. “Qu’ils soient un, comme le Père et moi nous sommes un” (Jn 17).